Ringarde, la fermette ? Cette rénovation lumineuse et moderne prouve le contraire
D’une fermette sombre et datée à Poederlee, Lens°ass a réussi à faire une ferme contemporaine, sans faire tabula rasa du passé. « On sait la traverser avec une brouette, cette maison peut vraiment en prendre pour son grade » sourient les architectes de cet ambitieux projet. Visite guidée.
La fermette version nouvelles constructions est-elle une réplique inutile ? Une fausse nostalgie de la vie à la ferme, mais en version Aldi ? Les avis sont partagés, même parmi les architectes. Le fait est que ces fermettes sont assez nombreuses le long des routes flamandes, où elles ont été construites entre les années 1960 et 1990 par des entreprises de construction sans aucune ambition architecturale.
Que faire de ces néo-fermes ? On ne peut pas parler de patrimoine, car l’archétype est truqué. Les démolir alors ? Ou bien valent-elles encore la peine d’être rénovées, ne serait-ce que d’un point de vue écologique ? « Nous en rions parfois : ces fermettes sont si laides qu’elles redeviennent belles » explique l’architecte Thijs Prinsen, associé du cabinet Hassel Lens°ass, fondé par Bart Lens. « Mais si vous ajoutez des détails contemporains, les préjugés peuvent s’estomper ». Voire même, donner naissance à un projet architectural hautement désirable.
Dans le style paysan
C’est ainsi que Lens°ass s’est attaqué à cette fermette le long d’une route très fréquentée à Poederlee. Il ne s’agit pas d’une monstruosité d’une entreprise de construction, mais plutôt d’une construction d’un ingénieur qui aimait le style paysan.
« Il a acheté du vieux bois dans la ferme d’un château en France, et c’est avec ce bois qu’il a construit la structure de sa maison. Mais il était – d’après ce que j’ai entendu dire – un reclus. Sa maison avait de très petites fenêtres. Et il brûlait parfois des pneus de voiture dans sa cheminée. Tout était noir et sombre. Bref, une maison un peu sinistre » confie M. Prinsen.
La tâche numéro un était donc de créer de l’ouverture. « Ces poutres de récupération étaient des mastodontes de 45 centimètres de diamètre. Quand on entrait ici, on avait l’impression que la poutrelle allait nous tomber sur la tête », explique notre interlocuteur.
« Nous avons conservé les poutres, mais nous avons créé de nouvelles grandes ouvertures de fenêtres pour apporter à la maison un peu plus de lumière et d’air. Nous avons également ajouté de nombreuses fenêtres intérieures en acier pour dissiper un peu cette impression de fermeture. Et pour créer des perspectives entre les différentes pièces, car il n’y avait pratiquement aucun lien entre elles. Dans le salon, la confrontation entre le passé et le présent est très claire : une grande fenêtre combinée aux « fenêtres de fermier » d’origine ».
À l’épreuve des brouettes
Les propriétaires – un jeune couple avec un enfant – ont privilégié le style originel de la ferme, mais de manière contemporaine. Dans la cuisine, par exemple, il y a un poêle à l’ancienne, sur lequel ils cuisinent de temps en temps.
« Cette maison, on peut la traverser, pour ainsi dire, avec ses bottes et sa brouette sans laisser de traces » sourient-ils. « Les matériaux utilisés – comme dans une vraie ferme – peuvent être mis à rude épreuve » précise M. Prinsen. « Dans le hall et la cuisine, par exemple, il y a des briques de récupération que nous avons trouvées dans le jardin. Il s’agit peut-être d’un surplus de la construction de la maison d’origine. Ces briques ont été récupérées pièce par pièce et sciées pour en faire des carreaux de sol ».
Cependant, le mur côté rue n’a pas été construit avec des briques de récupération.
« Au départ, l’intention était de construire un mur de jardin aussi ancien, mais ce n’était pas possible d’un point de vue budgétaire. L’acier Corten et le béton étaient également trop chers » explique l’architecte. « Nous avons donc opté pour des briques de construction rapide, que l’on voit souvent comme murs dans les maisons. Nous avons tourné ces briques de 90 degrés, exposant les crêtes les plus épaisses à la tête des briques. Nous avons ainsi obtenu un mur assez épais, capable de bloquer les bruits de la rue. Et il a beaucoup plus de relief, c’est-à-dire de caractère. Il est surmonté d’une plaque métallique élégante, qui lui confère une touche contemporaine ».
En faire un fromage
La chambre d’étage ou voutekamer est typique d’une ferme classique : une pièce légèrement plus haute que le rez-de-chaussée, généralement parce qu’il y avait une cave à moitié enterrée en dessous.
Ici aussi, l’ancien propriétaire avait simulé une telle petite pièce, y compris l’escalier rural qui y menait. « Cette pièce à l’étage était un taudis sombre et étroit. Nous l’avons complètement ouverte pour en faire une salle à manger », explique Thijs Prinsen.
« La grande fenêtre est une sorte d’écran plat qui donne sur le jardin. Comme vous êtes assis à un bon mètre au-dessus du sol, vous avez une perspective particulière sur le paysage. J’ai trouvé un lot de vieilles planches à fromage que nous avons fait plaquer. De ce matériau relativement brut, nous avons fabriqué un plancher. Mais nous avons également conçu les deux tables et le banc qui s’y trouvent. L’une des tables est destinée aux repas de la famille en petit comité, et une table supplémentaire est prévue pour les fêtes avec plus d’invités. Le plafond en béton de cette pièce est d’origine, mais il était caché. Nous l’avons mis à nu et avons laissé le matériau brut parler de lui-même. Une belle trouvaille, mais aussi une solution budgétaire qui fonctionne bien dans cet espace ».
Même si elle n’avait pas encore été rénovée, il était évident que la fermette de Poederlee n’était pas une ferme d’origine. Et bien que Lens°ass ait beaucoup d’expérience dans la rénovation du patrimoine, elle n’a pas tourné le dos à cette néofermette.
« Je ne pense pas qu’une telle fermette nous bloque d’un point de vue stylistique. Nous utilisons l’idée comme un portemanteau auquel nous accrochons notre design. Cette maison était particulièrement intéressante parce que de nombreux matériaux robustes avaient déjà été utilisés. Les poutres, les planchers et les portes sont tous en chêne. Ce sont des éléments de qualité que nous avons largement conservés, mais avec des détails plus raffinés. Nous avons en revanche supprimé les lourdes huisseries. Avec du stuc jusqu’à la porte, l’ensemble paraît désormais beaucoup plus léger » explique encore M. Prinsen.
« Avec notre agence, nous essayons de préserver ce qui est de qualité et de l’intégrer dans une nouvelle histoire. Nous ne balayons pas tous les éléments du passé. Dans le respect du passé, nous apportons de l’espace et de la lumière. Même les projets de construction neuve que nous réalisons ressemblent à une rénovation. Tout simplement parce que nous leur donnons du caractère avec des matériaux plus audacieux. Ainsi, le résultat n’est jamais trop lisse ». À bons entendeurs…
Photos: Jan Verlinde.
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