Jours de fête inoubliables: 5 témoignages extra-ordinaires

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Aurélie Wehrlin Journaliste

Cette année-là, leurs fêtes de fin d’année ont pris une tout autre tournure. Et depuis, en décembre, une petite pensée pour cet instant marquant de leur vie leur revient à coup sûr sous le sapin. Des histoires qui auraient pu arriver à un autre moment mais qui ont revêtu une signification étrange en ce jour habituellement dédié à la famille et aux proches. Tantôt heureux, tantôt dramatiques, ces récits sont néanmoins toujours porteurs d’un message positif et de valeurs qu’on a envie de véhiculer en ce mois propice aux cadeaux et au partage.

Les mariés du réveillon

Quand ils ont décidé de se dire oui pour la vie, Jean-Marc et Julie Maghe n’avaient pas du tout prévu de célébrer cette union au pied du sapin. Mais leur mariage estival en comité très restreint s’est transformé en réveillon enchanteur dans un château hennuyer. Juillet 2004, à la sortie de la commune de Silly, les nouveaux époux et leurs témoins font face à un comité d’accueil inattendu: une centaine de personnes les acclament avec parmi eux trente musiciens entamant l’hymne de la gendarmerie pour leur collègue et ami de fanfare. Certains seraient figés par l’émotion. Julie, elle, réagit directement: « J’ai dit à Jean-Marc: on a deux minutes pour prendre une décision, tu me donnes carte blanche? Lui, il frissonnait du menton et il m’a dit oui. Alors j’ai annoncé que tout le monde serait invité pour une grande fête, quelques mois plus tard, le 24 décembre. J’ai tenu un restaurant durant des années et rapidement, j’ai fait les calculs dans ma tête et je me suis dit que c’était une bonne idée, que ça nous ferait de superbes souvenirs. La date m’est venue naturellement. Je suis italienne et, pour nous, Noël est sacré et est synonyme de retrouvailles tous ensemble. Ça tombait sous le sens de faire ça à ce moment-là, de réunir nos familles et de partager cette vision de l’hospitalité avec laquelle j’ai grandi. » Son mari poursuit: « Jamais on n’a regretté cette décision prise un peu sur un coup de tête. Mais à un moment, il y a eu une petite pression pour que tout soit prêt. Il fallait trouver un lieu, etc. Heureusement Lauri, notre (belle-)fille gère l’événementiel à merveille, elle a tout organisé. C’était parfait. »

Profusion de sapins décorés, bougies, repas d’exception et ambiance chaleureuse; tous les éléments d’un mémorable réveillon étaient réunis pour cette célébration de noces hors du commun au château de la Rocq à Seneffe – « J’étais déjà passée des dizaines de fois en me disant qu’une réception là-bas devait être magnifique. Jamais je n’imaginais que ça serait pour cette occasion… », continue Julie qui a même pu remettre la même robe de mariée qu’en été. « Je l’avais cousue moi-même et choisi une soie pure. Ça tombait bien parce que c’est une matière dans laquelle on n’a ni chaud ni froid, idéale en décembre, surtout qu’une partie des convives ne l’avaient pas encore vue… » Si certains se sont d’abord montrés perplexes à l’annonce de la date, la fête fut finalement à la hauteur de cette idée décalée. « Quinze ans plus tard, ils nous demandent quand nous allons refaire la fête, s’amuse Julie. On a d’ailleurs un nouveau projet pour réunir tout le monde. On aimerait organiser un événement dans une villa… à Rome. »

