Le cap de la quarantaine : 6 personnalités racontent ce passage symbolique

cap de la quarantaine
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Il paraît qu’à cet âge, on commence à descendre le toboggan. Cette année 2023 les a vus souffler leurs quatre décennies de vie et jeter un regard dans le rétro. Cinq personnalités confient leurs sentiments.

Nos 5 fraîchement quarantenaires:

Nicolas Di Felice, directeur artistique de Courrèges

Depuis 2023, le créateur belge fait des merveilles chez Courrèges, il a tout compris de sa radicalité et de sa modernité radieuse. Formé à La Cambre Mode(s) il y a vingt ans, il trace son chemin avec élégance, dans la joie.

« Je n’ai pas senti de basculement. Mes 40 ans sont arrivés et je les ai pris de manière sereine. C’était presque un non-sujet, mis à part l’envie de faire la fête. C’est sûrement parce que je suis bien dans ma vie pour le moment, j’apprends tous les jours, j’ai grandi vachement et je suis vraiment content d’en être là. Je ne suis pas nostalgique de mes 20 ans, j’ai aimé avoir l’impression d’avancer et d’être plus sage.

Je n’ai jamais eu peur de vieillir, je me sens plus heureux que jamais, en tout cas plus aligné. Et je n’y pense jamais, mais le fait qu’on en parle me rappelle que la vie, cela se construit année après année… et cela me rappelle aussi que tout est possible. Je suis de nature optimiste et fonceuse. Je suis donc plutôt du style à regarder en avant – c’est en cela aussi que consiste mon métier – et j’ai très peu de temps pour regarder en arrière.

C’est drôle mais le fait d’avoir vieilli me plonge dans un revival de choses que j’ai connues, les années 90 et 2000 notamment. C’est intéressant de vivre quelque chose pleinement et puis d’en voir revenir la forme, pas l’esprit, la coquille pas le fond, il y a une dissonance…

Je sais qu’avoir 40 ans en 2023 en Europe, dans le monde de la mode, c’est un privilège, c’est prenant mais c’est une chance, j’en ai vraiment conscience quand on ouvre les yeux sur l’ailleurs… What’s next ? 41 ans, j’ai envie de dire. Je construis pas mal de choses, et pour Courrèges et pour moi-même, ce serait génial que ça continue comme ça de la manière la plus saine possible, ce ne serait pas sage d’avoir des ambitions complètement démesurées, juste avoir un peu plus de temps pour moi. »

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Stéphanie Crayencour, actrice, autrice et podcasteuse

La jeune femme affiche une jolie filmographie tant au cinéma qu’à la télévision. Maman d’une petite fille depuis l’an dernier, elle a lancé un podcast qui s’intéresse à nos états de conscience.

« Pendant très longtemps, j’ai menti sur mon âge, je devais souffrir du syndrome de Peter Pan, c’est comme si je ne voulais pas grandir. Sans doute par peur de la mort qui m’a longtemps terrifiée. Ce cap de la quarantaine, je le voyais poindre il y a deux ans un peu comme une fatalité. Je n’avais pas de relation stable, pas d’enfant non plus, moi qui en avait toujours voulu. J’avais rêvé de faire du cinéma pour tourner des films qui élèvent l’âme, ça n’a pas toujours été le cas. De quoi me remettre en question.

Jusqu’à ce que tout s’accélère soudain. J’ai perdu plusieurs proches, notamment mon frère dont j’étais très proche. Cela m’a bouleversée au point de dépasser mes angoisses sur la mort pour essayer de comprendre ce que j’avais ressenti lorsque c’est arrivé, cette certitude d’encore le sentir près de moi, de communiquer avec lui. J’ai lancé le podcast La fille de Gérald dans lequel je suis partie à la rencontre de scientifiques, de médecins, de philosophes… pour m’entretenir de tout ce qui touche à l’état de conscience.

Dans le même temps, je suis tombée amoureuse d’un homme extraordinaire et depuis l’année dernière, je suis maman d’une petite fille. Et je me rends compte que c’était le bon moment, qu’il y a dix ans, je n’aurais pas été prête pour tout cela.

