Du haut de mon arbre

Petits, nous rêvions d’habiter la cabane rafistolée de Tom Sawyer et de nous faire kidnapper par les Ewoks, ces étranges oursons de l’univers Star Wars, pour découvrir leur village suspendu… Aujourd’hui, nous aimerions nous offrir un bureau-cabanon accroché à un chêne bicentenaire, comme celui que possède le photographe de La Terre vue du ciel, Yann Arthus-Bertrand, dans le bois de Boulogne ; ou inviter notre tendre moitié pour une soirée ultraprivée, à l’abri des regards, dans les cimes.

Si la cabane a, de tout temps, servi d’abri pour l’homme dans certaines contrées – les Korowais de Papouasie vivent encore aujourd’hui dans des huttes sur pilotis, à une dizaine de mètres du sol – chez nous, elle est devenue un objet à la mode. Les raisons de ce succès ? La nostalgie de l’enfance, certainement. La recherche d’une communion avec la nature, très en phase avec la green attitude actuelle, aussi. Mais également le besoin de tranquillité et d’isolement face à un monde en perpétuel mouvement…

Fini de jouer

« Nous ne vendons pas plus de cabanes qu’il y a deux ans, insiste Vincent Matthys de la société belge Kazanou. Ce qui change, c’est ce que les gens veulent en faire. Avant, c’étaient de simples abris de jardin, rien de plus, qui restaient le plus souvent au sol. Maintenant, elles deviennent de véritables pièces à vivre, proches de chez soi, mais qui offrent un vrai sentiment d’évasion. » Dans ce cadre, certains clients commencent à imaginer des espaces en hauteur… Et l’ancien ingénieur en électronique, reconverti dans ce business, exauce leurs voeux. Il est ainsi l’auteur, notamment, de la cabane-salle de réunion du parc de Chevetogne (voir photo).

C’est ce créneau qu’exploite aussi Tanguy Salza – et son associé Christian Bogaert – avec Rêve d’Enfance. Quand il était plus jeune, l’ébéniste bruxellois avait pour habitude de se balader en forêt de Soignes, avec des potes, et de grimper aux arbres. Plus tard, il a découvert qu’un marché était à prendre et a lancé sa boîte. Aujourd’hui, il compte déjà de nombreux projets à son actif : beaucoup de cabanes-jeux pour les gosses, mais également des structures plus équipées, comme la Cabane du Fou, à Uccle, un « resto privé » où un traiteur vous dépose de quoi faire un repas en tête-à-tête parmi les feuillages. « Ce sont de réels espaces « bulles » dans lesquels les gens peuvent se couper de la réalité et c’est cela qui plaît », affirme l’artisan.

Mise en forme

S’il est bien présent, l’attrait pour ces habitations défiant la pesanteur reste néanmoins relativement timide, en Belgique, par rapport à ce qui se passe dans d’autres pays… Le principal frein : l’urbanisme. « La législation est très floue car ces constructions en hauteur ne sont considérées ni comme un jeu d’extérieur, ni comme un abri de jardin. Certains projets sont bloqués parce que l’administration ne sait que faire… », déplore Vincent Matthys.

Chez nos voisins français, les règlementations, bien qu’encore à parfaire, sont plus claires et les gîtes et chambres d’hôtes haut-perchés ne se comptent plus. Tant et si bien que certains concepteurs commencent à méditer sur la forme que pourraient prendre ces cabanes et à en proposer de beaucoup plus design. C’est le cas de Cap’Cabane dans le Parc des Landes de Gascogne. Là, Morgane Lecoze et son compagnon ont inauguré, ce 1er mai, un éco-village de cocons habitables éparpillés dans une forêt de chênes et de pins. La base du logement ovoïdal abrite une toilette sèche, et la chambre se situe à l’étage, sur une plate-forme panoramique accessible par une échelle de meunier. « Nous ne voulions pas recréer des petites maisons en l’air. Nous désirions travailler sur la forme et casser les codes classiques », explique la propriétaire des lieux.

Dans la même veine, le concept de Bubbletree propose d’installer dans les arbres un simple plancher protégé du monde extérieur par une toile sphérique escamotable, de façon à pouvoir être repliée, en journée, laissant alors ce repère arboricole complètement ouvert sur la nature.

Un peu de sérieux

Derrière ces créations amusantes se cacherait donc une réflexion bien plus sérieuse qu’il n’y paraît sur la forme et l’intégration d’une structure dans son environnement… « Les cabanes sont des miniarchitectures. Ce sont des chambres à rêver dans le jardin », affirment ainsi les responsables de CabaneStudio, un atelier italien qui travaille également à la conception de tels ouvrages. De leur côté, les organisateurs de festivals qui leur sont dédiés, comme celui de Chevetogne ou de Luxembourg, soulignent, eux aussi, que ces maisonnettes en bois sont bien plus que ludiques. « En exposant dans notre parc de tels modules, nous voulons non seulement distraire les visiteurs mais aussi les amener à une réflexion plus profonde sur l’utilisation du bois, les avantages des matériaux durables et l’importance de concevoir un habitat qui correspond à la vie de chacun, détaille Bruno Belvaux, directeur du Domaine de Chevetogne. Il y a, en Wallonie, une très mauvaise éducation au bâti et des aberrations au niveau urbanistique. Des gens font construire des maisons mal intégrées et immenses et n’utilisent pas ou peu certaines pièces. Or, c’est dans un espace à taille humaine, comme la cabane, que l’on se sent le mieux. »

Des propos que confirme Alain Blondiaux. L’an passé, cet hôtelier, propriétaire du Moulin de Lisogne, à Dinant, a fait installer, aux alentours de l’établissement, deux cabanes 3-étoiles, dont une accessible aux personnes à mobilité réduite. Depuis, ses chambres ne désemplissent pas. « Quand nos clients passent une nuit ici, il y a une véritable prise de conscience. Ils constatent qu’il est possible de vivre confortablement mais sainement… Et de se demander alors pourquoi on s’acharne toute une vie à construire des baraques inutilement grandes, à les meubler… Pour que tout finisse, un jour, par partir chez un vide-grenier ! » Qui a dit que les cabanes, c’était pour les enfants ?

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