Visite d’un chef-d’oeuvre Art nouveau, à Uccle

L'accès à ce bel appartement se fait par un majestueux hall, restauré avec soin, en gardant les matériaux d'origine, tels que les mosaïques au sol. © LAETIZIA BAZZONI
Fanny Bouvry
Fanny Bouvry Journaliste

Meubles anciens chinés et textiles ramenés de ses voyages: l’architecte d’intérieur Catherine Arnould a aménagé sa majestueuse maison Art nouveau, sur l’avenue Brugmann à Bruxelles, de façon très personnelle, en la remplissant de ses souvenirs et coups de coeur.

Visiter la maison de Catherine Arnould, c’est comme ouvrir un livre qui raconte sa vie: autant le choix du lieu, l’énergie mise pour l’acquérir, que les détails de mobilier et de décoration témoignent de la détermination, mais aussi du goût du voyage et de l’amour du vintage de cette architecte d’intérieur bruxelloise.

Il faut dire que la créatrice a dans ses bagages plein de jolis récits à relater. A la fin de ses études, elle a quitté la Belgique, avec son mari architecte, pour vivre deux ans à Casablanca. Ensemble, ils se sont notamment occupés du développement d’un hôtel Hyatt, à Tétouan, dans le nord: lui pensait le bâti, elle les détails. Revenus habiter en Belgique, les deux globe-trotteurs ont continué à découvrir le monde, de l’Iran à Israël, en passant par le Japon. En 2009, pour célébrer ses 40 ans, le tandem a décidé de tout plaquer à nouveau et de prendre, avec ses mômes de 7 et 9 ans, une année sabbatique au Maroc – « Nous voulions montrer aux enfants que tout est possible… »

Dans la chambre parentale, les souvenirs se sont accumulés: d'une peau venant du Danemark à une affiche d'un musée de Jérusalem, en passant par un kimono ramené du Japon. La table Knoll a été chinée.
Dans la chambre parentale, les souvenirs se sont accumulés: d’une peau venant du Danemark à une affiche d’un musée de Jérusalem, en passant par un kimono ramené du Japon. La table Knoll a été chinée.© LAETIZIA BAZZONI

Des cartes postales

De toutes ces pérégrinations, la conceptrice a rapporté des souvenirs qui décorent aujourd’hui chaque pièce de son logement. « J’aime exposer tous ces objets venant d’horizons lointains car ils me représentent, confie Catherine Arnould. Comme ce tapis à l’étage des chambres, récupéré en Iran l’année dernière, dans de vieux caravansérails. Ou ces miniatures créées par des Iraniennes, dans un village, et cette ceinture portée traditionnellement par les femmes, au Maroc. Chaque chose a une histoire personnelle qui me touche. » A cette déco ethnique et très intime répondent des meubles vintage glanés au fil du temps. A l’image de ce petit bureau Thonet, déniché quand les enfants étaient tout gamins…

Partout on retrouve des objets ethniques, comme dans ce hall qui articule le premier niveau de l'appartement, décoré d'un tapis bebère et d'une étole venant de Taroudant au mur. L'enfilade est un meuble vintage chiné.
Partout on retrouve des objets ethniques, comme dans ce hall qui articule le premier niveau de l’appartement, décoré d’un tapis bebère et d’une étole venant de Taroudant au mur. L’enfilade est un meuble vintage chiné.© LAETIZIA BAZZONI

Et puis partout dans l’espace, on retrouve également les textiles des années 20 qui furent un temps la passion de cette créatrice protéiforme: « Il y a une quinzaine d’années, je suis tombée sur des stocks de vieux tissus des années 20 et 30 près de Mouscron, dans de vieilles usines. J’ai commencé à imaginer des coussins, des accessoires pour les petits, du linge de lit… et j’ai arrêté l’architecture. J’ai vendu mes articles, sous la marque Katarsis, dans le monde entier. En parallèle, je chinais des meubles rétro que je proposais lors de ventes privées. Ça marchait du tonnerre », résume celle qui est aujourd’hui revenue à l’architecture d’intérieur.

Ce coin lavabo d'époque a été conservé. On y voit une ceinture de chamelier iranien et des bols marocains.
Ce coin lavabo d’époque a été conservé. On y voit une ceinture de chamelier iranien et des bols marocains.© LAETIZIA BAZZONI

Un écrin somptueux

Mais si Catherine Arnould a le goût de l’évasion et de l’aventure, celle qu’elle a vécue pour obtenir cette maison du début du XXe siècle, dans laquelle elle vit aujourd’hui, est également plutôt audacieuse. L’habitation, achetée par la conceptrice et son mari il y a vingt-cinq ans déjà, se situe à Uccle, sur la belle avenue Brugmann qui pénètre dans la capitale. Et au vu de sa large façade Art nouveau, garnie d’une lanterne monumentale, il est difficile d’imaginer que le jeune couple ait pu à l’époque s’offrir cette demeure signée par un collaborateur de Victor Horta. « Plusieurs maisons nous étaient passées sous le nez et nous avons finalement regardé dans une gamme de prix supérieure à ce que nous pouvions mettre, se rappellent-ils en choeur. Nous avons dû dès lors mettre au point tout un montage financier. »