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Un éléphanteau comme cadeau

Soigneur à Planckendael depuis trois ans et demi, Toon Cloetens rêvait de ce métier depuis l’enfance. « Chez moi, j’ai toute une animalerie, avec pas mal de serpents, lézards, scorpions, des trucs comme ça, raconte le trentenaire. J’ai fait des études de soigneur, ce sont les mêmes qu’assistant vétérinaire. On s’occupe de tous les animaux sans distinction – aux Pays-Bas, il y a des options suivant les espèces, mais pas chez nous. J’ai toujours voulu travailler dans un zoo. » Lorsqu’il apprend qu’une place se libère à Planckendael, chez les éléphants, il saute sur l’occasion. « J’aurais accepté n’importe quel animal, mais un éléphant, c’est spécial. D’ailleurs, quand j’étais petit et qu’on allait à Anvers avec mes parents, je fonçais directement vers cet enclos! » Le jeune homme commencera sur le site malinois par un remplacement, mais la personne ne reviendra finalement pas et il aura la chance de garder son poste. « Il s’en est passé des choses depuis lors, surtout l’an dernier : notre équipe a assisté à trois naissances et trois décès, ce n’est même pas ce que d’autres soigneurs voient durant toute leur carrière. C’est exceptionnel. » Et tout ça a commencé avec la naissance de Suki.

« Une grossesse d’éléphant dure 645 jours, quasi deux ans, et elle est arrivée le jour de Noël: un vrai cadeau, sourit le soigneur. Avant la naissance, on veillait la maman chaque nuit, et le gars en poste ce jour-là nous avait dit: « Calme plat ici, il ne va rien se passer. Ce n’est pas pour aujourd’hui. » Puis au fil de la matinée, mes collègues ont observé des choses bizarres qui se sont avérées être des contractions. Tout le monde a rappliqué, même celui qui avait fait la nuit, qui n’avait passé qu’une heure dans son lit. Moi, j’étais chez mes beaux-parents, aux Pays-Bas, pour les fêtes… Heureusement, ce n’était pas trop loin. J’ai sauté dans ma voiture et je suis arrivé à temps. Ce qu’on a fait pendant l’accouchement? Rien. Aucun contact direct. Mais on voulait tous y assister. Même si les choses tournent mal, on ne bouge pas, on laisse faire la nature. Et c’était hyper impressionnant. Les éléphants se rassemblent autour de la maman, ils crient, ils sont nerveux… » Le bébé faisait entre 80 et 100 kilos, deux ans après elle pèse une tonne. On la reconnaît à ses poils, plus longs que ceux des autres. Côté caractère, elle ressemble à sa mère, elle n’a peur de rien et est un peu arrogante, nous révèle Toon, qui reste marqué par ce Noël d’exception. « D’habitude, le 25 décembre, on s’offre un repas entre collègues, mais cette année-là, on a mangé sur place! On est restés toute la journée à la regarder. De toute l’équipe, personne n’avait assisté à une naissance, et par chance, on est tous arrivés à temps – surtout que d’ordinaire les éléphants viennent au monde la nuit. La zone était bien sûr fermée au public, alors on a vraiment eu notre moment privilégié avec eux. C’est vraiment le genre de moments que l’on n’oublie jamais. »

Jours de fête inoubliables: 5 témoignages extra-ordinaires
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La Saint-Sylvestre à l’hôpital

Cet après-midi du 30 décembre 2015, quand Aurélie s’entend annoncer, à l’hôpital, qu’elle a une belle appendicite, et que donc, pour elle, la fête est finie avant d’avoir commencé, elle accuse le coup avec philosophie. « J’avais tellement mal que je n’ai pas dit grand-chose, j’avais surtout envie qu’on me débarrasse de cette douleur. J’ai, bizarrement, pris ça avec sagesse, me disant qu’il y avait pire. Et puis, la flemme de fin d’année aidant, l’idée de m’épargner les préparatifs du réveillon, et surtout, son contrecoup, ne m’était pas insupportable. J’envisageais ça finalement comme une mini-retraite express. » Elle est opérée le matin du 31. Le soir même, son cher et tendre la quitte vers 17 heures, se préparant à accueillir leurs invités chez eux… sans elle. « Là, c’est dur. La nuit tombe. J’ai l’impression que tout le monde fait la fête sauf moi, je finis l’année seule, et mon corps vient quand même de me rappeler à l’ordre. J’espérais au moins avoir la télé dans ma chambre pour compter les secondes avant minuit avec Arthur… Mais non! L’après-midi suivant l’opération, l’administration était fermée, les gens étaient déjà partis festoyer. J’ai dû me contenter de regarder des films sur mon téléphone. » En guise de festin de réveillon, un plateau-repas d’hôpital donc… « Je pensais ensuite éteindre la lumière, dormir d’une traite pour me réveiller le matin du 1er janvier. C’était sans compter les pétards, feux d’artifices, et autres sirènes typiques des nuits animées de la Saint-Sylvestre! En plus, on était juste après les attentats de Paris, et venait de surgir la possibilité que les mecs attaquent les hôpitaux, j’avais assez peur! »

