Ces vêtements (presque) jamais portés: des passionnés de mode racontent leur mésaventure vestimentaire

Lien Degol, styliste © JEF JACOBS

L’erreur est humaine ! Certains achats ratés de notre garde-robe en témoignent. Et personne n’est à l’abri, pas même les fashion victims les plus aguerries. Juste pour nous, elles ont enfilé leur pièce improbable, belle mais pas en phase avec elles…

Lien Degol, styliste

Son faux pas : des baskets Balenciaga

Acheté où : debijenkorf.be

Porté combien de fois : environ 30 fois

 » En général, je choisis mes habits en fonction de ma morphologie et de ma taille. Bref, il faut qu’ils m’aillent. Il y a des tas de femmes qui ont des coups de coeur pour des vêtements à la mode, sans se demander s’ils sont faits pour elles. Dans ce cas-ci, voilà typiquement un achat dont j’aurais dû me méfier… Mais j’ai eu un énorme crush pour ces baskets Balenciaga. Je les trouvais super originales avec leur look costaud, et toute la vibe autour de la marque me plaisait énormément. C’est ce qu’on peut appeler un achat impulsif. Il a suffi que je les essaie chez moi pour me rendre compte à quel point elles étaient lourdes… Quand je rentre après une longue journée de travail avec ces baskets aux pieds, j’ai l’impression de sortir d’un entraînement de sport intensif ! Elles sont beaucoup trop massives pour ma silhouette. Les mannequins les portent pieds nus, mais chez moi, ça ne donne rien, c’est juste moche.

Si je veux aller aux toilettes dans mon café préféré, je me retrouve presque à quatre pattes dans les escaliers, tant les semelles débordent des marches étroites !

Ce sont des chaussures qui ne vont qu’avec un pantalon large, ce qui est un peu dommage en été. En plus, elles ne sont absolument pas pratiques. En voiture, je ne sens pas les pédales quand je conduis, et si je veux aller aux toilettes dans mon café préféré, je me retrouve presque à quatre pattes dans les escaliers, tant les semelles débordent des marches étroites !

Ce genre de shoes doivent avant tout être fonctionnelles, et elles ne le sont pas. J’achète régulièrement d’occasion; je suis plus d’une fois tombée sur ce modèle. Et on comprend pourquoi : il est quasi importable. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il faut de la persévérance. C’est comme avec les hauts talons : on sait qu’on aura mal aux pieds, mais on estime que cela en vaut la peine. Il faut souffrir pour être fashion ! Je répugne à l’admettre, mais je regrette d’avoir craqué pour cette paire. Je l’ai payée une fortune et je ne la porte presque jamais. Je la trouve belle, elle attire mon regard dès que je passe devant mon étagère, mais je serais incapable de garder ça aux pieds toute une journée. Avec le recul, est-ce que je rachèterais ces chaussures ? Ça va vous paraître fou si je réponds oui…  »

Elke Timmerman, directrice du MAD Lab +

Elke Timmerman, directrice du MAD Lab +
Elke Timmerman, directrice du MAD Lab +© JEF JACOBS

Le faux pas : un catsuit de Marine Serre

Acheté où : en direct chez Marine Serre

Porté combien de fois : 3 fois

 » J’ai vu ce catsuit de Marine Serre et je me suis dit :  » C’est pour moi.  » Je connaissais son travail, je la suivais depuis qu’elle avait étudié à La Cambre. J’avais aimé sa collection de dernière année, qu’elle avait créée à partir de matériaux recyclés, elle répondait à une nécessité mais sans sacrifier à la créativité. Et elle y utilisait déjà son logo, une lune, que je trouvais remarquable, c’était en 2016. Elle avait alors remporté le prix du MAD, qui lui permettait de réaliser un lookbook. Elle avait déjà une vision claire et la volonté de s’entourer, de frapper aux portes pour trouver de l’aide et de fédérer les talents. Sa signature était déjà bien présente, c’est assez extraordinaire, et elle y est restée fidèle.

Quand je l’enfile seul, j’ai vraiment le sentiment d’être nue.

J’ai donc craqué pour cette pièce audacieuse. Sur le webshop de Marine Serre, il était indiqué que ce catsuit, à 375 euros, ne pouvait être livré en Belgique. Comme je la connais un peu, je l’ai contactée, il y avait en réalité un bug informatique, je pouvais sans aucun problème le commander. J’aime acheter directement aux jeunes créateurs, et localement, c’est ma philosophie, mon investissement dans la créativité et dans la production européenne.

Je l’ai porté pour la première fois aux Belgian Fashion Awards au MAD, en 2018. Mais je n’ai pas le corps de la top Heidi Klum, je lui ai donc rajouté une grande chemise par-dessus. Puis, je l’ai remis en 2019 durant une mission, un Fashion Business Trip à Los Angeles et à San Francisco. J’ose m’habiller avec des pièces phares de jeunes designers, même si je suis une femme de 39 ans avec des fillettes de 2 et 6 ans et que je n’ai pas retrouvé ma silhouette d’avant. Je me sens assez sereine par rapport à cela… Mais ce vêtement est réellement très fin et dans une couleur nude. Quand je l’enfile seul, j’ai vraiment le sentiment d’être nue. « 

David Flamée, attaché de presse du MoMu

David Flamée, attaché de presse du MoMu
David Flamée, attaché de presse du MoMu© JEF JACOBS

