La chronique de Grégoire Polet: Mélancolique syllogisme

Toutes les deux semaines, l’écrivain Grégoire Polet nous dévoile ses coups de coeur et coups de griffe.

1. VIANA Amália Rodrigues, la grande chanteuse portugaise à la voix sincère, avait dans son répertoire de fado une chanson qui me touche et qui s’intitule : Havemos de ir a Viana, « il faut que nous allions à Viana, si mon sang ne me trompe pas, si l’imagination ne me trompe pas, oh mon amour, un jour, il faut que nous allions à Viana… » Je suppose que Viana réfère à Viana do Castelo, une petite ville au Portugal, dont je connais une photo de la place centrale.

2. VIANE Georges Rodenbach, l’écrivain symboliste, a donné au personnage principal de son petit roman poétique et désespérant Bruges la morte le nom bizarre de : Hugues Viane. Depuis longtemps, ce nom évanescent et insaisissable, Viane, me poursuit ou me hante. Il est rentré, par amalgame, dans le nom Viana et dans la chanson et dans la voix d’Amalia Rodrigues.

3. VIA-NE

Un savant dont j’ai oublié le nom, spécialiste de Rodenbach, a dit que le nom bizarre de ce personnage tragique, Viane, doit s’analyser comme une contraction des deux mots latins, « via » et « ne », c’est-à-dire sans voie, sans chemin, soit : ce qui ne mène nulle part. Viane, nulle part. Viane.

4. NOEUD

À cause de ma mémoire, qui réfléchit toute seule sans que je lui demande rien, Viana, Viane, j’ai un noeud dans la gorge, un fameux noeud, quand j’entends, comme là, maintenant, Amalia Rodrigues chanter sur un disque et, par un petit câble blanc, directement dans mes oreilles, tellement sincère et passionnée, implacable : que dans notre vie, mon amour, il faut que nous allions : à Viana.

Grégoire Polet

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