Annemie Verbeke: Femme fatale, rien de littéral

Elle ne le fait « pas exprès », mais quand il s’agit de trouver une femme qui inspirerait sa collection à venir, Annemie Verbeke tombe toujours sur des spécimens rares.

Elle ne le fait « pas exprès », mais quand il s’agit de trouver une femme qui inspirerait sa collection à venir, Annemie Verbeke tombe toujours sur des spécimens rares. Prenez l’automne-hiver 10-11, titré Femme Fatale or The power of Appearance, hommage jamais littéral à Valentina Sanina, née à Kiev en 1899 et morte à New York en 1989. « Un tempérament de feu » qui habitait le même building que Greta Garbo, partagea le même homme, et dit-on, le même lit, parfois. Cela ne serait rien, ou en tout cas pas grand-chose, si Valentina n’avait ouvert sa maison de couture en 1928, la première aux États-Unis, habillé toutes les beautiful people du moment, de Gloria Swanson à Katharine Hepburn, et pratiqué le biais et l’intransigeance : elle présentait elle-même ses modèles, à la presse, à ses clientes, « jusqu’à l’ennui et l’agacement » et rabrouait celles qu’elle trouvait trop grosses, même riches. En vraie architecte du vêtement, elle coupait des robes admirables que l’histoire oubliera, pourquoi ? Annemie Verbeke, créatrice basée à Bruxelles, a trouvé par hasard le livre de sa vie, elle a saisi l’ouvrage, se laissant porter par la silhouette incroyable de cette femme baroque qui lui parlait à travers le temps et l’espace.

« Je tombe toujours sur des femmes qui ont des vies extrêmement particulières, elles ne sont pas banales et pas spécialement dans la mode… » Après Nancy Cunard, Françoise Sagan ou Nina Simone, elle s’est donc nourrie de Valentina Sanina, « de sa volonté, sa puissance dans l’apparence, sa façon de réunir deux contrastes – une certaine théâtralité et un minimalisme antifashion, j’ai vogué entre les deux ». Même si l’automne-hiver 10-11 d’Annemie Verbeke ne se résume pas à une seule silhouette, en voici une, flamboyante, en guise d’emblème. Un effet de manches, « à glisser par-dessus », un esprit couture, du volume, un chemisier irisé doré « extrêmement light », avec asymétrie à l’encolure, et une jupe dans un tissu imitation plume, avec une couche dessous, fendue milieu devant, faussement simple. « J’essaie d’être au plus vrai de ma vérité », murmure-t-elle sans artifices. À l’instar des autres créateurs belges qui tous racontent leur histoire (de mode) avec intégrité, ici et ailleurs, à Paris, notamment, où ils défilent la tête haute.

Anne-Françoise Moyson

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content