Livres: tous nos conseils de lecture pour votre été
Divertissante, documentaire, frissonnante, jubilatoire… la rédaction du Vif Weekend vous propose sa sélection de livres pour les beaux jours, à savourer au bord de la piscine, dans un jardin à la campagne ou encore tranquillement à la maison. Peu importe le lieu, pourvu que le plaisir de lire soit de la partie.
1795, de Niklas Natt Och Dag (éditions Sonatine)
Le choix de Nicolas Balmet
J’ai découvert l’auteur suédois Niklas Natt Och Dag grâce à un talk-show où Laurent Ruquier recevait un certain… Joël Dicker. Interrogé sur ses lectures du moment, ce dernier confessait qu’il ne lâchait pas des mains un thriller historique nommé 1793, fasciné à la fois par sa profondeur d’écriture et son intrigue.
Peu après la diffusion, je tenais moi-même l’objet entre mes mains, avant de me faire embarquer, en quelques pages à peine, dans une sombre histoire de corps mutilé retrouvé dans un lac de Stockholm à une époque où la révolte, la misère et la tuberculose gangrenaient la capitale suédoise. A peine deux ans plus tard, sortait la suite, baptisée… 1794, et ce fut à nouveau un uppercut.
Certes, il faut apprécier les récits visqueux et les personnages torturés pour prendre plaisir à se faire bousculer par ce genre de thriller à l’atmosphère poissarde. Mais que ce soit par sa trame historique ou l’obscurité de ses entrailles, voilà une œuvre qui cogne juste et fort, tout en prenant le temps de déposer de la crasse un peu partout pour mieux brouiller les pistes. Dois-je vraiment préciser pourquoi 1795, qui clôture aujourd’hui la trilogie, trône au sommet de la pile de mes lectures estivales?
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L’heure des femmes, d’Adèle Bréau (JC Lattès)
Le choix d’Isabelle Willot
Entre 1967 et et 1981, Menie Grégoire a recueilli à l’antenne les confidences de milliers de femmes portées par le vent d’émancipation qui soufflait sur l’époque. Contraception, avortement, violence conjugale, frigidité, éducation… celle que la radio RTL recute alors à l’aube de la cinquantaine osera parler de tout à l’antenne pendant « l’heure des femmes », ce moment suspendu où les hommes sont a travail et les enfants encore à l’école.
La petite-fille de la présentatrice nous conte ici la vie hors norme de Menie qui avant de devenir une star était une mère de famille bourgeoise comme les autres. Pour dépasser la simple biographie, Adèle Bréau choisit de mêler le destin de sa grand-mère à celui d’Esther, une documentariste confrontée à l’infertilité qui décide de se replonger dans les archives de la radio, découvrant ainsi les avancées et les régressions d’une condition féminine plus que jamais sous tension.
La position de la cuillère, de Deborah Levy (éditions du Sous-sol)
Le choix d’Anne-Françoise Moyson
« Je suis tombée amoureuse d’elle avant de lire un seul de ses livres. » Sans gêne aucune, je veux reprendre à mon compte cette phrase de Deborah Levy. Si la dramaturge, poétesse, romancière anglaise parle là de Colette et de « sa beauté souveraine dont elle était la seule propriétaire et qu’elle ne faisait que louer au photographe », moi je parle d’elle. Et je vous invite, à ma suite, à vous perdre dans ce regard libre et impertinent, ce sourire en demi-teinte, cette élégance presque lascive puis plonger, façon immersion, dans ses textes, sa trilogie autobiographique – Ce que je ne veux pas savoir, Le Coût de la Vie, Etats des Lieux – et ce dernier opus, La position de la cuillère qui me fait de l’œil et promet un été levynien.
À feuilleter ces textes écrits au cours des 25 dernières années – articles, lettres, préfaces et nouvelles-, se déroule sous mes yeux avides tout son petit grand monde, ses fulgurantes associations d’idées, son écriture sensuelle et érudite qui floute les frontières entre banalité du quotidien et sentiments déchirants. Comme toujours, elle y convoque les figures des femmes qui occupent son âme, et les objets qu’elle aime tant, pour ce qu’ils sont : sa mère (« chère étrangère »), ses creepers d’ado quand elle tartinait ses yeux de khôl noir et punk, Francesca Woodman, Lee Miller Simone de Beauvoir, Marguerite Duras pour qui « tout ce que cherche à faire le langage, c’est placarder une catastrophe au beau milieu de la page ».
