En images: visite du repaire bucolique du patron de Bellerose

Avec sa toiture papillon et ses grandes baies du sol au plafond, cette bâtisse rappelle les maisons américaines modernistes érigées au milieu du XXe siècle. © JAN VERLINDE

Accéder à sa demeure a longtemps été impensable: Patrick Van Heurck, qui a fondé le label de mode belge Bellerose il y a exactement trente ans, reste un père de famille discret et peu bavard… mais qui sait aussi très bien ce qu’il veut!

« Knokke était devenu trop mondain pour moi, trop animé. Lorsque mes voisins ont décidé d’agrandir et de lotir leur domaine, j’ai tout vendu. Et puis l’architecture ne me plaisait pas », raconte Patrick Van Heurck en nous accueillant. Mordu de voile, celui qui a fondé la marque Bellerose a pourtant vécu dans la station balnéaire pendant une quinzaine d’années… avant de trouver, un peu par hasard, le calme et l’authenticité auxquels il aspirait dans le village zélandais de Retranchement, avec un panorama à 360° sur les champs, les prés et les saules têtards. Hormis un cycliste égaré, on n’y aperçoit pas âme qui vive – « C’est la vue qui fait toute la différence. Vous ne trouveriez jamais cela en Belgique! »

Au-dessus de la table de salle à manger, on retrouve un emblématique lustre Artichoke de Poul Henningsen. Les sièges sont eux d'anciennes chaises de bureau.
Au-dessus de la table de salle à manger, on retrouve un emblématique lustre Artichoke de Poul Henningsen. Les sièges sont eux d’anciennes chaises de bureau.© JAN VERLINDE

En contemplant cette combinaison de bois et de pierre, cette toiture papillon et ces larges baies, on en viendrait presque à se demander si un grand bâtisseur américain du milieu du siècle dernier ne serait pas venu passer un été ici, comme Marvin Gaye à Ostende. En réalité, il s’agit toutefois d’une construction neuve. « Mon fils Derek (NDLR: directeur artistique chez Bellerose) et moi sommes tous les deux passionnés d’architecture, explique notre hôte. Cette maison, nous l’avons conçue et aménagée nous-mêmes, comme toutes nos boutiques. Nous avons fourni la maquette et la Néerlandaise Maartje Lammers s’est chargée de concrétiser le concept. C’est une véritable artiste. » Patrick Van Heurck a puisé l’inspiration dans les nombreux ouvrages qui trônent dans sa bibliothèque. « Sans être vraiment fan d’un créateur en particulier, j’ai un faible pour les grands noms de la première moitié du XXe siècle – Richard Neutra, Frank Lloyd Wright, le Bauhaus… mais pour cette habitation, j’ai surtout été inspiré par l’agence Bohlin Cywinski Jackson. » Fondé en 1965 en Pennsylvanie, ce bureau a remporté plus de 600 prix et est toujours en activité. On lui doit notamment l’Apple Store de Fifth Avenue à New York, ainsi que plusieurs résidences au bord de grands lacs ou en pleine forêt. « Pour moi, c’est au Brésil, en Chine ou aux Etats-Unis qu’on trouve les plus belles demeures. Que rêver de mieux que de vivre au coeur d’une vaste étendue naturelle? Si j’avais été meilleur élève, je serais peut-être devenu architecte », conclut le maître des lieux, en souriant.

Au sol, un plancher-puzzle, composé de 2 000 pièces de bois aux formes aléatoires, fait le lien entre intérieur et extérieur.
Au sol, un plancher-puzzle, composé de 2 000 pièces de bois aux formes aléatoires, fait le lien entre intérieur et extérieur.© JAN VERLINDE

Jeu de puzzle

Patrick Van Heurck a la réputation d’apporter un soin minutieux à ses propres collections et au choix des autres marques proposées dans ses boutiques… et il applique exactement la même approche à son intérieur. L’idée du sol-puzzle en bois, par exemple, vient de la propriété forestière du sculpteur américain Wharton Esherick, décédé en 1970, qu’il a découverte au travers du livre Handcrafted Modern (éditions Rizzoli). Le plan des 210 m² du plancher a été découpé en quelque deux mille pièces aux formes irrégulières, reproduit en jatoba, un bois tropical, et reconstitué – un défi considérable.

Ce qui compte, pour ce passIonné de déco, c'est le mix d'objets, qu'ils proviennent de marques réputées et pointues ou grand public.
Ce qui compte, pour ce passIonné de déco, c’est le mix d’objets, qu’ils proviennent de marques réputées et pointues ou grand public.© JAN VERLINDE

Ce revêtement original n’est toutefois pas le seul point commun entre l’entrepreneur belge et l’artiste US, qui avait pour devise « si ce n’est pas amusant, ce n’est pas la peine ». Notre compatriote également se fie plutôt à ses yeux, à ce qui le séduit, qu’à ses oreilles et aux éventuelles spéculations pour juger l’art et le design: « Ce qu’un objet pourrait me rapporter plus tard ne m’intéresse pas, il doit simplement me plaire. Quand j’ai quelque chose de bien précis en tête, je contacte des amis actifs dans la vente de design comme Morentz (ex-Fabriek.nl) ou Polyèdre… Il ne faut pas forcément que ce soit des labels réputés. Ce qui compte, c’est le mix, et il peut parfaitement comporter des produits Ikea! Cela dit, lorsqu’on se laisse guider par l’esthétique ou l’émotion, on peut aussi faire des erreurs. Un éclairage d’ambiance, c’est bien sympa, mais je me suis rendu compte que je n’ai nulle part où lire un livre quand la lumière baisse… »