Finalement, la jeune Bruxelloise pourra sortir le lendemain en fin d’après-midi. « Mes amis, ceux avec lesquels j’aurais dû passer le cap de l’an neuf, sont venus me chercher. Je me suis retrouvée à manger des Nachos dans un pub irlandais, car mes potes mouraient de faim, en mode lendemain de la veille. » C’est donc toute convalescente qu’elle claquera la bise de bonne année à ses copains… et qu’elle fêtera par la même occasion les 5 ans de sa fille. Car oui, cette atmosphère de couloirs vides, archi-vides, de clinique… n’était pas inconnue pour elle: un lustre plus tôt tout pile, elle avait donné naissance à sa première fille, dans le même établissement… un 1er janvier!

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Un chant de Noël en prison

Chez les Bekkers, et c’est devenu une tradition familiale, le 24 décembre n’est pas la fête des cadeaux. « Que l’on fasse un repas de famille, pas de problème, et on offre des présents aux enfants à d’autres occasion. Mais Noël, c’est la crèche, donc la pauvreté. Quand on se rappelle l’histoire, c’est quand même Jésus qui naît au bord d’une route! » insiste le père, Stéphane. C’est pourquoi, en 1999, l’idée germe dans la tête de cette tribu de « faire de ce jour quelque chose que l’on partage avec ceux qui en ont le plus besoin ». Un ami aumônier lui parle de la célébration qu’il organise en prison et propose au professeur, aujourd’hui retraité, et à ses proches de venir chanter derrière les barreaux. « Nous faisions déjà cela à la paroisse et lors de diverses occasions. Nous avons donc accepté de venir, avec les enfants », se souvient notre témoin.

L’aventure ne se déroulera toutefois pas tout à fait comme initialement prévu. Premier obstacle: le plus jeune de la famille ne pourra pas participer à l’activité, n’étant pas encore majeur. « On voulait faire de notre fête de Noël une vraie communion, on venait tous ensemble, sans juger qui que ce soit, mais rien que ça, ça n’était pas possible… » déplore le papa avant de poursuivre son récit: « Pendant la célébration, tout s’est très bien passé, même si on avait dû quand même mettre nos aînés en garde: ne faites rien d’autre que ce qu’on vous dit, ne donnez ni nom, ni adresse, etc. Pour eux, c’était évidemment très impressionnant. Le plus marquant, c’était le bruit des portes. Je crois qu’avant d’arriver à la chapelle, il fallait en passer vingt, ouvertes, puis refermées immédiatement après notre passage. Après la messe, il y avait un échange avec les détenus. J’avais donc demandé si l’on pouvait amener un petit quelque chose, quelques bouteilles de mousseux pour fêter ça. Mais, de nouveau, pas question: l’étiquette disait « 0% » mais il y avait tout de même un chouïa d’alcool… Ensuite, est venu le moment des cadeaux: on avait découpé trois cents crèches, que les enfants avaient coloriées, et on les avait délicatement attachées sur une branche de sapin. Et là, troisième refus, sous prétexte qu’on aurait pu les détourner pour en faire des armes et blesser quelqu’un. »