Et dans les interstices, elle y invite Sigmund Freud ou Nietzsche avec ses petites cuillères, et la pluie aussi – « Rester sous la pluie de novembre, au milieu des jardins de Russel Square à Londres, c’est comme renouer avec toutes les pertes qu’on a subies dans la vie ». J’avoue, je suis au diapason, ça va être bien cette position.
Le Nageur, de Pierre Assouline (Gallimard)
Le choix de Fanny Bouvry
Voilà une lecture de bord de piscine idéale, pour se mettre dans le bain, puisqu’il est question ici de natation, et de la vie d’un grand compétiteur, Alfred Nakache (1915-1983). Mais le récit va bien au-delà des performances aquatiques. Car, représentant la France au JO de Berlin, en 1936, ce sportif juif de haut niveau sera ensuite déporté à Auschwitz, probablement dénoncé par un rival des bassins. Grâce à sa condition physique et sa force mentale, il ressortira des camps, mais y laissera sa femme et sa fille…
Cette biographie de Pierre Assouline – qui est loin d’être à son coup d’essai dans le genre – se lit presque comme un roman. L’écriture sensible dresse le portrait d’un homme, plus que d’un champion. Les mots, parfois durs, sont bien choisis et parviennent à mêler intelligemment sentiments intimes et références historiques. Un bouquin marquant, à lire presque en apnée, puis à digérer en tirant quelques brasses, parce que le message qu’il délivre est fort et touchant. Une belle leçon de résilience.
Le Silence, de Dennis Lehane (Gallmeister)
Le choix d’Elise Mommerency
Boston, été 1974. La ville est en ébullition alors que les autorités viennent de décréter la mise en place à la rentrée scolaire prochaine du busing, le transfert en bus des élèves des quartiers majoritairement blancs vers des écoles des quartiers majoritairement noirs, et inversement, espérant ainsi mettre fin à la ségrégation dans les lycées publics de la ville. C’est dans ce contexte de tensions communautaires que Jules, une adolescente de 17 ans, disparaît, cette même nuit où un jeune Noir se fait percuter mortellement par un train dans des circonstances suspectes.
Commence alors la quête désespérée de Mary Pat, mère célibataire de la classe ouvrière, pour retrouver sa fille, un combat qu’elle mènera seule contre tous. Six ans après son dernier roman, Dennis Lehane, l’auteur de Mystic River et Shutter Island notamment, signe un polar haletant, porté brillamment par des personnages tout en complexité et des dialogues percutants.
Et si les femmes avaient le droit de vieillir comme les hommes, d’Amanda Castillo, (L’Iconoclaste)
Le choix d’Aurélie Wehrlin
Bon alors l’été, évidemment, en maillot de bain ou presque, les masques tombent. Et même si le temps s’arrête un moment, force est de constater qu’une année de plus s’est écoulée… et les effets qui vont avec. Mais pourquoi avancer en âge est tellement plus problématique pour les femmes? C’est la question que s’est posée la journaliste suisse Amanda Castillo – elle-même touchée par ce complexe – avec l’objectif de nous faire changer notre regard sur nous-mêmes (les femmes) et sur la société toute entière.
Ici, pas de discours radicaux, mais plus un tour d’horizon de l’image des femmes transmise par les médias, le cinéma, la littérature, avec force d’exemples puisés dans ce qu’on appelle la culture populaire, celle qui nous entoure au quotidien, l’air de rien.
A travers cet essai, l’auteure brandit aussi des portraits de femmes qui ont réussi à braver cette soumission au diktat de l’âge, sans heurts et violence, mais avec la liberté chevillée au corps. Leur liberté et le désir de l’exercer. Autant d’exemples inspirants qui invitent à vivre sa vie, pourvu qu’elle soit longue et égraine les années, sans s’auto-brimer. 250 pages féministes mais pas véhémentes, vivifiantes, mais aussi divertissantes, qui permettront d’animer joyeusement les discussions de plage.
Les Perfections, de Vincenzo Latronico, (collection Scribes, Gallimard)
Le choix d’Aurélie Wehrlin
Et si on posait sur la table de dissection l’époque, et plus précisément un couple qui incarnerait sa quintessence et ses contradictions, à la perfection. C’est ce que fait très justement l’auteur italien Vincenzo Latronico, pas encore 40 ans, avec ce roman, portrait d’un duo de créatifs parfaitement instagrammables, basé dans le Berlin gentrifié de ce début de la décennie 2020. Evidemment on capte d’emblée l’hommage au roman de Georges Perec Les Choses, six décennies plus tard, alors que le monde n’a plus grand chose à voir avec celui de la France des années 1960. Un exercice de style pour mettre notre monde en lumière.
