7 duos de mode belges

A deux, c’est mieux. Surtout en mode. Travailler en binôme, c’est jouer une partie de Scrabble avec mot compte triple assuré. Car la somme des avantages est toujours inversement proportionnelle à celle des désavantages. Et si l’on est un couple à la ville ou pas ne change rien à la donne. Etre complémentaires n’est pas une utopie. La preuve par sept parcours (presque) tous belgo-belges. Ces jeunes créateurs ne se seraient jamais lancés seuls, ils le confessent.

7 duos de mode belges
© Renaud Callebaut

Caroline Hiernaux et Margaux Bolle pour AKIN TO

Elles ne savent plus comment c’est venu, mais elles s’épaulent depuis le début de leurs études à La Cambre mode(s), aux alentours de 2004. Leur duo n’est donc pas une nouveauté. Mais leur première vraie collection si, puisque celle-ci est la deuxième du nom, un printemps-été inspiré du vanadium, un métal très facetté, qui existe aussi à l’état liquide et s’oxyde de très jolie manière, elles ont un faible pour le tableau de Mendeleïev et ses éléments chimiques, l’hiver précédent, il était question de cuivre, le prochain, de plomb. Dans l’atelier du grand-père architecte de Caroline, avec tables à dessin, lumière naturelle et courant créateur, elles se sentent « comme dans une bulle » et s’y retrouvent au moins trois fois par semaine, quand leurs consultances respectives leur laissent le temps de se pencher sur leur projet si personnel, en une partie de ping-pong où finalement « tout s’emmêle », « de façon fluide », pas moyen de dire qui de Caroline Hiernaux ou de Margaux Bolle a pensé tel ou tel détail. Elles ont une préférence pour les formes géométriques, une même vision du vêtement, une réflexion commune autour du corps de la femme, un désir partagé de complémentarité. Voilà pourquoi AKIN TO colle parfaitement à sa traduction en français : « semblable à. » Ensemble, elles ont connu les « embûches du début », appris à « ne plus trébucher à la première mauvaise nouvelle » et bâti une histoire qui tient la route, fabriquée en Europe, dans un esprit couture qu’elles portent avec grâce et conviction.

www.akinto.be

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© Renaud Callebaut

Erika Schillebeeckx et Justine de Moriamé pour Krjst

En guise de curriculum vitae une première collection en binôme, « libre », post-La Cambre mode(s), quelle belle idée. Erika Schillebeeckx et Justine de Moriamé signent aujourd’hui leur quatrième, sous l’appellation Krjst, prononcez comme cela s’écrit. Elles confessent qu’elles se sont tellement « plu à travailler ensemble » qu’elles ont poursuivi leur route en duo, épaulées par Sébastien Delahaye, photographe, et Monsieur Pimpant, dessinateur, « cela nourrit le projet ». Les forces de l’une et les faiblesses de l’autre en un joli équilibre, et « très naturellement, les choses se répartissent ». Si elles dessinent peu, elles s’abreuvent plutôt d’images, de musiques, de films, de tout. C’est pour cette raison qu’elles ne s’interdisent rien – mettre en scène puis tourner un clip pour le groupe belge Vuurwerk, collaborer avec Eastpak, Huawei ou Mc Alson, créer des prints via leur tout nouveau Studio Krjst, se lancer dans la maille jacquard made in Belgium, jouer de plus belle avec les imprimés qui tapent dans l’oeil, architecturer leur garde-robe « swag », mélanger l’artisanal et le technologique, travailler tous les prototypes avec l’atelier de réinsertion sociale Mulieris et présenter leur automne-hiver 15-16 à Paris, durant la Fashion Week, au Silencio, la boîte de nuit de David Lynch. Habillées pareilles, elles sont la preuve gémellaire que mode et projet de vie peuvent faire bon ménage.

