Alessandro Michele dévoile sa première collection pour Valentino et la mode s’enflamme
Cheveux longs, silhouette fluide, amis célèbres et esthétique reconnaissable entre mille: en près de 10 ans à la direction créative de Gucci, Alessando Michele était devenu un des grands noms d’une mode qui fonctionne plus que jamais au buzz et bruissait d’excitation à chacune de ses nouvelles collections. Désormais chez Valentino, il a pris les fashionistas par surprise en dévoilant un premier lookbook un peu plus de deux mois seulement après sa nomination.
Nul besoin d’être particulièrement mordu de mode pour connaître Alessandro Michele, ou du moins, avoir déjà entendu son nom, aperçu son visage ou admiré sans le savoir l’une ou l’autre pièce signée (ou inspirée) de lui. C’est qu’à l’image d’un Karl Lagerfeld ou d’une Phoebe Philo avant lui, le Romain de 51 ans a réussi à force de travail, d’ambition et surtout, d’une créativité mise au service d’une esthétique unique, à se forger un nom au moins aussi connu que celui des maisons auxquelles il prête ses talents.
Diplômé de l’Accademia di Costume e di Moda de Rome, il n’a que 30 ans quand il quitte sa città eterna natale pour Londres, où Tom Ford, alors directeur artistique de Gucci, l’a mis en charge du design des sacs à main de la maison transalpine. Des accessoires, il gravit les échelons jusqu’au poste de second de Frida Giannini, qui a succédé au Texan Tom Ford à la création de Gucci, avant de se voir proposer un sacré défi lors du départ de cette dernière en janvier 2015: repenser ses créations pour la Fashion Week Homme en une semaine seulement.
Défi relevé haut la main par le Romain, qui en profite pour imposer sa patte sur une maison connue pour sa sensualité assumée et presque provocante depuis que Tom Ford, épaulé de Carine Roitfeld, a signé son tournant très « sex sells » à l’aube des années 2000.
L’allure Gucci 2.0 selon Alessandro Michele? Romantique, intello, anti-conformiste, et surtout, ultra fluide.
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Pari payant
Très vite, ses créations (et leur créateur, d’ailleurs) deviennent indissociables d’une cohorte de cool kids, qu’ils soient jeunes en âge ou bien dans l’âme, et tant Harry Styles que Jared Leto foulent une foule de tapis rouges vêtus de Gucci, l’acteur de Requiem for a dream allant jusqu’à se déguiser en double du styliste pour l’édition 2022 du Met Gala.
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Et il n’est pas le seul à manier la copie comme un hommage: emblématiques d’une époque qui redéfinit les codes du genre et de la séduction, les créations d’Alessandro Michele sont ultra désirables. Chacune de ses collaborations remarquées avec le géant Adidas s’arrache en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « exclusif », et la fast fashion s’empresse de proposer son interprétation accessible de l’esthétique joliment surrannée désormais associée à Gucci et à son directeur de la création.
Qu’il semble loin, le temps où Tom et Carine faisaient épiler un double « G » dans la toison pubienne d’une modèle! La mode applaudit, les fashionistas achètent à tout va, et en 8 ans seulement, l’investissement s’avère plus que payant pour le groupe Kering, à qui appartient Gucci, puisque la maison de couture voit ses revenus presque tripler, passant de 3,5 milliards d’euros en 2014 à 9,73 milliards d’euros en 2022. De quoi assurer à son styliste star un parcours à la Karl Lagerfeld chez Chanel et une carrière, une vie même, entièrement dédiée à une seule marque?
« Un voyage extraordinaire »
Pas si vite. C’est que les temps ont changé depuis le règne du Kaiser de la mode, mais le problème, c’est qu’Alessandro Michele, lui, semble refuser de se renouveler. Immédiatement reconnaissable, établie, son esthétique se déploie de manière virtuellement inchangée à chaque nouvelle présentation, et ce qui enchantait hier finit par lasser.
Après une croissance formidable, le chiffre de Gucci finit, lui aussi, par stagner, et parce que la meilleure manière de mettre fin à une belle histoire est de faire ses adieux avant (se) décevoir, à l’automne 2022, Kering met fin à 20 ans d’amour entre le Romain et la maison florentine.
« Le chemin parcouru ensemble par Gucci et Alessandro ces dernières années est unique, et restera comme un moment extraordinaire dans l’histoire de la maison. Je suis reconnaissant à Alessandro de s’être investi de manière aussi personnelle dans cette aventure. Sa passion, son imagination, sa fantaisie et sa culture ont contribué à remettre Gucci sur le devant de la scène, où se trouve sa place. Je lui souhaite le meilleur pour la suite de son parcours créatif » déclare alors François-Henri Pinault, PDG de ce conglomérat de luxe qui possède Gucci, donc, mais aussi Yves Saint Laurent, Bottega Veneta et Alexander McQueen, entre autres.