Imaginez l’impatience qui me gagne à l’idée de profiter du temps mou de l’été pour voir épinglés, comme le ferait un entomologiste, mes pairs, leur vacuité, leurs frustrations paradoxalement générées par l’abondance et la perfection qui dirigent leur existence. Et par extension, nos existences. De déguster le constat froid de la vacuité de la vie qui, en tentant de prouver leur épaisseur et leur richesse via les réseaux sociaux, passent à côté de ce qui donne de la consistance à nos existences. Au delà de la surface lissée par les filtres des mêmes réseaux sociaux. Miroir aux alouettes déformant qui paradoxalement semble éloigner du bonheur. Réseaux sociaux, sexualité, gentrification, crise migratoire, expat, un portrait générationnel jubilatoire.
Les origines, de Gérald Bronner, éditions Autrement
Le choix de Kathleen Wuyard
Fille de transfuge de classe, j’ai dévoré l’essai autobiographique de celui qui préfère d’ailleurs parler de « nomadisme de classe » pour décrire les parcours sinueux de ces personnes qui naissent dans un milieu social modeste et évoluent à l’âge adulte dans un tout autre contexte. Intelligent, parfois clivant mais toujours très recherché, cet hybride d’ouvrage sociologique et de récit personnel offre matière à réflexion quelle que soit votre condition. » KaW
Sur la dalle, de Fred Vargas, éditions Flammarion
Le choix de Kathleen Wuyard
Cela faisait un moment que l’historienne passée maître du roman policier n’avait plus donné des nouvelles de son commissaire Adamsberg, qui revient plus impénétrable que jamais dans cette enquête au fin fond de la Bretagne. Croyances, mythes, Histoire, rebondissements: tous les ingrédients qui ont fait la renommée de la reine du polar sont réunis pour faire de ce nouvel opus le livre parfait à glisser dans sa valise.
150 Bookstores you need to visit before you die, d’Elizabeth Stamp, (Lannoo)
Le choix de Kathleen Wuyard
Si vous êtes du genre à traquer les librairies locales lors de chaque périple, vous allez adorer ce beau livre rassemblant 150 rêves de papivores. Avec un peu de chance, l’une des librairies épinglées se trouvera à proximité du lieu de vos vacances, mais si ce n’est pas le cas, la sélection compilée donne drôlement envie de planifier un road-trip pour les découvrir.
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L’inconnu de Cleveland, de Thibault Raisse, éditions 10/18
Le choix d’Amélie Micoud
Fascinée par l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès, je ne pouvais pas ne pas glisser L’inconnu de Cleveland dans mes bagages cet été. Son auteur, Thibault Raisse, est journaliste co-auteur de l’excellent article à succès sur l’affaire XDDL paru à l’été 2020 dans Society. Le pitch de ce nouvel opus? Le suicide d’un vieil homme. A priori rien à signaler, sauf que… Vivant comme un ermite, seul, sans famille, le vieil homme n’a laissé aucune empreinte. A la recherche de potentiels héritiers, la police découvre alors que l’homme vivait depuis 24 ans sous une fausse identité.
Un true crime dont la réalité dépasse la fiction, un ancrage dans une Amérique qui se raconte dans ses grandes affaires criminelles, un mystère qui effleure justement l’une d’entre elles, une écriture facile d’accès mais très riche… Tous les ingrédients sont réunis pour en faire, c’est sûr, votre lecture de l’été.
Mais aussi…
Bonus pour la fin des vacances: Eunice, de Lisette Lombé (Seuil)
Le choix de Fanny Bouvry
Ce livre ne sort que le 18 août, mais il pourrait être clairement le parfait compagnon de chevet de la fin des vacances. On y retrouve la plume légère, mais lourde de sens, de Lisette Lombé – chroniqueuse au Vif Weekend mais aussi « artiviste », slameuse et poétesse – dans un livre qui se dévore d’un trait. Eunice, déjà au bout du rouleau après une rupture, apprend le décès inoppiné de sa maman suite à un stupide accident. Mais elle ne veut pas y croire et part en quête de vérité…
Elle y découvrira qui sa mère était vraiment, et qu’elle ne la connaissait finalement pas vraiment. Il est question de transmission, de deuil mais aussi de sororité, dans un récit aux mots justes. Avec, comme Lisette Lombé sait si bien le faire, une observation fine de nos petits gestes et de tout ce qui fait le quotidien de chacun de nous. Tout en délicatesse.
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