Shorts ultra-courts et Rick Owens en Manneken Pis: les temps forts de la Fashion Week Homme à Paris

Fashion Week homme Paris printemps été 2026
Le défilé de Willy Chavarria, à la salle Pleyel le 27 juin 2025 à Paris. © Swan Gallet/WWD via Getty Images

La Fashion Week masculine printemps-été 2026 s’est clôturée hier soir à Paris. Nous y étions, et avons recensé les tendances, les apparitions de célébrités et autres hauts — et bas — de la semaine.

Depuis longtemps déjà, la Fashion Week Homme ne se limite plus à des vêtements pour hommes. De nombreuses maisons présentent des collections mixtes, tandis que plusieurs marques féminines profitent de l’occasion pour vendre leurs précollections. En fin de compte, chaque semaine de la mode vise à générer du buzz, des clics et de la visibilité. Les vêtements y jouent bien sûr un rôle, mais celui-ci semble, saison après saison, un peu plus secondaire.

ASAP Rocky et Rihanna chez Dior. © Getty Images

Louis Vuitton avait placé Beyoncé et Jay-Z au premier rang, Dior misait sur Rihanna et A$AP Rocky. Dans les deux cas, les couples ont été escortés jusqu’à leurs sièges à la toute dernière minute. Le défilé Vuitton, sur le parvis du Centre Pompidou, a commencé avec une heure et demie de retard. Chez Dior, on aurait dit que pour chaque rédacteur en chef ou journaliste présent, une célébrité était invitée.. Croiser — ou frôler — à nouveau à quelques jours d’intervalle Beyoncé et Rihanna procure un certain frisson.

Des stars… mais pour quoi faire?

Mais qu’apporte réellement cette effervescence à la mode? Lors des défilés les plus marquants de la saison — Dries Van Noten, Issey Miyake Men, Craig Green, entre autres —, les célébrités étaient absentes ou rares. Les créateurs ont su émouvoir leur public avec des vêtements gracieux, des bandes-son percutantes et des mises en scène évocatrices. Chez Van Noten, où Julian Klausner présentait sa première collection masculine sur les notes de Perfect Day de Lou Reed, la démonstration était éloquente. Plus encore que lors de la collection femme en septembre dernier, il a prouvé être le digne successeur de Dries. Comme jadis, la collection homme paraissait plus jeune, fraîche et sexy, mais aussi empreinte de dignité, avec les imprimés floraux et broderies attendus par la clientèle Van Noten.

Six phénomènes, moments et tendances remarquables à Paris

1. Rick Owens en Manneken Pis

Alors que Rick Owens orchestrait l’un de ses shows spectaculaires dans la fontaine du Palais de Tokyo — mannequins en cuir gothique et chaussures plateformes transparentes plongeant telles des poissons dans une eau trouble —, nos téléphones vibraient à l’annonce du départ d’Anna Wintour de la rédaction américaine de Vogue.

La finale du défilé évoquait une scène de film signée Cecil B. DeMille: des jets d’eau s’élevant à plusieurs mètres, des mannequins suspendus à une tour d’acier, tandis que sur une bande-son assourdissante, Klaus Nomi répétait inlassablement Ding Dong The Witch Is Dead. Le choix musical n’était sans doute pas dicté par le départ de Wintour — présente à Paris — mais le clin d’œil faisait mouche.

Après le show, Owens a entraîné ses invités tels les enfants du joueur de flûte de Hamelin jusqu’au Palais Galliera — la circulation dut s’interrompre — pour le vernissage de son exposition rétrospective, suivi d’une fête dans les jardins. Dans une salle sombre, interdite aux mineurs, trônait une statue de cire grandeur nature du créateur américain, pantalon baissé, sexe à la main. Un puissant jet d’eau jaillissait du haut vers le bas. Des grappes de visiteurs posaient en riant aux côtés de ce Rick Owens urinant, malgré un panneau interdiction de photographier. Le vrai Manneken Pis, à Bruxelles, était quant à lui déguisé en Schtroumpf cette semaine-là.

D’autres expositions liées à la mode ont émaillé cette semaine parisienne: une rétrospective du photographe Wolfgang Tillmans au Centre Pompidou — sponsorisée par Celine — et les greatest hits du couturier Paul Poiret au Musée des Arts Décoratifs. Jonathan Anderson, pour sa part, transforma la tente de Dior en salle muséale, suspendant deux toiles de Chardin.

2. L’exposition Balenciaga

Comme Rick Owens, Demna a installé un double de lui-même, en jogging noir et hoodie assorti, pour conclure l’exposition Balenciaga by Demna, une rétrospective de ses dix années à la tête de la maison française. Y figuraient 101 pièces emblématiques, dont la sneaker Triple S, un peignoir en plumes de cuir, et un sac à main ressemblant de loin à un sachet de chips.