Professionnellement, j’ai plein de super projets qui se profilent. On pourra me voir dans la série New Look qui suit Christian Dior et Coco Chanel et qui sortira l’an prochain sur Apple TV. J’ai co-écrit un film avec la réalisatrice belge Nicole Palo qui parlera des TOC. C’est une première pour moi de m’impliquer si tôt dans le projet. J’espère pouvoir sortir un livre, aussi, qui serait la prolongation de mes podcasts. J’aimerais qu’il fasse du bien aux gens. »
@stephaniecrayencour

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Mehdi Kassou, directeur de l’ASBL BelRefugees

Même lorsque la tâche lui semble insurmontable, le patron de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés continue à croire qu’un autre monde plus juste et plus ouvert est possible.

« J’ai fêté mes 40 ans au mois d’août, sans traverser vraiment de crise existentielle. Ce sont plutôt mes proches qui me poussaient à faire un bilan. Mon changement de cap, c’est dans la trentaine qu’il s’est opéré. Je travaillais pour une multinationale, j’étais bien décidé à faire une belle carrière qui me permettrait de vivre confortablement.

Et puis, il y huit ans, tout a basculé quand j’ai choisi de rejoindre la Plateforme citoyenne. Je voulais un emploi qui soit aligné avec mes valeurs et c’est ce qui s’est produit. Je suis devenu acteur du changement que je veux voir autour de moi, politiquement et humainement. Bien sûr, ce n’est pas facile tous les jours car il est parfois ardu de trouver des raisons de se réjouir.

Quand je vois comment la politique peut être influencée par le fantôme de l’extrême droite, les promesses non tenues, le vertige est immense. Je pense évidemment à l’accueil des personnes demandeuses d’asile, à la régularisation des personnes sans-papiers, mais on peut aussi parler de la lutte contre la pauvreté. On a vu, lors de la crise Covid, à quel point il suffisait de peu de choses pour faire basculer des dizaines de milliers de personnes dans la précarité. Loin de me déprimer, c’est aussi ce qui renforce ma détermination.

Et je peux compter sur mon entourage pour ne jamais baisser les bras. Au cours de ces huit dernières années, à chaque coup dur, la mobilisation citoyenne a été sans pareil. Le courage des personnes étrangères en attente d’une décision ou de celles qui vivent dans l’extrême pauvreté et qui ne perdent pas espoir m’aide à relativiser mes déceptions. A contempler aussi un horizon plus large : celui d’une Belgique solidaire peuplée de citoyens qui sont au rendez-vous à chaque crise. Même si je suis parfois pessimiste à court terme, j’ai confiance en l’avenir. Car, comme je le dis toujours à mon petit garçon, le bien l’emportera toujours à la fin. »
bxlrefugees.be

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Dan Gagnon, humoriste

Le plus belge des Québécois est convaincu que l’âge affûte son art (délicat) de faire rire. Et ça tombe bien : une tournée arrive.

« Pour être honnête, je ne les ai même pas fêtés. Je ne suis pas très fan de cette célébration façon Louis XIV, où l’on invite des gens pour flatter son propre ego et recevoir des cadeaux. En plus, à 40 ans, t’es obligé d’organiser un gros truc, or, je trouve que la douleur de l’avant et la douleur de l’après ne valent pas le plaisir du pendant. Je ne pense pas non plus avoir fait de « crise de la quarantaine », et la raison est simple : je n’ai pas assez d’argent que pour m’offrir une Corvette, et j’ai déjà fait ma dépression il y a quelques années !

Par contre, je pense que l’âge joue un rôle dans mon métier. Sans prétention, je crois que je suis plus drôle à 40 ans qu’à 20 ans. Même si je reste convaincu qu’on peut rire de tout – tant que ça reste légal –, je suis aujourd’hui moins méchant. J’utilise moins le monde comme un punching-ball, j’ai développé une forme d’empathie et de gentillesse. Un meilleur sens du partage, aussi. Et une douceur qui vient probablement de l’érosion de mon nombrilisme.

Est-ce qu’il me manque une chronique sur France Inter pour être épanoui ? Pas du tout. Jamais de la vie, même. Me lever à l’aube, prendre le train, un taxi, traverser Paris, arriver dans un bâtiment immense, tout ça après avoir pris des heures à écrire un texte qui doit dire des trucs que 257 autres chroniqueurs n’ont pas encore dits… No way, laissez-moi tranquille ! »


Infos et dates de tournée sur son compte
Instagram @ledangagnon

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Aline Zeler, footballeuse et entraîneur

Signée en 2004 au Standard de Liège, la native de Bercheux a évolué quinze ans dans les hautes sphères du football féminin, et a été nommée meilleure buteuse de l’équipe nationale belge féminine. Depuis l’été 2023, elle est directrice de l’académie du Racing Union Luxembourg.