Finalement, les Bekkers sortiront de là avec le sentiment mitigé d’avoir passé un bon moment mais de n’avoir pas su donner autant qu’ils le souhaitaient, restant avec tous leurs présents sur les bras. « C’est là que j’ai eu une idée: le Poverello, poursuit notre interlocuteur. Ils offraient un repas de fête à des gens défavorisés ce soir-là. » Les Pères Noël au grand coeur débarqueront donc dans cette organisme bruxellois catholique aidant les plus précarisés. « Je leur ai demandé: « Vous attendez du monde, ce soir? » Ils m’ont répondu: « Oui, trois cents personnes. » C’était miraculeux. Leurs invités allaient pouvoir repartir avec un petit cadeau fabriqué par un enfant. »

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Le choc d’un tsunami

Diplômé en gestion à l’Ichec à Bruxelles, en 2004, Nicolas Casale décide d’entamer un master en travail humanitaire en Inde, pour donner plus de sens à sa vie professionnelle. Là-bas, il est logé par une ONG pour laquelle il travaille, au Tamil Nadu, dans le sud du pays, afin d’aider les pêcheurs et les Intouchables, une population rejetée et très précarisée. Bien que dormant dans l’arrière-pays, il est aux premières loges lorsque le tsunami qui ravage l’océan Indien cette année-là survient. « Je me souviens avoir passé le 25 décembre, avec les gens de l’organisation, à 25°C, au milieu des cocotiers. J’étais pour la première fois loin de ma famille et c’était un peu difficile. Le lendemain, une collègue a débarqué en m’annonçant la catastrophe. On n’avait pas encore beaucoup accès à Internet à cette époque mais elle savait que la zone sur laquelle on bossait était impliquée. » Rapidement, l’association – qui ne travaille qu’avec des locaux – met en place une équipe et rejoint la côte, d’abord pour identifier les besoins et les dégâts. « Il y avait surtout le choc psychologique d’avoir tout perdu en quelques minutes. Certains avaient vu leurs chèvres, leurs enfants ou leur famille emportés par l’eau… La plupart n’avaient plus rien, y compris leur carte d’identité ou de ration de riz. Ils n’avaient plus de preuve d’identité », se rappelle le Belge, qui parle alors plutôt bien le tamoul et est impressionné, plus encore que par le drame et les images chocs – que lui ne voit d’ailleurs pas puisqu’il n’a que peu accès aux médias -, par « la dynamique positive sur le terrain, l’envie d’aller de l’avant et de se remettre rapidement sur les rails, la solidarité entre communautés pour affronter cette épreuve ». Avec les volontaires de la Croix-Rouge indienne arrivés sur place, le jeune homme dort plusieurs nuits à même le sol, se levant à 5 heures chaque matin pour distribuer la nourriture et les kits de survie aux victimes. Les fêtes, il n’y pense pas un instant. « Le 31 décembre, j’étais tellement fatigué que je me suis couché à 20 heures. Et le 1er janvier, on continuait. C’était comme un 14 avril ou un 3 août, ça n’avait pas d’importance. »

Notre compatriote poursuivra durant plus d’un an sa mission, cette fois soutenue par des fonds nationaux et internationaux plus importants, en aidant à la reconstruction et la préservation en cas de nouvelle catastrophe… Une expérience qui le fondera et qu’il mettra ensuite chez nous en pratique, alliant gestion et connaissance du terrain, d’abord chez Oxfam, au sein du Consortium 1212, pour faire le suivi des programmes tsunamis, notamment dans la zone indienne où il passa l’hiver 2005. « C’était émouvant de voir la vie qui avait repris malgré les cicatrices. Il y avait chez eux une vraie fierté d’avoir pu se remettre de ça. » Désormais, chaque année, Nicolas, qui oeuvre aujourd’hui pour Plan International, toujours dans le consortium, a systématiquement une pensée pour ce 26 décembre 2004. « C’est une date facile à retenir. C’était un moment très dense, très fort. Il y a pour moi un avant et un après le tsunami… »

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