© Annik Wetter pour Balenciaga

Le faux Demna marquait la fin du parcours… sans robe de mariée. « Terminer sur une robe de mariée, cela aurait été trop cliché », déclara Demna, qui quittera Balenciaga après un dernier défilé couture le 9 juillet pour rejoindre immédiatement Gucci. Son successeur, Pier Paolo Piccioli, était présent. La passation semble pacifique. Curiosité de rigueur: que fera PPP — qui affectionnait les robes de bal romantiques chez Valentino — de Balenciaga? Affaire à suivre…

3. En camp à la ferme avec Doublet

Masayuki Ino, du label japonais Doublet, nous a emmenés, le dernier jour brûlant de cette Fashion Week, dans un jardin ouvrier du 20e arrondissement. Le petit-déjeuner? Un tamagoyaki — omelette japonaise — avec le logo de la marque grillé dans l’œuf. La collection, elle, regorgeait de clins d’œil à la vie rurale.

© Launchmetrics Spotlight

On vit ainsi un pull géant en forme de laitue, des variations sur les bottes en cuir, des sacs inspirés de boîtes à œufs, et des survêtements zippables transformables en banane (avec une version brunie, façon fruit trop mûr).

4. Avec Louis Vuitton, cap sur l’Inde

Le défilé de Pharrell Williams pour Vuitton célébrait l’Inde, avec un décor imaginé par Bijoy Jain du Studio Mumbai — collaborateur récurrent de la galerie bruxelloise Maniera — et une musique signée (entre autres) du légendaire A.R. Rahman (Yaara Punjabi). Le décor reprenait une version surdimensionnée du jeu de société indien Snakes and Ladders.

© Louis Vuitton

Les vêtements eux aussi empruntaient à l’Inde: couleurs délavées par le soleil, broderies somptueuses. Un motif tiré des archives, initialement conçu pour The Darjeeling Limited de Wes Anderson (2007), faisait son retour. Vuitton, maison résolument commerciale, vise juste: alors que les consommateurs chinois ferment le portefeuille, l’Inde apparaît comme un marché à conquérir. L’avenir de la mode pourrait bien s’écrire en hindi.

Hasard ou logique: pour la première fois, un créateur indien figurait sur le calendrier officiel de la Fashion Week Homme, Kartik Kumra, de Kartik Research. Sa marque a ouvert récemment sa première boutique à New York, lancé une mini-collection femme, et offert l’un des défilés les plus poétiques de la semaine.

5. Le temps de lire

L’un des accessoires les plus charmants de la semaine aura été un chapeau signé KidSuper, le label du New-Yorkais Colm Dillane: une fleur dont la corolle reposait sur la tête des mannequins. Dillane a écrit et illustré un livre pour enfants, The Boy Who Jumped The Moon — un exemplaire était placé sur chaque siège: couverture rigide pour les VIP, souple pour les autres, et rien du tout pour les derniers rangs. Une version géante du livre trônait sur le podium.

© Thomas Razzano & Alexander Fischer BFA

Les pages furent tournées pendant le défilé, dans une mise en scène poétique. D’autres événements ont ravi les amateurs de lecture: Miu Miu Summer Read, avec distribution gratuite de romans aux plus patients; ou encore les book totes de Dior, imprimées de couvertures de classiques littéraires (de Les Liaisons Dangereuses à De sang-froid).

6. Les prises de position

Deux des défilés les plus percutants:

  • Jeanne Friot, qui s’est fait connaître l’été dernier pour avoir habillé en argent le cavalier de l’ouverture des JO, n’a engagé que des personnes transgenres pour son défilé saisissant dans une cour d’hôtel particulier du Marais. Les couleurs du drapeau trans y dominaient. La créatrice a été l’une des rares à s’exprimer sur la guerre, arborant un T-shirt proclamant: « Bombarder pour la paix, c’est comme baiser pour la virginité ». Tout est dit.
  • Willy Chavarria a dénoncé la déshumanisation des migrants aux États-Unis. Son show a débuté avec 35 hommes en tee-shirts blancs couchés au sol, une action en partenariat avec l’American Civil Liberties Union. Il se murmure que Chavarria, ancien de Calvin Klein et collaborateur d’Adidas, pourrait devenir le prochain directeur artistique de Fendi. Un choix audacieux, potentiellement explosif.

Quelques tendances

  • Les micro-shorts: lancés chez Prada à Milan, omniprésents à Paris. Chez Dries Van Noten, les pantalons longs étaient une espèce rare.
  • Les chaussures plates et fines: le confort des beaux jours! L’homme stylé arbore désormais sandales ou tongs avec son costume (chez Vuitton, Lemaire, Van Noten, Auralee). Dans la même veine, Rick Owens — oui, encore lui — a annoncé l’ouverture d’un compte OnlyFans… dédié à ses pieds.
  • La couleur de l’été prochain? Un rouge éclatant, violent, presque criard. Une tonalité peut-être appropriée en ces temps de guerre.

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