« Passer le cap des 40 ans ne m’a fait ni chaud ni froid : pour moi, c’est juste un chiffre et une occasion de célébrer cette année de plus avec mes proches. Entre 20 et 40 ans, je courais dans tous les sens et mes proches me voyaient comme un coup de vent, parce qu’ils savaient que je menais une carrière sportive et professionnelle et que je voulais performer.

Maintenant, j’ai pris ma retraite sportive, mais pas ma retraite professionnelle. Et j’envisage le quotidien différemment, parce qu’à la quarantaine, il y a une maturité qui s’installe et une capacité à dire des choses qu’on n’oserait pas exprimer à 20 ou à 30 ans, ou alors avec des pincettes. Les gens de mon âge ont vécu des changements sociétaux énormes : le GSM est arrivé quand j’étais ado, et désormais, on est à l’ère du numérique et des réseaux.

Je viens du sport collectif, et je remarque à quel point toutes ces avancées nous isolent : ma génération a clairement un rôle à jouer pour contrer l’individualisme ambiant. La quarantaine est un cap où on a vu et vécu suffisamment de choses pour voir la vie autrement, tant au présent que dans la manière dont on envisage les années à venir.

On relativise plus, on est dans le lâcher-prise plutôt que dans la performance, ce qui ne veut pas dire qu’il faut se relâcher pour autant : prendre soin de sa santé et de sa condition physique est très important. Je joue pour l’équipe nationale belge de Teqball, je nage une fois par semaine, je pratique le VTT et le padel : le mouvement et le fun ont toujours été primordiaux à mes yeux et ils vont clairement le rester pour la décennie à venir. »

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Glenn Martens, directeur artistique de Y/Project et de Diesel (29 avril 1983)

Avec audace, éthique et modernité, Glenn Martens dirige Y/Project et Diesel. Le Brugeois, formé à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers est de ceux qui révolutionne la mode. 

« Cela fait deux ans que je dis que j’ai 40 ans, histoire de me préparer. Je n’ai donc pas eu de midlife crisis. Psychologiquement, j’ai l’impression que c’est un cap, je ne peux plus dire que je suis un jeune adulte… Je me sens ancré, clairement. Je sais où je vais, je sais qui je suis et je suis content d’être là où je suis.

Mon parcours est bien dessiné, même si j’ai des incertitudes mais elles sont moins triviales qu’avant – il y a dix ans je me demandais quel allait être mon chemin. Aujourd’hui, j’ai un sentiment de sécurité que je ne connaissais pas. J’ai plus confiance en moi, j’ai réussi à installer mon univers.

Et cela concerne aussi ma vie privée. Ma base est solide. J’ai aimé toutes les phases de ma vie et leur beauté. Je n’ai aucun regret, j’ai fait toutes les fautes que je devais faire – surtout des mauvais choix créatifs, j’ai été trop ou pas assez radical – mais je les ai acceptées et je suis devenu la personne que je suis grâce à elles. J

Je suis dans cette phase où j’ai des responsabilités. Et cela me permet de pousser les sujets, les valeurs qui m’animent, même en cette période critique. Personnellement, il est temps de penser un peu à moi. J’ai beaucoup sacrifié à mon boulot, je l’adore, j’ai la chance immense que mon travail soit ma passion, même si c’est stressant et que je travaille 14 heures par jour, mais je n’ai pas réussi à construire beaucoup pour moi.

Je dois dorénavant me mettre un peu en avant. Faire du sport, prendre mes week-ends, faire des choses que je n’ai pas faites depuis des années, qui ne sont pas connectées à des obligations sociales ou de travail, regarder des films tout simplement ou découvrir de nouvelles musiques. Je tente de faire advenir cela petit à petit. La suite ? Je suis extrêmement fier de ce qu’on réussit à faire avec Y/Project, cette marque organique et indépendante.

On est sur le bon chemin. Keep on going, keep on searching. Finalement, ce serait ça, la définition de l’éternelle jeunesse : chercher, chercher sans cesse. »

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