20 ans après

Dans les années 1990, j’avais les cheveux qui frisaient, des concours à passer, pas de copain et personne qui me comprenait. Heureusement, j’avais 20 ans. Le magazine.

Chaque mois, je courais chez le marchand de journaux acheter ma dose d’humour noir, de loufoquerie et de conseils bien sentis. Pour donner une idée du ton du magazine aux moins de 30 ans qui ne voient sûrement pas de quoi je parle, l’un des articles qui m’a le plus marquée était sur les différentes méthodes de suicide. Ca passait en revue les avantages et les inconvénients de la balle dans la tête, de la pendaison, des médocs, du métro… Au premier abord, ça avait un côté provoc, mais c’était en fait extrêmement réfléchi. D’abord parce qu’à 20 ans, le suicide est effectivement un sujet qui peut vous effleurer l’esprit, ensuite parce que c’était traité d’une manière si crue (avec force détails sur ce qui vous attendait si vous vous loupiez) que l’effet était bien plus dissuasif qu’un article lénifiant sur la « prévention du suicide chez les jeunes ».

Aujourd’hui, ce magazine n’existe plus (on oublie le lamentable ersatz apparu puis disparu il y a quelques mois), mais son mythe demeure si puissant pour toute une génération que Marie Barbier, à la tête d’une jeune maison d’édition, a eu la riche idée de lui consacrer un livre, qui sort aujourd’hui. Elle y mêle adroitement anciens articles, témoignages des membres de la rédaction de l’époque et souvenirs de lectrices (et lecteurs!).

Le livre a eu plusieurs effets sur moi. J’ai commencé par m’étrangler de rire face à certains papiers d’Eugène Mansfield (les pseudos géniaux étaient légion à 20 ans), puis je suis allée de découverte en découverte, apprenant par exemple l’origine des hallucinantes photos en noir & blanc qui donnaient un style si atypique au magazine. Selon Simon Liberati, elles étaient tirées de « Death Row, le journal des condamnés à mort aux Etats-Unis. On prenait une photo, on sous-titrait « Paul, 18 ans, musicien », alors que c’était un tueur en série. En tout cas, quelqu’un qui ne viendrait pas réclamer les droits de la photo. »

Après ça, j’ai un peu moins ri, parce que les témoignages d’Isabelle Chazot, la brillante rédac’chef du titre de 1992 à 2003, et de son équipe (Diastèèèème! Le docteur Perlmutter!) m’ont rappelé qu’un tel magazine serait impensable aujourd’hui. Comme le dit Florence Trédez, ancienne chef de rubrique, aujourd’hui journaliste à Elle, « 20 ans était un accident, les journaux ont changé, maintenant c’est beaucoup plus formaté. Le politiquement correct est passé par là, il y a les annonceurs; nous on ne faisait pas attention à eux à l’époque. »

Je pourrais continuer des heures à vous parler de 20 ans, mais j’ai déjà été beaucoup trop longue. Je préfère donc terminer ce post sur un concours. Les éditions rue Fromentin ont en effet accepté d’offrir cinq exemplaires du livre aux lectrices/lecteurs de Café Mode. Pour avoir une chance de gagner, livrez-moi en commentaire votre souvenir le plus drôle lié au magazine avant lundi 18 avril minuit. Je communiquerai le nom des cinq gagnants (tirés au sort) en bas de cette note dans le courant de la semaine.

20 ans – Je hais les jeunes filles – Magazine, anthologie Ouvrage collectif coordonné par Marie Barbier Editions rue Fromentin, 241 pages, 20 euros. PS: Emmanuelle Alt ayant fait ses classes à 20 ans à la même période, les anciens numéros s’arrachent sur le Web. Pour celles que ça intéresse, j’ai tout de même repéré une offre correcte ici.

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