Passionnés sans être fortunés, ils ont craqué pour une icône du design

Maria © Marthe Hoet
Stijn De Wandeleer

Acheter une icône du design nécessite bien souvent des mois, voire des années, d’épargne. Trois amoureux de beau mobilier nous racontent comment ils ont réussi à s’offrir la pièce de leurs rêves.

Maria (47 ans) et sa table Noguchi

« La première fois que je l’ai repérée, c’est au magasin Vitra, au Sablon, ou bien peut-être dans une revue d’architecture, je ne sais plus. Ce qui m’a immédiatement plu avec cette pièce, c’est que Noguchi n’est pas seulement designer mais aussi sculpteur, et il a façonné sa table basse sur la base de deux pièces en bois identiques et d’un plateau de verre. Le tout a un rendu à la fois simple et très élégant qui m’a séduite. Je suis architecte et plasticienne (mariadukers.be) et la présence sculpturale de cette création de Noguchi me parle beaucoup. J’aime chiner des objets particuliers qui donnent un cachet unique à l’espace qui m’entoure, mais aussi parfois me dire que « cette pièce est magnifique mais bien trop chère donc je vais devoir patienter et épargner avant de me l’offrir », comme ce fut le cas pour cette table. Mon coup de foudre pour elle remonte à quinze ans environ, je me souviens qu’elle coûtait 1400 euros à l’époque et que je me suis alors dit que j’avais deux options: soit mettre de l’argent de côté patiemment, pendant des années, soit attendre que l’occasion d’obtenir ce montant d’un coup se présente. Concrètement, la première méthode ne fonctionne pas très bien chez moi ( rires). Tenter de rassembler une somme conséquente a toujours un côté inaccessible qui est un peu décourageant, surtout que je n’ai pas un salaire mirobolant, donc il y a toujours d’autres achats ou factures prioritaires et c’est quasi impossible de mettre autant d’argent de côté. Finalement, entre mon coup de coeur pour la table Noguchi et le moment où elle a rejoint mon intérieur, il y aura eu cinq ans, ce qui a coïncidé avec une expo et la vente d’une de mes oeuvres dont le prix correspondait plus ou moins à celui de la table. Je trouve que c’est un joli clin d’oeil, un échange de bons procédés créatifs si on veut: mon oeuvre est désormais chez quelqu’un d’autre, qui peut en profiter, et moi je profite de ma table. J’y tiens très fort, elle m’a accompagnée dans chacun de mes déménagements depuis, c’est vraiment une pièce centrale de mon intérieur, et si pour une raison ou une autre je devais m’en séparer, elle laisserait un grand vide. »

Tina
Tina© Marthe Hoet

Tina (26 ans) et son rocking-chair Eames

« Enfant, je me rendais régulièrement avec mes parents au Donum à Hasselt, un grand magasin de design qui a malheureusement déménagé à Anvers entre-temps. J’adorais essayer les belles chaises, et c’est là que je suis tombée amoureuse de ce rocking-chair des Eames. J’avais 9 ans et cette chaise à bascule a immédiatement fait appel à mon imagination. Je savais que je l’achèterais un jour. Quand j’en ai parlé à ma mère, elle m’a conseillé d’économiser pour y arriver. Elle aurait pu dire: « Tu n’as que 9 ans, choisis un cadeau normal. » Mais elle a accepté mon choix. Pendant un an et demi, j’ai laissé ma maman mettre de côté tout l’argent que je recevais pour les occasions spéciales. J’avais besoin de 350 euros ; ce n’est pas une somme énorme, mais en tant que môme, c’est beaucoup. Je pense que mes parents ont fini par ajouter 50 euros mais le reste venait de moi. Quand un gros paquet avec un noeud autour est apparu dans le salon pour mon anniversaire, j’ai su que le moment était arrivé. Quand j’ai pu déballer la chaise, ce fut merveilleux. Depuis, il a toujours eu une belle place dans le salon de la maison de mes parents, et j’y ai toujours lu beaucoup. Je l’utilise encore aujourd’hui, et je suis fière de ma persévérance précoce. Ce fauteuil était mon rêve d’enfant, et le fait que tout le monde m’ait suivie dans cette idée folle me fait toujours chaud au coeur. Plus tard, quand j’avais 12 ans, j’ai acheté un autre fauteuil Panton avec l’argent que j’ai reçu pour ma confirmation, mais ce fauteuil à bascule reste mon préféré. »

David
David© Marthe Hoet

David (30 ans) et sa lampe signée Kaat Tilley

« J’ai toujours aimé le style féerique, mais je ne connaissais pas de designers qui créaient ce genre de mobilier. Jusqu’à ce qu’un de mes professeurs me présente la créatrice de mode belge Kaat Tilley. J’ai tout de suite trouvé que ses créations élégantes apportaient comme une bouffée d’air frais. En 2010, j’ai même pu faire un stage pour sa marque. C’était incroyable de me retrouver dans cet atelier, un petit univers en soi! Des années plus tard, après son décès, j’étais en train de chercher des meubles, avec mon compagnon d’alors, pour l’aider à décorer sa maison. Il ne voulait que des lignes pures et droites, alors que j’aime tout le contraire. On était en train de choisir des luminaires, lorsque, tout à coup, j’ai remarqué une lampe pour laquelle j’ai eu le coup de foudre, avec son pied élégant aux lignes sinueuses et ses abat-jour. J’ai tout de suite deviné que c’était une création de Kaat Tilley. Je me suis promis qu’un jour, je m’offrirais cette pièce… qui coûtait quand même 3 000 euros. Pendant deux ans, j’ai mis de l’argent de côté, au compte-gouttes, sans jamais oublier mon objectif. Je l’avais vue pour la première fois en 2013, et en 2015 j’avais suffisamment mis de côté. Ma tante avait proposé de contribuer à son achat, et lorsque nous nous sommes retrouvés ensemble, à la caisse, elle m’a dit tout à coup: « Tu sais quoi? Je te l’offre. » Je lui suis encore reconnaissant. Avec l’argent que j’avais mis de côté, je me suis acheté, un peu plus tard, une autre lampe, à poser celle-là… de Kaat Tilley également! Entre-temps, je n’étais plus en couple et je me suis acheté une maison: la fameuse lampe y a été la première pièce de mobilier. Pour moi, elle constitue toujours, des années après, le coeur de ma déco. D’une part parce que je la considère comme une création féerique, mais aussi parce que j’ai connu et côtoyé sa conceptrice. Je dis toujours que si ma maison brûle, la première pièce que je sauverai des flammes sera celle-là. »

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