www.krjst.com

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© Renaud Callebaut

Maud Vanden Beussche et Paul Conradi pour Can Pep Rey

A quoi tient le destin ? Une rencontre sur une plage d’Ibiza en mode « relax-saucisson-apéro » et vous voilà trois ans plus tard avec une griffe pensée en couple et appelée Can Pep Rey, la simple évidence qu’il fallait que vos collections portent le nom hispano-ibizien de la casa familiale et insulaire. Pour le meilleur, Maud Vanden Beussche et Paul Conradi ont mêlé leur désir d’un vestiaire « spontané et élégant » qui résumerait « la valise idéale ». Elle sait ce qu’elle veut, a passé deux ans sur les bancs de La Cambre mode(s), travaillé « des cols et des cols » durant une saison chez Alexander McQueen et avoue : « Sans Paul, je ne pourrais pas créer. » Lui a la bougeotte, fui Wiesbaden, étudié à Londres, « international business », mais le banking, ce n’était pas son « truc », aime le skateboarding et le streetwear, les vêtements de travail et connaît sa chance d’être soutenu par son père, ce n’est pas rien. Les deux mains dessinées en miroir qui forment leur logo disent l’inextricable, comme le regard de l’autre compte. Même quand il s’agit d’un Zip doré commandé, déballé et rejeté illico par elle qui soudain change d’avis et décrète qu’il doit être noir, à lui d’assurer les arrières. Elle porte le printemps-été de Can Pep Rey, lui pas, forcément, mais son style « brut » qui lui plaît tant a beaucoup à voir avec l’inspiration maison, CQFD.

www.canpeprey.com

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© Renaud Callebaut

Barbara Repole et Sébastien Pescarollo pour Superpieceofchic

Sur leur C.V., outre « parents d’une petite Joy, 4 mois » (commentaire : « on est pressés qu’elle dessine pour faire des imprimés avec nous »), on trouvera aussi « print makers » et « colors hunters ». En remontant dans le temps, on tombera sur « ensemble depuis les humanités, quelque part entre Namur et Charleroi », puis stylisme à Francisco Ferrer, pour elle, graphisme à Saint-Luc, Liège, pour lui, parcours pro séparé dans un premier temps qui finit par se rejoindre en 2010, dans un Pieceofchic, studio de création de motifs qui cartonne depuis à l’international, pour Nike, Hugo Boss, Cos et Marc Jacobs, entre autres. Barbara Repole et Sébastien Pescarollo parlent une même langue où la passion de la création se joue à fleur de peau, il faut croire à la vertu des tatouages. Leur monde à est fait de prints (digital dès le début), d’urbain, de streetwear, de vues de New York. Un jour, comme ça, pour le plaisir de mettre leurs images en valeur, ils décidèrent de les valoriser sur des robes rectangles, trois trous et 100 % soie, Superpieceofchic était née. Depuis, leur collection est toujours édition limitée, dans cette matière qui ennoblit, et accessoirisée de sacs qui pratiquent le détournement avec un talent ravageur – paquet de frites, hot dog, sac-poubelle ou glaçon « Rocket » soigneusement confectionné par Niyona, label belge qui enchante la maroquinerie. Leur printemps-été s’appelle « Suck my cream », s’ils y vont un peu fort, c’est pour mieux faire sourire, ne se sous-titrent-ils pas « luxury for fun » ? Le plaisir comme moteur et le reste, c’est cadeau.

www.superpieceofchic.com

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© Renaud Callebaut

Leonneke Derksen et Matthias Medaer pour Léo

Elle porte une robe en gazar de soie avec imprimé floqué qui lui fait penser à Keith Haring et dire assez comiquement que « c’est le genre de tissu qui ne veut pas devenir un vêtement, mais juste rester sur le rouleau ». Imaginez donc la tête des couturières quand elle débarque à Deurne, avec cette matière-là dans l’atelier qui produit leur collection titrée de son prénom mais raboté – Léo, comme Leonneke Derksen, Néerlandaise, cosmopolite, instruite à l’Académie royale des beaux-arts en section mode, à Anvers, ville où elle a rencontré Matthias Medaer, formé à la psychologie et au management. A deux, ils s’installent à Paris, dans un 60 m2 avec vue sur le ciel et les toits en zinc, parce que c’est là que cela se passe, si l’on veut travailler dans la mode, ce qu’elle fit puisqu’elle fréquenta assidûment les studios de Balenciaga, Cacharel et Carven. S’ils se sont lancés, c’est presque malgré eux, la demande est venue d’une boutique anversoise, Step by Step, qui désirait une collection « jeune fille » pour l’été 2012. L’expérience fut si convaincante qu’ils ont osé leur griffe à eux, d’autant que Leonneke rêvait d’autre chose, un vrai récit avec étoffe. En matière de tissus, elle a ses préférences, que Matthias contrebalance parfois. S’il ne lui parle jamais d’argent, c’est pour la laisser « libre de créer », et s’il met son veto, c’est pour qu’elle cesse de douter. Sur le cou de Leonneke, à la naissance des cheveux, une ribambelle d’animaux, un chat, un oiseau, une souris tatouent sa peau, le souvenir d’une berceuse qui l’endormait enfant, un symbole qui leur sert désormais de logo, une intimité partagée.

