Les designers stars de demain

Ils sont les nouvelles coqueluches du secteur du design. Rencontre avec cinq talents plus que prometteurs.

Ils sont les nouvelles coqueluches du secteur du design. Rencontre avec cinq talents plus que prometteurs.

Moins préoccupés par leur notoriété que leurs aînés, plus tournés vers le développement durable et les savoir-faire locaux, ces designers tout juste sortis de l’oeuf (et, le plus souvent, de l’école parisienne Ensci-les Ateliers) ont vu leurs projets prendre corps grâce, notamment, au soutien de VIA (Valorisation de l’innovation dans l’ameublement), ainsi qu’à quelques galeries et entreprises prêtes à parier sur la jeunesse. Le mobilier, les accessoires pour la table et les objets, décoratifs ou expérimentaux, qu’ils fabriquent en ce moment façonnent les « paysages domestiques » de demain. Rencontre avec une génération qui a de l’esprit et du coeur.

Marie-Aurore Stiker-Métral, 28 ans

Remarquée par VIA en 2007, la plus jeune recrue du catalogue de Ligne Roset voit grand et rêve de commandes publiques.

Pourquoi avoir choisi le design?

Pendant quatre ans, j’ai étudié la philosophie, mais j’adorais la mécanique et le travail manuel. En 2002, j’ai visité l’Ensci et l’atmosphère m’a plu. C’est difficile à expliquer, mais de voir les ateliers, les machines… c’était ce dont j’avais envie.

Comment est née votre première création?

J’ai mis au point une chaise en acier plié en m’amusant avec une des machines de mon école de design. Celle-ci a été montrée en 2007, l’année de mon diplôme, à l’occasion d’un appel à projets organisé par VIA. Ligne Roset a voulu la produire. Elle a donné jour à une collection avec des tables, des tabourets et des consoles.

De quoi rêvez-vous pour l’avenir ?

Pouvoir dessiner des objets vraiment bon marché ou du mobilier urbain. Ce n’est pas une obligation, mais je préfère quand le design s’adresse au plus grand nombre.

Normal Studio, Jean-François Dingjian, 42 ans, et Eloi Chafaï, 29 ans

Ils se sont rencontrés en 2001 à l’Ensci, où Jean-François était professeur et Eloi, étudiant. Depuis, sous le label Normal Studio, ils enchaînent les projets à quatre mains et conçoivent aussi bien des miroirs pour Eno que des bureaux pour Tolix et des produits pour Tefal.

Qu’est-ce qui guide votre création?

Nous essayons de trouver une relation précise entre la forme et la mise en oeuvre. Quand nous réfléchissons à un objet, nous cherchons à résoudre tous les problèmes à partir du dessin. Quand celui-ci est terminé, le produit est théoriquement prêt pour la fabrication.

Comment votre première création commune a-t-elle vu le jour?

Ce fut notre table Bloc, produite en édition limitée grâce à la galerie Tools, en 2007. Elle ne nécessite que trois feuilles de tôle perforées, pliées puis collées dans un bain de plastique. Pour ce qui est de la grande série, notre collection Surfaces (des tables, des commodes, des étagères, des lampes…) vient d’être présentée par Tolix au Salon Maison & Objet. Ce fabricant n’a pas modifié ses procédés techniques depuis la chaise A, sa création phare dans les années 1930. Elle est produite à partir d’une simple feuille de tôle découpée dans un patron, comme du tissu. Notre travail s’inscrit dans cette lignée.

Quels sont les défis de votre génération?

Réussir à créer des produits comme ceux que nous avons faits pour Tolix, qui ont toutes les qualités: ils sont légers, solides, empilables et pas chers. Ce n’est pas grave si notre signature n’est pas en bas de la page. L’important, en revanche, est que nos objets, eux, améliorent la vie. C’est pour cela que nous avons choisi ce nom, Normal Studio, derrière lequel nous nous cachons tous les deux.

Kossi Aguessy, 32 ans

Né de père togolais et de mère brésilienne, formé à Londres, il est installé à Paris depuis dix ans. Après avoir réalisé un flacon de parfum, quelques meubles et des clips, il explore l’architecture d’intérieur.

Comment êtes-vous devenu designer?

Avant même de connaître l’existence de ce métier, je savais que c’était ce que je voulais faire. Mes parents m’imaginaient géophysicien, mais, moi,je n’ai toujours pensé qu’à dessiner.

Comment votre première création a-t-elle vu le jour?

