Sous le soleil ou la  » drache  » nationale, l’imperméable, plus glamour que jamais, parade comme une plume au Carnaval de Rio. Avant les gros frimas et après l’été indien, bienvenue dans la trench connection.

 » E nfile ton imper « ,  » n’oublie pas ton ciré « ,  » mets ton capuchon « … Autant d’admonestations qui, durant l’enfance, voire l’adolescence, ont tracé un profil négatif à ce vêtement que l’on trouvait, autrefois, moche, informe, encombrant et ennuyeux… comme la pluie. Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts pour l’indétrônable imperméable : grâce, par exemple à l’apparition, il y a une vingtaine d’années, des microfibres synonymes de légèreté et de confort imparable. Grâce, aussi, à la palette de couleurs qui commencèrent à éclairer, dès la moitié des années 1960, un produit voué jusqu’alors aux tonalités passe-muraille.

De manière générale, les créateurs se sont attachés, au fil des décennies, à conférer à l’imper une étoffe supplémentaire en modifiant ses volumes, sa ligne, ses détails, sa texture, ses finitions, etc. Témoin la position du label français Ramosport cornaqué par Muriel Mesguisch. Vénérable en âge, cette entreprise spécialisée dans le vêtement de pluie, naît en 1905 sous la houlette de Sarah Mesguisch. Et l’affaire, menée sans mollir par les dames de la famille, a toujours su rester dans les bonnes vibrations de l’actualité. Aux côtés de la pétillante Muriel Mesguisch, arrière-arrière-petite-fille de Sarah, se sont en effet succédé des pointures du style comme Hussein Chalayan, Marcel Marongiu, Christophe Lemaire, Bali Barret et, pour l’hiver 03-04, le duo E2 (Michèle et Olivier Chatenet).

Fusionnant fonctionnalité et fashion, Ramosport mute le vêtement favori de l’inspecteur Columbo en infroissable élément de pure élégance. Cette saison, la griffe quasi centenaire a donc demandé au tandem E2 de revisiter son modèle classique de trench-coat. Résultat ? Un florilège de 21 pièces û uniques et numérotées û, sur lesquelles le tandem, connu tant pour ses goûts vintage que sa passion des motifs et des tissus orientaux, a laissé une touche percutante… et parfaitement portable. Ces pièces vendues 1 395 euros viennent d’élire domicile chez Colette, la Mecque parisienne de l’air du temps.  » Mais notre trench revu par E2 û un challenge qu’ils ont relevé illico avec enthousiasme û sera disponible, à prix plus doux, dès le printemps prochain, dans nos boutiques et points de vente Ramosport « , promet Muriel Mesguisch pour qui cette initiative est un plaisant chapitre à ajouter à la longue histoire d’amour entre Ramosport et le trench.

Chez Colette figureront aussi, très bientôt et en série ultralimitées, des réinterprétations du trench dues entre autres à Tom Ford (directeur artistique de Yves Saint Laurent Rive Gauche et de Gucci), à Christopher Bailey (Burberry), Prada, Alber Elbaz (Lanvin), Marc Jacobs (Louis Vuitton), Azzedine Alaïa, etc. Cela ne fait pas un pli : le trench-coat caracole en tête des tendances de la rentrée 2003. Tandis que l’imper, en général, ne manque ni de charme ni d’idées : trapézoïdal, maxi ou trois-quarts, droit comme un  » i  » ou évasé, asymétrique ou façon duffel-coat, décliné en cape ou caban, quasi étriqué ou oversized, étincelant dans sa version cirée, de bon ton en gabardine de coton, en satin cuir, en vinyle craquelé ou en nubuck traité anti-pluie,… il est promis, par tous les temps, à de beaux jours.