La baignoire d'origine a été conservée. Elle dialogue avec un tapis berbère, un plateau en cuivre venant d'Istanbul, des colliers de prière marocains et un tableau venant de Retrofaktory, à Uccle.
La baignoire d’origine a été conservée. Elle dialogue avec un tapis berbère, un plateau en cuivre venant d’Istanbul, des colliers de prière marocains et un tableau venant de Retrofaktory, à Uccle.© LAETIZIA BAZZONI

L’idée: s’installer à l’arrière de cet hôtel particulier, en partie en cave, dans un petit triplex réservé normalement au personnel, et réaménager le reste de l’habitation pour en faire un « appartement d’apparat » à louer, afin de rembourser l’emprunt. « Nous avions trois mois pour finaliser la rénovation, nous nous y sommes mis avec des amis sans interruptions, décrit la maîtresse des lieux. Heureusement, l’immeuble n’était pas délabré, seulement très vieillot et mal équipé. Nous avons refait les salles de bains – mais gardé les sanitaires d’époque dont une belle baignoire -, ainsi que la cuisine. Nous avons aussi bougé des cloisons et des portes. Mais les boiseries étaient en très bon état et le sol, ainsi que certains carrelages, ont pu être conservés. Par ailleurs, l’endroit bénéficie de grands vitrages à l’avant qui apportent énormément de lumière dès le matin. »

Dans le salon, un fauteuil Togo de Ligne Roset et une estampe japonaise au mur.
Dans le salon, un fauteuil Togo de Ligne Roset et une estampe japonaise au mur.© LAETIZIA BAZZONI

L’immense appartement débute au deuxième étage, où se situaient, sur les plans d’origine, les chambres, avec la salle à manger, à l’avant, baignée de lumière, un vaste hall au centre du volume, et le salon à l’arrière, avec vue sur un orme du Japon classé. Au troisième niveau, étage initialement réservé aux domestiques, Catherine a placé les chambres. Hormis ces changements de fonction, la demeure a été laissée au maximum dans son jus.

Dans la salle à manger, une table et un banc Pirkka d'Ilmari Tapiovaara, ainsi que des chaises Hay et un siège Tulipe de Knoll.
Dans la salle à manger, une table et un banc Pirkka d’Ilmari Tapiovaara, ainsi que des chaises Hay et un siège Tulipe de Knoll.© LAETIZIA BAZZONI

Un rêve réalisé

Durant dix ans, la famille a ainsi vécu « comme des concierges », juste à côté du bien de ses rêves… Puis, elle a décidé de déménager à la campagne. C’est cette année de pandémie qui a finalement fait revenir Catherine Arnould, son époux désormais artiste, et leurs deux kids devenus jeunes adultes, dans cette demeure patrimoniale. Mais cette fois par la grande porte. En janvier dernier, la smala a en effet investi le logement principal. « C’est comme si on habitait l’appartement des maîtres », s’amuse la propriétaire, qui a disposé sa déco ethnique dans les grandes pièces au cachet ancien tandis que son compagnon a pris possession du premier étage pour y installer son atelier d’artiste. « Il faut des gens amoureux de l’architecture pour vivre dans ce lieu. Dans mes projets, j’adore moderniser des maisons anciennes. Ici, c’est exacerbé car on a vraiment gardé beaucoup de détails anciens… Mais je ne m’imagine pas rénover un truc hyper minimaliste, j’aime quand il y a une âme », conclut la créatrice. Et de se réjouir de ce retour en ville: « Nous avions une volonté, un projet de vie, et nous y sommes arrivés. »

Catherine Arnould

Carnet intime: habiter dans un chef-d'oeuvre Art nouveau, à Uccle
© LAETIZIA BAZZONI

Elle a suivi des études d’art à Londres et d’architecture d’intérieur à Saint-Luc Bruxelles.

Elle part ensuite deux ans à Casablanca, avec son mari architecte, pour travailler dans un bureau d’architecture.

Revenue en Belgique, elle officie pour diverses sociétés en tant qu’architecte d’intérieur. Elle devient également professeur à Saint-Luc Bruxelles.

En 2005, elle lance Katarsis, une marque d’accessoires textiles et de linge de maison, conçus au départ de chutes de tissus datant des années 20. Elle délaisse un temps sa profession d’architecte.

En 2009, elle retourne avec son mari et ses deux enfants vivre un an au sud du Maroc, à la limite du Sahara occidental, pour célébrer ses 40 ans.

Depuis 2010, elle a repris son activité d’architecte d’intérieur et suit autant des projets résidentiels que des bureaux.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content