Cuir à croquer: des sacs et des shoes… à base de pommes!

Sac en cuir de pomme Audrey, O My Bag, 239 euros. © MARK MANZI
Katrien Huysentruyt Journaliste

Dans leur quête d’une mode durable, de plus en plus de marques cherchent une alternative végétale au cuir animal, toujours très polluant. Que diriez-vous d’un sac à main ou de sneakers en cuir véritable… à base de pommes?

A la fin de l’année dernière, la marque néerlandaise de sacs à main durables O My Bag a lancé une collection en AppleSkin. Celle-ci s’ajoute à sa gamme en cuir traité écologiquement. Ce matériau relativement nouveau est fabriqué à partir de trognons et de pelures de pommes provenant de l’industrie pomicole du Tyrol du Sud. Paulien Wesselink, CEO du label, explique: « Nous voulions satisfaire nos fans végans, mais aussi des clients fidèles qui demandaient une alternative végétalienne. Nous cherchons également constamment à innover en proposant des matériaux durables et à améliorer notre production. » Pour la dirigeante, il était particulièrement important que le cuir végétal soit suffisamment robuste et stable, un défi que celui-ci peine parfois à relever: « Nous avons testé de très nombreuses options avant de trouver AppleSkin. Ce matériau répond à nos normes de qualité. De plus, les produits de cette entreprise ressemblent visuellement à notre cuir écologique naturel. Le fournisseur est très transparent quant à sa production, et il se fixe des normes strictes, ce qui correspond à nos ambitions en matière de durabilité. » Ces sacs ont d’ailleurs reçu un accueil positif, au point que la griffe réfléchit à d’autres modèles. Et de rêver à une collection entièrement végane.

Sneaker APLS Iron black, Komrads, 154 euros.
Sneaker APLS Iron black, Komrads, 154 euros.© SDP

Sneakers fruités

Le label belge Komrads, propriété du couple d’entrepreneurs Vandevelde-Goegebuer, a également opté pour le cuir de pommes pour sa collection APLS. Non seulement, celui-ci se rapproche de l’aspect et de la solidité du cuir original, mais il permet également le recyclage des déchets de l’industrie alimentaire. La fruiticulture est en tous points moins nocive que l’élevage de bétail. Même si le cuir animal est un sous-produit de l’industrie de la viande, sa production ne réduit pas les gaz à effet de serre et les émissions de méthane. Le tannage est souvent effectué chimiquement et 300 litres d’eau sont consommés par kilo de cuir. « Nous avons constaté que le marché des sneakers est très polluant et nous avons voulu offrir une alternative durable, justifie Mark Vandevelde. Nous avons travaillé sur le développement de notre gamme pendant quatre ans, avant même que le premier modèle ne soit commercialisé. Nous avons durabilisé notre classique, l’ICNS, en utilisant du coton, du caoutchouc et du PET 100% recyclés, et nous avons transféré notre production au Portugal. Nous avons également commencé à chercher une bonne alternative au cuir pour une nouvelle collection. A cette époque, le cuir de pommes n’était pas encore utilisé pour les chaussures, c’était donc quelque chose d’unique, et nous avons réduit notre production de déchets. Ce cuir est également produit localement, ce qui permet d’économiser encore plus de CO2. Nous restons en Europe: le caoutchouc vient du Portugal, et pour notre nouvelle ligne Ocean waste, nous travaillons avec des pêcheurs du sud de l’Espagne. Nos sneakers ont du succès: les clients apprécient leur dimension recyclage. La crise sanitaire nous a durement touchés, mais elle a également réveillé les consommateurs. La problématique du climat gagne en visibilité, l’humanité s’est découvert des failles. »

Matière à perfectionner

Petite critique, à raison: comme la plupart des cuirs végétaliens, le cuir de pommes n’est pas 100% naturel. En effet, les composants végétaux sont souvent mélangés à du polyuréthane ou recouverts de résine pour garantir leur solidité. Mais le cuir animal n’est pas non plus biodégradable. Par ailleurs, le cuir végétal est encore une industrie jeune, en pleine croissance. La demande augmente et des marques comme AppleSkin continuent de perfectionner leur produit pour le rendre biodégradable et en minimiser l’empreinte carbone.

Et aussi…

De nombreux labels testent différentes options pour produire du faux cuir. Marc de café, noix de coco, soja, fleurs et kombucha… Tout y passe!

  • Cactus

Le producteur mexicain Desserto utilise uniquement les pousses matures du cactus Nopal afin de n’abattre aucun arbre. La plante n’est pas exigeante et ne nécessite ni pesticides ni irrigation. L’hiver dernier, Natan proposait déjà une collection Desserto, et la marque de chaussures durables Saye mise également sur cette matière.

  • Champignons

Le groupe de luxe Kering s’associe à Bolt Threads pour proposer des produits à base de cuir de champignons. L’entreprise textile californienne fabrique le Mylo, à partir de mycélium. Les flocons de champignons poussent rapidement et dans n’importe quelle forme ou taille, il n’y a donc pas de déchets résiduels. De plus, ce cuir est 100% biodégradable.

  • Raisins

Le fabricant italien de textiles durables Vegea collecte les déchets de raisin des producteurs de vin italiens et les transforme en faux cuir haut de gamme. Il existe même une édition spéciale de Bentley avec un intérieur qui en est recouvert.

  • Maïs

Pour le modèle CWL, Veja, pionnier de la chaussure végétalienne, a développé sa propre matière organique à 63%. Le coton biologique est ainsi enduit de PU, d’amidon de maïs et d’huile de ricin. D’autres marques se lancent également dans l’aventure. Louis Vuitton, par exemple, a créé la sneaker Charlie en novembre, à base de maïs.

  • Mangues

Fruitleather Rotterdam lutte contre le gaspillage alimentaire et a développé un procédé écologique pour transformer la pulpe des fruits invendus – comme les mangues – en un matériau durable ressemblant à du cuir.

  • Ananas

Ce n’est pas l’ananas lui-même mais les fibres des feuilles – les déchets de récolte – qui sont transformées en Pinatex. Une technique qui engendre un revenu supplémentaire pour les producteurs d’ananas. La matière première est fabriquée aux Philippines, et la finition a lieu à Barcelone. Chanel et Hugo Boss y ont déjà eu recours pour des accessoires.

  • Bananes

Le Bananatex n’est pas non plus très riche en fruits. Ce matériau est fabriqué à partir des fibres de la tige de la plante, qui seraient autrement jetées après la récolte. Le tissu est imperméabilisé avec de la cire d’abeille.

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