Carte blanche
« Devenez scandaleusement riche »! : Est-ce vraiment la vie et le futur dont vous rêvez?
Est-ce le monde que l’on souhaite? Un monde dans lequel la motivation principale des individus est de s’enrichir scandaleusement? Est-ce ça le récit et moteur de notre société?
Constituer des stocks de provisions et de biens de première nécessité est un réflexe plutôt censé et sain lorsqu’on fait face à un avenir proche incertain. D’ailleurs, c’est ce que l’humanité a fait pendant des siècles dans ses greniers à blé et celliers, en prévision de mauvaises récoltes, de guerres soudaines, d’épidémies, etc.
Aujourd’hui, avec la pandémie de Covid-19, la situation nous impose de ne pas sortir de chez nous et de limiter au strict minimum les interactions sociales. Si nous souhaitons respecter ces consignes à la lettre, il peut donc être utile de constituer certaines réserves… (dans la limite du raisonnable) Plutôt que de concentrer notre colère exclusivement sur les « serial stockeurs égoïstes », ne serait-il pas temps de remettre en question notre système économique mondialisé qui fonctionne en flux tendu, qui ne stocke plus, et dont les chaînes d’approvisionnement sont longues et internationales?
Car c’est bien ce système-là qui est en crise aujourd’hui et démontre ses limites. Le coronavirus n’en est que le révélateur, démontrant l’extrême fragilité et vulnérabilité de ce système hyperspécialisé et ultra-connecté.
Dans une économie hyper-mondialisée, où même nos besoins élémentaires de base (alimentaire, médecine, énergie, etc.) dépendent de l’étranger (donc reposent sur des chaines logistiques longues, sur le pétrole à bas coûts, et sur la stabilité politique, sanitaire, économique, et climatique du monde), il est très risqué de fonctionner en flux tendu ; Le moindre grain de sable dans ces rouages, et c’est l’effet domino. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui. Si on souhaite garder un système mondialisé (qui a aussi des vertus), les secteurs stratégiques méritent donc à minima que des stocks importants soient créés pour tenir quelques mois/années en cas de « grippage » de la machine.
Mais cette crise nous démontre, s’il fallait encore le faire, que développer une résilience locale via la relocalisation des secteurs stratégiques comme la production alimentaire, la production d’énergie ou encore d’équipements/produits de santé, devrait être une priorité du monde politique.
À un moment donné, il faut poser des choix et avoir le courage de les assumer; La politique de la demi-mesure, du « en même temps », ne peut (plus) offrir de solutions acceptables au vu des urgences sanitaires, climatiques, environnementales qui se présentent devant nous, et sont amenées à se répéter dans les années à venir.
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Quel monde veut-on?
Veut-on d’un monde où l’on risque de tuer notre agriculture, avec des accords commerciaux de libre-échange de type Mercosur, au profit de la production de voitures ou de produits chimiques? Ou alors, on fait le choix de protéger quoi qu’il en coûte notre production alimentaire locale?
Il est essentiel que ce type de question de société soit posée et surtout, tranchée, en toute transparence et de manière démocratique.
Évidemment, cela demande un courage politique inouï car le rapport de force est devenu complètement inégal entre les intérêts corporatistes et les états. Il est compréhensible que la responsabilité soit trop lourde à porter pour la poignée de femmes et d’hommes politiques aux manettes, et censés représenter l’ensemble de la population. Pourquoi ne pas donc se diriger vers l’organisation d’un large débat citoyen, qui permettrait au peuple d’être une partie prenante active et impliquée, faisant sien le nouveau projet de société qui serait esquissé?
u003cstrongu003eManger 3 kg de viande par jour, vivre dans un manoir, partir en citytrip exotique en avion tous les week-end, et rouler en bolide rutilantu003c/strongu003e
Et enfin, comment faire le procès de comportements individualistes et égoïstes alors que ceux-ci sont à la base de notre système économique néo-libéral, religieusement enseigné dans nos cours d’économie. On parle de la fameuse « main invisible » des marchés d’Adam Smith, qui prétend que la poursuite des intérêts individuels et égoïstes maximise l’intérêt général; Les « razzias » de papier toilette et produits de première nécessité nous feront peut-être comprendre ce que la nature sait depuis toujours: que dans un monde aux ressources limitées, l’intérêt général n’est pas égal à la somme des intérêts individuels. En effet, à en croire la publicité, les médias et autres « influenceurs », l’accomplissement d’une vie réussie se caractérise par la poursuite de l’intérêt individuel et immédiat de chacun, qui se résumerait de manière caricaturale à: manger 3 kg de viande par jour, vivre dans un manoir, partir en citytrip exotique en avion tous les week-end, et rouler en bolide rutilant. Mais, in fine, si chacun parvenait à atteindre cet objectif, tout le monde en sortirait perdant car, pour y parvenir, la planète serait inexorablement transformée en champs de ruine invivable.
Nous avons donc besoin d’un « état stratège », qui réglemente et régule pour protéger la société et la nature de comportements prédateurs visant à s’accaparer et concentrer les richesses naturelles, et celles produites. Nous devons urgemment réintroduire la notion de « communs » à protéger, pour brider la privatisation galopante des ressources, avec l’espoir d’enfin créer une société plus juste et respectueuse des humains et des écosystèmes de notre planète.
Parce qu’en fin de compte, nous avons tous à y gagner.
Olivier Fain, citoyen en transition, diplômé en Sciences politiques et en Gestion de l’UCLouvain
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