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Quant à Alessandro Michele, il souligne pour sa part dans un communiqué qu’il y a « des moments où les chemins se séparent en raison des perspectives différentes que chacun de nous peut avoir. Aujourd’hui se termine pour moi un voyage extraordinaire qui a duré plus de vingt ans, dans une entreprise à laquelle j’ai infatigablement consacré mon amour et ma passion créative. Durant cette longue période, Gucci a été ma maison, ma famille d’adoption. A cette famille élargie, à toutes les personnes qui en ont pris soin et l’ont soutenue, j’adresse mes remerciements les plus sincères, et je les embrasse du plus profond de mon cœur ».
Lequel n’en avait pas fini de battre pour le monde de la mode.
Alessandro Michele, fidèle à lui-même chez Valentino
Après 14 mois de spéculation et des rumeurs les plus folles, Alessandro Michele a ainsi été annoncé ce 28 mars dernier comme nouveau directeur artistique de Valentino. Une jolie continuité pour le créateur, qui y retrouve Jacopo Venturini, vice-président du merchandising et des marchés mondiaux chez Gucci à l’époque où le styliste à la longue crinière d’ébène dirigeait la création.
Aujourd’hui PDG de Valentino, Jacopo Venturini avait profité de la nomination de son ancien collègue pour saluer sa « profonde intelligence » mâtinée d’une « merveilleuse légèreté » et s’était dit « très heureux et enthousiaste de travailler à nouveau » avec celui dont il était déjà certain que « la vision extraordinaire, combinée à la réinterprétation des codes de couture de la Maison », allait apporter aussi bien des « moments de grande émotion » que des « objets irrésistiblement désirables ».
Timing annoncé alors pour les découvrir: l’automne 2024 et la Fashion Week de Paris, théâtre de la première collection d’Alessandro Michele pour la maison Valentino.
Sauf que celui qui n’hésite pas à doublonner avec l’une ou l’autre célébrité sur le tapis rouge ou à monogrammer une paire de cuissardes pour Adidas n’est rien si pas espiègle et friand de coups d’éclat, dont le dernier en date, ce lundi 17 juin, l’a vu mettre à profit le dernier jour de la semaine de la mode Homme milanaise pour dévoiler en exclusivité un lookbook de cette collection qu’on n’attendait pas avant septembre.
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Tons délicats, allure rétro, imprimés vintage, perles, fluidité, accessoires qu’on rêve d’arborer et clins d’oeil aux divas d’antan tout comme à l’esthétique pastel d’un Wes Anderson: cette première proposition (exhaustive, avec plus de 260 pièces) pour Valentino est du pur Alessandro Michele.
Et si les rageux ne manqueront pas de railler ce qu’ils verront définitivement comme une incapacité totale à se réinventer, les adeptes de son allure qui se joue du genre et des époques salueront la fidélité du Romain à une vision qu’il refuse de compromettre. Après tout, n’est-ce pas précisément pour ce même parti pris intransigeant que Phoebe Philo, Sarah Burton ou même les soeurs Olsen avec leur label de niche ultra luxe The Row sont saluées et suivies par une clientèle qui tient plus des fans fidèles?
À l’ère de l’impermanence et du tourbillon toujours plus étourdissant de micro-tendances qu’on n’appelle d’ailleurs plus des modes mais bien des « -cores » (balletcore, tenniscore…) il y a une formidable audace à refuser de jouer les girouettes et à opter plutôt pour une posture prescriptive semblable à celle qui a fait la renommée des couturiers d’antan.
Alessandro Michele ne se plie pas plus aux tendances qu’il ne semble vouloir vraiment les influencer, malgré l’impact de ses créations sur le zeitgeist. À l’image d’une Coco Chanel et de sa vision arrêtée de l’allure de la femme moderne, ou d’un Christian Dior et de son New Look, il imprime à chaque pièce sa vision du beau, affranchie de « ce qui se fait », et c’est justement ça qui séduit celles et ceux qui attendaient de pied ferme le retour de son allure poétique à la Couture. Quant à savoir si cela promet à Valentino une croissance économique aussi fulgurante que celle connue par Gucci, il faudra faire preuve d’encore un peu de patience et attendre (vraiment) la présentation de la collection en septembre…
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