J’ai dessiné le flacon du parfum Stella, de la styliste Stella McCartney, en 2004, grâce à un concours organisé à la Central Saint Martins School, à Londres, lorsque j’étais étudiant. Mon premier meuble, lui, est un fauteuil en forme de gratte-ciel, en aluminium et fibre de carbone recouverts de Nextel, un matériau antiradar utilisé dans l’aéronautique. Baptisé Useless Tool, il a été présenté l’été dernier à la galerie Tools, à Paris, lors de l’exposition Please Do Not Sit. Tous les autres participants étaient des stars, comme Marcel Wanders. C’était l’occasion de me faire remarquer!

Qu’est-ce qui guide votre design?

Un mélange d’intuition et de technique. J’aime les formes sculpturales. J’accorde beaucoup d’importance à l’aspect affectif de mes créations. Aujourd’hui, nous n’inventons plus de nouveaux objets par besoin. L’ère industrielle est terminée depuis longtemps. J’essaie donc plutôt de créer des objets de désir.

Infos: www.aguessy.com

Constance Guisset, 32 ans

Bardée de diplômes, cette jeune maman passée du côté de la pratique vient de décrocher de nombreuses dictinctions, dont le grand prix de la création de la ville de Paris, en 2007. Son mobilier ludique voyage, cette année, avec VIA, direction Milan pour le Salon du meuble.

Comment êtes-vous devenue designer?

J’ai toujours aimé le bricolage. A 10 ans, j’avais demandé à mes parents qu’ils m’offrent une scie ! Pourtant, allez savoir pourquoi, j’ai voulu faire une école de commerce après le bac… Mais le design m’a rattrapée. Je suis partie au Japon, puis je suis rentrée à Paris pour faire Sciences po. J’ai ensuite travaillé comme administratrice dans une galerie d’art. C’est là que je me suis rendu compte que la création manquait à ma vie.

Quels sont les défis de votre génération?

De nos jours, les designers doivent à la fois manier la forme, la fonction et se montrer scrupuleux à l’égard de la surproduction. Quand je réfléchis à un objet, je me dis qu’il doit remplir un ensemble de conditions pour mériter d’être réalisé. Mon projet Duplex est inédit, il crée une surprise: mi-cage, mi-aquarium, il permet la rencontre inopinée d’un oiseau et d’un poisson. Idem pour Dancing Chair, c’est un rocking-chair ressemblant à une robe qui danse toute seule.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans cette profession?

Regarder, c’est un métier. Travailler son regard, c’est la chose la plus agréable que l’on puisse faire. Au bout d’un certain temps, on commence à remettre en question tous les objets qui nous entourent: comment c’est fait? Est-ce que c’est beau? Est-ce qu’on peut faire mieux? Je viens juste de devenir maman et je trouve qu’un bébé remet tous vos compteurs à zéro. On se force à voir avec ses yeux, à entendre avec ses oreilles, et c’est comme si on redécouvrait le monde.

Infos: www.constanceguisset.com

Benjamin Graindorge, 28 ans

Lauréat des Audi Talents Awards en 2008, il travaille comme assistant d’Eric Jourdan et sera résident, dès juillet prochain, à la villa Kujoyama, au Japon.

Comment êtes-vous devenu designer?

La forme et la beauté des objets qui nous entourent m’intéressaient, mais je ne connaissais rien au design avant de rentrer à l’Ensci, à peine le nom de Philippe Starck… J’ai eu une révélation en vacances au Chili. Les paysages m’ont marqué. Je les ai dessinés. En rentrant, tout était plus facile. J’ai pu ensuite faire un stage chez deux autres férus de dessin, Ronan et Erwan Bouroullec, et ce dernier a été mon directeur de diplôme. Mes croquis d’Amérique du Sud continuent de nourrir mes recherches.

Comment votre première création a-t-elle vu le jour?

Les éditeurs Bruno Domeau et Philippe Pérès ont aimé un centre de table que j’avais imaginé sur le principe d’un cadre à broder. En janvier, ils ont décidé de le fabriquer sur commande. Pour ce projet baptisé Dress, je ne me suis servi que d’un cerceau de bois et d’un simple morceau de tissu, point. C’est une création interactive que l’on peut monter soi-même.

Quelle est la philosophie de votre design?

J’essaie de dévoiler le squelette des objets. Un peu à la manière de Dress, mon projet de meuble de jardin Skeleton se présente sous la forme d’un kit de lattes de bois à monter soi-même, sans artifice supplémentaire. J’attache aussi de l’importance à ce que mes objets soient beaux. Cela peut sembler une évidence, mais, aujourd’hui, cela relève du parti pris, car la beauté est taboue quand on l’apprécie juste pour elle-même.


Alfred Escot – L’Express Styles.fr

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