Pierre Hebbelinck, architecte: « Habiter une petite ville permet de gagner beaucoup de temps »

© MAXENCE DEDRY
Kathleen Wuyard
Kathleen Wuyard Journaliste

Le Grand-Hornu, le Musée Rimbaud de Charleville-Mézières, le Théâtre de Liège, l’Institut Pacheco? C’est lui. L’enveloppe du futur Musée du Chat? Lui aussi, à condition que le projet résiste à la polémique. Rencontre avec un des architectes belges les plus prolifiques.

L’architecte est une courroie de transmission entre les disciplines. J’ai habité jusqu’à 18 ans dans un petit hameau du Brabant wallon, puis j’ai cherché du travail parce que je n’arrivais pas à choisir ce que je voulais étudier. Il y avait des dizaines de branches qui m’intéressaient entre la médecine, l’astrophysique, le droit… J’étais incapable d’arbitrer donc j’ai trouvé du boulot à Liège, comme apprenti-boulanger, puis publiciste, pigiste… J’ai vécu de ça pendant un an avant de réaliser que l’architecture pouvait me mener à toutes es disciplines en même temps.

En construisant des bâtiments, on tisse du lien social. Je voulais étudier à Gand mais ça ne s’est pas mis alors je suis resté à Liège où j’ai redoublé une année et alterné entre deux écoles, l’enseignement de la ville d’un côté et Saint-Luc de l’autre. Ça m’a permis de découvrir des mondes très différents et l’expérience a amplifié un de mes plus grands moteurs: oser croire aux utopies sociales. Aujourd’hui encore, je cherche en permanence à recoudre les liens par le biais de l’architecture.

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Désormais, l’architecture belge est la plus importante d’Europe en termes de conception. D’abord, parce qu’on a beaucoup d’empathie pour les usagers. Ensuite, parce qu’on est doués pour faire beaucoup avec peu de moyens et qu’on combine cette économie de projet avec un amour inconditionnel de la matière. Enfin, parce qu’on fait preuve d’humour, un trait d’esprit très rare dans le milieu.

La France et les Pays-Bas sont les pays d’Europe où l’on construit le plus mal, l’une parce que l’architecture y est surnormalisée et l’autre parce que les questions économiques dominent le débat. On bâtit mieux en Tchéquie ou en Espagne que chez eux! Chez nous, je comprends qu’on puisse rire du phénomène des Ugly Belgian Houses (NDLR: voir sur Instagram @uglybelgianhouses), parce que c’est important de faire preuve d’autodérision et le développement enthousiaste du clé-sur-porte a donné lieu à l’explosion, drôle à certains égards, d’une architecture totalement appauvrie.

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Les architectes ne sont pas des artistes, ils créent sur base de contraintes. L’architecture est un art de commandes et de questionnement pour transcender ces dernières. Personnellement, j’adore créer, et le fait de devoir relever continuellement des défis contribue à entretenir ma passion. Le plus grand challenge de l’architecte, c’est d’arriver à faire sens simultanément de données techniques, contextuelles et programmatiques. La recherche constante de cet équilibre fait qu’il est impossible de se lasser.

Rester à Liège est une sorte d’acte de résistance, il y a beaucoup plus d’expérimentations dans une ville de cette taille. En plus, elle est connectée avec deux autres pays qui parlent deux langues différentes, c’est une esquisse d’Europe en soi. Peter Zumthor, un des plus grands architectes actuels, vit dans un village microscopique des Grisons. Habiter une ville de plus petite importance permet de gagner beaucoup de temps, d’augmenter sa qualité de vie et d’avoir un discours ancré.

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Il y a une forme de spiritualité dans l’architecture. Même si le projet a été abandonné, j’ai beaucoup appris en travaillant à la conception d’une mosquée liégeoise. C’est un sujet très profond à mettre en oeuvre, qui m’a permis d’énormément me cultiver et d’avoir une bien meilleure compréhension des rites qui forment un certain état d’esprit au travers des religions. Le fait d’avoir confié le projet à un non-croyant, un mécréant, est assez surprenant, mais je pense que c’est parce qu’ils ont compris de nos échanges cette spiritualité de notre métier. Malheureusement, ce type de travail est très compliqué à monter et celui-là n’était certainement pas simple.

Les polémiques urbanistiques sont légion et s’alimentent toutes seules. J’étais familier du travail de Philippe Geluck, qui me faisait rire, et je suis ravi d’avoir eu l’opportunité d’échanger avec lui. J’ai été chargé de concevoir l’extérieur du Musée du Chat (NDLR : prévu dans le centre de Bruxelles mais qui fait actuellement l’objet de polémiques quant à son bien-fondé) et ça a été passionnant à faire. Mais je préfère attendre avant de m’exprimer sur le sujet. La polémique actuelle est un mécanisme autoalimenté dans lequel chaque mot que je pourrais prononcer ne serait pas à sa place. J’ai imaginé un bâtiment qui soit un lieu qui fédère, mais ce type de réactions est très courant à Bruxelles dès qu’on annonce un nouveau projet.

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