Satiné genre grands soirs chez Giorgio Armani, il brille de mille feux chez sa  » petite s£ur  » Emporio. Il étincelle aussi chez Céline, dont la collection Platinum s’appuie sur une matière poids plume et réfléchissante à base de fils d’aluminium. Doté d’une très sexy touche sixties chez Alberta Ferretti et Exté, l’imper est sobre et sort du lot grâce aux détails, discrets et distingués, apportés chez Hermès par Martin Margiela. Très ludique avec ses logos à gogo chez Louis Vuitton, il flirte avec les tissus techniques et les proportions étonnantes chez Burberry et Burberry Prorsum (la ligne plus expérimentale de Burberry). Conçu en forme de clin d’£il à la rentrée des classes chez Strenesse, avec sa doublure écossaise et ses détails faussement sages, l’imper s’adresse aux citadines délurées chez Dolce & Gabbana et sa deuxième ligne, D & G. Alors que pour Dries Van Noten, il conserve toute son amplitude et son effet de cocon-protection.

Au-delà de simples prévisions météo, c’est donc un retour aux grands classiques du vestiaire féminin et masculin qui caractérise la plupart des maestros du style. Dans une industrie durement touchée par la crise, l’élégance imparable permet, parfois, de damer le pion à une époque improbable. Si la griffe anglaise Burberry, née en 1856, est aujourd’hui l’une des plus cotées sur le marché mouvant de la mode, c’est parce qu’elle a eu, depuis belle lurette, une vision simultanément avant-gardiste et réaliste du vêtement fonctionnel. D’abord, le fondateur Thomas Burberry met au point le tissu gabardine, véritable  » âme  » de l’imperméable puisqu’il lui donne sa raison d’exister, c’est-à-dire résister à la pluie tout en permettant à l’air de circuler. Ensuite, dans les années 1920, sir Thomas lance le principe du trench-coat ( NDLR : ce  » manteau de tranchée « , en français dans le texte, s’inspire de l’habit porté par les officiers britanniques au cours de la Première Guerre mondiale).

Bien serré à la taille, le trench avec son boutonnage double, ses bavolets devant et derrière, ses pattes aux épaules et aux poignets, ses vastes poches raglan et son col pointu transformable connaîtra rapidement un succès de taille. Et une personnalité tout à fait à part. Pratique en diable, il est également source de mystère et d’émotions. La manière de le porter, lâche ou très cintré, boutonné ou pans à l’air, l’imprègne tour à tour de sensualité, de nonchalance ou de rigueur ravissante. Au cinéma, par exemple, c’est lui la star par l’entremise de Greta Garbo, Jean Gabin, Humphrey Bogaert, Lauren Bacall, Romy Schneider, Jeanne Moreau, Alain Delon, Michel Piccoli et bien d’autres.

En 1999, le fleuron de Burberry, qui n’est pas à un coup de génie près, s’offre une nouvelle jeunesse grâce à l’inventivité du styliste Roberto Menichetti suivi, à ce poste, par Christopher Bailey en 2001. Côté image et campagnes de pub, la marque d’outre-Manche sait également y faire : le trench ainsi que tous les éléments du prêt-à-porter Burberry (femmes, hommes, enfants, accessoires, parfums…) sont mis en scène par la crème des mannequins et des photographes de mode. Ainsi, la toujours très top Kate Moss, photographiée par Mario Testino, pose dans un trench-coat rose passion. Ici, la classe rejoint le caritatif : Burberry présente, en effet, ce trench haut en couleur afin de soutenir les associations impliquées dans la prévention du cancer du sein : 30 % des ventes de cet imperméable (prix : 1 190 euros) leur seront en effet reversés. Last but not least, vous pouvez désormais choisir votre imperméable à la carte dans tous les flagship stores Burberry, à Paris, Londres, New York… Dans un délai de 6 à 8 semaines et moyennant une palette de prix allant de de 1 165 à 2 265 euros, le trench de vos rêves les plus fous est à vous. Baptisé  » l’art du trench « , ce service sur mesure exclusif û la diversité des styles, des matières, des couleurs et doublures permet d’obtenir un trench réellement unique. Selon Michèle Chatenet du label E2 qui collabore avec Ramosport,  » on ne peut être chic qu’en affirmant clairement son autonomie par rapport aux diktats de la mode « . Un beau compliment, largement mérité par ce vêtement qui, de son statut originel d’habit-uniforme, a tourné en produit indémodablement pointu.

Marianne Hublet

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