Pour Patrick Van Heurck, rien n'est plus important que la vue, c'est pourquoi il n'a pas clôturé son jardin ou placé de haies.
Pour Patrick Van Heurck, rien n’est plus important que la vue, c’est pourquoi il n’a pas clôturé son jardin ou placé de haies.© JAN VERLINDE

Esprit de compétition

Un peu plus loin sur son domaine, une vieille grange a été convertie en hangar pour accueillir quelques motos et une voiture de rallye. « A 18 ans, j’ai gagné un pass de saison pour le circuit d’Heusden-Zolder. J’y ai réalisé le chrono le plus rapide de tous les visiteurs… et c’est ainsi qu’est née ma passion de la course », justifie-t-il. Ses exploits lui ont valu des accords de sponsoring et une brève carrière de pilote, à laquelle plusieurs fractures ont mis fin abruptement. Il continue néanmoins à pratiquer la discipline en amateur et ne se considère pas comme un collectionneur de belles carlingues. « Ce que j’ai, je l’utilise… et pas que pour parader, mais pour des rallyes au Maroc, au Kenya ou en Sardaigne. J’ai toujours aimé la compétition et l’adrénaline, même pour tondre ma pelouse. Mon record est de 37 minutes! », ajoute-t-il en riant. Cet esprit conquérant l’anime-t-il dans sa vie professionnelle? « Je serais bien en peine de répondre. D’autres ont réussi à développer leurs activités bien plus que moi en l’espace de trente ans, mais mon travail est vraiment ma passion. Depuis que mon associé (NDLR: Frederic Vitre) est venu nous rejoindre, nous planchons beaucoup sur la stratégie, les prix, l’analyse de ce qui se vend le mieux et l’image de marque dans son ensemble… et en trois ans, le chiffre d’affaires de la boutique de Gand a doublé. » Un bel exploit, dans un contexte où le secteur est largement pris dans une spirale négative…

Grâce aux larges fenêtres, la lumière pénètre généreusement dans la villa. L'aménagement, lui, a été pensé avec la même minutie que celui des boutiques Bellerose.
Grâce aux larges fenêtres, la lumière pénètre généreusement dans la villa. L’aménagement, lui, a été pensé avec la même minutie que celui des boutiques Bellerose.© JAN VERLINDE

En le voyant enfourcher son bolide pour filer vers son prochain rendez-vous, on a peine à croire que Patrick Van Heurck a presque l’âge de la retraite. « Je ne me vois pas arrêter complètement, tout au plus lever le pied – j’ai déjà commencé, d’ailleurs, dit-il. Je ne passe pas plus de deux nuits par semaine à Bruxelles, dans l’appartement de ma compagne, et les réunions au siège sont limitées à ces jours-là. Je suis là quand ils ont besoin de moi, mais si ce n’est pas le cas, c’est le plaisir qui prime. Il y a tant d’autres choses dans la vie! »

Le mariage du bois et de la pierre, choisi par le propriétaire, donne au lieu un caractère naturel et intemporel, alors que l'habitation est plutôt récente.
Le mariage du bois et de la pierre, choisi par le propriétaire, donne au lieu un caractère naturel et intemporel, alors que l’habitation est plutôt récente.© JAN VERLINDE
En quelques mots

En images: visite du repaire bucolique du patron de Bellerose
© JAN VERLINDE

Né en 1955 d’un père anversois et d’une mère originaire de Verviers, Patrick Van Heurck n’entame pas d’études supérieures, mais s’envole pour les Etats-Unis à l’âge de 22 ans, à la demande de son paternel. Il y découvre la marque Ralph Lauren, à qui il propose de devenir le distributeur exclusif pour le Benelux. En 1989, il voit une opportunité sur le marché, entre les coûteux polos et les vêtements de marque de Ralph Lauren, et lance Bellerose, dont le nom renvoie à un petit village dans l’Etat de New York. Sa première collection se compose d’une unique chemise habillée pour hommes, déclinée en quinze couleurs différentes. En 1990, il ouvre sa première boutique à Knokke et en 1998, il développe une collection Femme dessinée par sa compagne Laetitia Van Gindertael. Une ligne pour les kids, dirigée par Stéphanie Ley, suivra en 2002.

Au milieu des années 2000, changement de style : l’Amérique rurale et sportive qui a inspiré la marque à ses débuts cède la place à un look urbain éclectique inspiré de Brooklyn, Tokyo ou Stockholm. Entre-temps, le label s’est fait connaître à l’échelon international et, à côté de ses propres boutiques aux Pays-Bas, en France et en Espagne, il est présent dans quelque 600 points de vente répartis dans 17 pays, dont les Etats-Unis, le Japon et la Corée.

Dans le courant de cette année, la boutique Bellerose de Gand se dotera d’un nouveau département baptisé Brol. Un nom typiquement belge derrière lequel se cache un assortiment de petits articles déco et de papeterie… Une subtile référence à une certaine fierté nationale chère à la marque.

www.bellerose.be

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