La chronique de Grégoire Polet: Printemps arabe, automne des Belges

Toutes les deux semaines, l’écrivain Grégoire Polet nous dévoile ses coups de coeur et coups de griffe.

Attention, un peu de théorie sociopolitique. De la discipline dans les neurones, s’il vous plaît.

Prenons cette façon classique d’analyser l’organisation de la vie en commun dans une nation-état, répartissant la vie dans trois sphères : 1. privée / 2. sociale ou publique / 3. étatique. Ou bien, si on préfère : famille/société/état.

Ce qui s’est passé en Tunisie et en Égypte, ces révoltes ayant abouti à des révolutions, c’est l’ébullition massive de la sphère du milieu (sociale ou publique), qui, par un consensus hypertrophié et superactif, pèse sur l’État au point de le presser comme un citron et d’en faire gicler les vieux pépins.

Les gens sortent de la sphère privée (sortent de leurs maisons et descendent dans la rue, c’est dans la rue que ça se passe) et investissent massivement l’espace public et le sursaturent, poussant l’État contre le mur.

L’omniprésence et l’ubiquité inévitable de l’État, on les connaît, elles sont principalement vraies dans la pensée théorique sur le pouvoir (souvenez-vous, le bon livre de jeunesse de BHL, La Barbarie à visage humain), mais on constate (on oubliait) dans la pratique que cette omniprésence et cette ubiquité et cette évidence de l’État ne supposent pas nécessairement qu’il soit toujours le plus fort, et qu’il peut très bien être partout, et être faible partout, voire partout mourant.

Cette vérité, qui ne se vérifie pas souvent (comme passent les comètes), est bonne à rappeler, avec les philosophes des Lumières et avec Tzvetan Todorov (lire son petit essai L’Esprit des Lumières, au Livre de Poche) : « que le pouvoir appartient toujours à la société, quel qu’il soit, et qu’elle peut à tout moment le reprendre ».

Grégoire Polet

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