Le faux pas : un bomber griffé Mikio Sakabe

Acheté où : dans un showroom pendant la Fashion Week de Paris, en 2008

Porté combien de fois : une seule fois

 » J’étais encore project manager pour le Flanders Fashion Institute (l’ancien Flanders DC), lorsque nous avons mis sur pied un showroom destiné aux jeunes créateurs pendant la Fashion Week parisienne. En 2008, le Japonais Mikio Sakabe y était l’un des créateurs sélectionnés pour présenter sa collection. Il est sorti diplômé de l’académie des beaux-arts d’Anvers en 2006 et a immédiatement lancé sa griffe. Je me suis intéressé à son travail dès le début. C’est lors de cet événement que j’ai remarqué le fameux bomber. C’est surtout le coloris et les petits chats brodés qui ont attiré mon attention. Ce que j’aime dans les créations de Mikio, c’est qu’il twiste des vêtements typiquement occidentaux, comme ce modèle de veste, avec un style hyper japonais – dans ce cas-ci, le potentiel extrêmement kawaï des petits chats et un tartan rose.

Malgré tout, je n’ai pas l’intention de m’en défaire. La solution serait peut-être de l’encadrer et de l’exposer dans mon salon ? « 

Ma garde-robe est du genre très sobre, mais j’adore associer des basiques avec des couleurs fortes et quelques pièces un peu barrées. Pourtant, force est de constater que ce bomber n’a jamais quitté son cintre… Je l’avais acheté pour  » faire venir  » l’été avec quelque chose de gai mais, en réalité, ça manquait un peu de subtilité. La seule fois où je l’ai porté, j’ai fini par le tenir sur mon bras, tant j’avais chaud. Depuis lors, il reste suspendu, bien en vue, dans mon placard. Chaque été, je me dis que je vais le porter ! En vain jusqu’à présent… Cette année, je crains que ça ne soit pareil. Sans doute est-ce too much pour aller avec le reste de ma garde-robe ? Malgré tout, je n’ai pas l’intention de m’en défaire. Plusieurs amies m’ont proposé de le racheter – c’est plutôt un modèle féminin – mais j’ai toujours refusé. Même si ça m’a coûté 500 euros, je considère que c’est un investissement à l’égard du créateur. La solution serait peut-être de l’encadrer et de l’exposer dans mon salon ? « 

Valérie Escanez, ex-chef de produit chez Sony Music France, décoratrice d’intérieur

Valérie Escanez, ex-chef de produit chez Sony Music France, décoratrice d'intérieur
Valérie Escanez, ex-chef de produit chez Sony Music France, décoratrice d’intérieur© JEF JACOBS

Le faux pas : une robe Paule Ka

Acheté où : chez Vestiaire Collective, en 2015, en deux exemplaires, une noire et une grise.

Porté combien de fois : deux fois

 » J’étais accro à la série Suits, j’aimais regarder ces gonzesses super bien gaulées en stilettos et robes moulantes. J’étais admirative, je me demandais comment elles faisaient pour travailler toute la journée habillées ainsi, alors que moi, au bout d’une demi-heure, je claque de l’aileron, cela me serre de partout… Je me serais donc bien vue entrer avec ma petite robe dans le bureau de Harvey, le personnage principal ultraséduisant dans ses costumes sur mesure – histoire d’amener mon cool parisien dans la Cinquième avenue. A l’époque, j’étais une desperate housewife, j’avais emménagé à Bruxelles, la mode n’y était pas comme à Paris, où dans le milieu de la musique, c’était rock. Je n’avais plus les mêmes critères de style, j’étais habillée comme une chienlit. Et Suits était pour moi un repère d’élégance que je n’avais plus. Même si mon modèle, c’est la chanteuse et guitariste américaine Chrissie Hynde, j’aime les franges, les longues chaînes, le double tour de Martin Margiela…

J’ai dû la porter deux fois. Puis plus jamais. Je m’étais vue en photo avec elle. Cela ne me ressemblait absolument pas, c’était quelqu’un d’autre, je n’étais pas cohérente avec moi-même. Et je m’étais pris dix ans dans la gueule.

Il me fallait ce genre de robe trois trous, pas trop courte, parce qu’à mon âge… J’en ai repéré une sur Vestiaire Collective, j’ai dû la payer 100 balles, elle est griffée Paule Ka et je ne sais pas de quelle saison elle date. Je la trouvais très classique, pas du tout Chrissie Hynde ni moi d’ailleurs. Mais je l’aimais bien. Quand elle est arrivée, j’étais contente, elle est de belle facture, le tissu est classe et elle a un truc magique : on ne voit pas qu’on a du ventre. Son créateur est un génie. Vous pouvez dire à Serge Cajfinger que ses robes, ce n’est pas mon style mais c’est de la bombe. Je me trouvais chic, très Rachel. Quelques semaines plus tard, j’ai même craqué pour la même en lainage gris. Parce que j’étais toujours dans cette série et que Rachel n’avait pas qu’une robe. J’ai dû la porter deux fois. Puis plus jamais. Je m’étais vue en photo avec elle. Cela ne me ressemblait absolument pas, c’était quelqu’un d’autre, je n’étais pas cohérente avec moi-même. Et je m’étais pris dix ans dans la gueule.  »

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