www.leo-paris.com

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© Renaud Callebaut

Jan et Patrick Olyslager pour Howlin’

Devinez qui, de Jan ou Patrick, est l’aîné ? S’ils se disputent souvent et depuis toujours, s’ils se comprennent comme des siamois ? Et pourquoi ces deux frères ont-ils baptisé leur label Howlin’, ce qui en argot écossais signifie tout de même « malodorant » ? On ne dévoilera pas tous les secrets de famille, à part peut-être qu’ils ont de l’humour à revendre et que l’influence british n’est guère loin, même si c’est en Ecosse et en Irlande que leurs pulls désirables sont tricotés avec savoir-faire. Chez eux, la maille, c’est génétique, leurs parents sont les fondateurs de la marque anversoise Morrison, spécialisée en la matière depuis 1981. Comme vous les voyez-là, ils sont en jetlag, ils reviennent du Japon, où ils sont allés présenter leur griffe « niche » dans un salon, c’est la deuxième fois, ils ont du succès en Asie, mais pas seulement là-bas. Depuis 2009, Jan et Patrick s’évertuent à surtout ne pas être classiques, avoir leur « touche » propre, se démarquer, partager leurs envies et toujours préférer la qualité. Si c’est plus facile parce qu’ils ont le même sang ? Pas sûr. Par contre, qu’ils aient des centres d’intérêt identiques, ça oui, cela compte. Dans leur boutique de la Nationalestraat, à Anvers, avec bureau et studio à l’étage, ils présenter leur travail et tout le reste, qui leur plaît, de la céramique, des magazines, des parkas, des shoes et même les disques d’Allah-Las, surfeurs pop californiens ou du DJ Martin Solveig, qu’ils rhabillent par ailleurs, juste parce qu’ils sont « fans », une même fraternité.

www.howlin.eu

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© Renaud Callebaut

Michael Wauman et Nathan Murillo pour O’Rèn

Il est logique, quand on aime le Japon, de porter une geisha tatouée sur le bras et de baptiser son label O’Rèn, à traduire par « pure », sachant que Ren signifie « lotus ». De même, il est logique de penser mode comme on respire quand on l’a étudiée à l’Académie de Saint-Nicolas, Flandre-Orientale, et travaillé ensuite l’un et l’autre comme assistants de stylistes télé, Lien Degol et Jani Kazaltzis, qu’au nord du pays on appelle des Bekende Vlamingen pour « Flamands connus ». Il y a un an, Michael Wauman et Nathan Murillo décidaient de coller leur esthétique commune à des silhouettes « rock’n’roll » made in Belgium. Leurs mantras appliqués sur sweat-shirt font un tabac, de « Basse classe », à « Belgique Belchique » en passant par « Sois belge et tais-toi », sans savoir que, de l’autre côté de la frontière linguistique, ce titre fait plutôt référence à une revue politico-satyrique. Sur leur casquette, ils clament « Merde » ou « Bloody » et déchirent savamment leur jeans parce que c’est plus cool. Tout les inspire : cette jeune femme assise dans le tram, cette atmosphère de café, ce maelström d’attitudes qu’offre la rue contemporaine. Bien sûr qu’ils portent ce qu’ils créent, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Sur leur collection pour fille et garçon, leurs devises s’inscrivent en noir ou blanc, de préférence en français, parce que « c’est chouette ». Leurs 4 000 followers de leur Instagram ne disent pas le contraire, like.

www.o-ren.be

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