La chronique de Grégoire Polet:Force et parure

Toutes les deux semaines, l’écrivain Grégoire Polet nous dévoile ses coups de coeur et coups de griffe.

1. Pourquoi il doit y avoir quelque chose de scandaleux dans la haute-couture, et pourquoi il y a en elle quelque chose de vrai.

2. Parce que la haute-couture nous rappelle à l’homme primitif et nous rattache à la beauté sauvage.

3. La mode doit tendre vers le hors norme, voire le monstrueux, pour être à l’image de ce qui se passe dans la nature de plus beau et exubérant, oiseaux de paradis, orchidées du Brésil et de Nouvelle-Guinée, arum-titan, eucalyptus arc-en-ciel, rafflesia.

4. Le buffle s’est fait pousser des cornes en forme de lyre; le cerf, une ramure courbée; le daim a tacheté son dos ; le zèbre s’est créé des rayures ; nous avons Karl Lagerfeld.

5. Ce mode de tension vers la beauté n’a pas varié depuis les temps primitifs. Les Indiens du Brésil ou les Papous de Nouvelle-Guinée sont les modèles de la mode et sa référence archéologique.

6. Force et parure : ce sont les deux axes du perfectionnement évolutif des mammifères. On sait tous très bien que l’homme est un mammifère privilégié par la puissance de son cerveau, mais qu’il est, sur les points de la parure et de la force, tout à fait inférieur aux autres grands animaux. Avec Teilhard de Chardin, on sait que l’homme continue son évolution non plus par des adaptations et transformations corporelles mais par les productions de sa bouillante activité mentale. Par la technique, il prolonge son évolution sur l’axe de la force. Par la mode, il prolonge son évolution sur l’axe de la parure. Origine, sens et rêve de la haute-couture.

7. Quand on voit à quels résultats de beauté surabondante sont arrivés le paradisier, le colibri, la méduse bleue ou l’anémone de mer, on se dit que l’homme est encore un primate très sobre, et qu’il a devant lui de longs millénaires d’évolution: meilleurs voeux !

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