Des baskets Lidl revendues 1.200 euros: ‘ »La mode des riches, c’est aussi le pillage de la culture des pauvres »

© LIDL
Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Des sneakers aux couleurs criardes du hard discount Lidl se vendent à des prix dépassant l’entendement sur des sites de seconde main. De quoi soulever des critiques sur ce que certains appellent le « pillage de la culture des pauvres ».

A la base, tout part d’un poisson d’avril en Allemagne. L’année passée, Lidl annonce sur le ton de la plaisanterie l’introduction d’un nouveau produit: les sneakers Lidl. Ces baskets au look rétro et aux couleurs primaires de l’enseigne n’existent alors, en réalité, que sur l’ordinateur d’un graphiste. L’entreprise allemande ne se doutait pas de l’engouement qu’allait toutefois provoquer cette annonce. Sur les réseaux sociaux, le succès est tel que Lidl décide d’en faire un tirage limité à 400 exemplaires et de les offrir à ses fans.

Depuis le 1er juillet, la paire de sneakers, produit phare de la « Lidl-Fan collection » qui compte également des chaussettes à 1,99 euro ou des claquettes à 3,99 euros, est commercialisée en Belgique à 2000 exemplaires. Enfin, « était », car le stock a été épuisé en quelques heures. Certains exemplaires sont ensuite revendus jusqu’à 100 fois leur prix sur des sites d’enchères.

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Sur les réseaux sociaux, certains font l’éloge funèbre de la marque discount de leur enfance, désormais propriété des Instagrameurs les plus célèbres, comme l’explique Célia Sadai, chroniqueuse sur le site africultures.com : « En ce moment sur Ebay, on revend des baskets Lidl à 13 euros pour des milliers d’euros. Sur Instagram, des tops modèles s’affichent en chaussettes-claquettes Lidl. Pour moi, c’est ça, l’appropriation culturelle. La mode des riches, c’est aussi le pillage de la culture des pauvres. Avec 20 ans de retard, parce que quand ils y vont, on en revient. »

A contre courant des instagrammeurs à l’image lisse et photoshopée, l’actrice belge Tamara Payne, qui incarne « Stacy Star », une « barakie carolo », a suscité plus de 10.000 likes sur Facebook en prenant la pose en tee shirt blanc au logo carré Lidl, assorti aux chaussettes blanches.

Stacy Starhttps://www.facebook.com/stacystar3000/https://www.facebook.comFacebook1

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Geplaatst door Stacy Star op Zaterdag 4 juli 2020

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« Cette situation est surréaliste. Il y a d’ailleurs eu le cas avec la Carapils qui est soudain devenue une boisson prisée notamment au Costa-Rica. Beaucoup de Français (puisqu’ils sont 90.000 sur ma page Facebook) me demandent d’ailleurs où se procurer les baskets.« 

« Des symboles de mépris de classe »

Lidl fait de la « drop culture », commente Le Monde, cette stratégie du luxe qui consiste à vendre des éditions limitées par le biais de canaux exclusifs pour susciter l’envie. Dans le marché spéculatif des sneakers, la mécanique fonctionne à merveille. En mars dernier, une réédition de chaussures Decathlon s’est ainsi revendue trois fois son prix sur le site Leboncoin.

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Pour certains, les logos des enseignes low-cost peuvent aussi devenir des symboles de mépris de classe, continue le quotidien français, lorsqu’ils sont portés par des privilégiés prêts à payer cent fois le prix initial. Quand on s’affiche avec des chaussettes Lidl au-dessus de baskets Balenciaga, « on est dans une forme de violence sociale », assure sur le site français le sociologue Frédéric Godart. Pour d’autres, on n’est pas loin de la pissotière de Marcel Duchamp. Sac Ikea, cabas Tati, tout devient icône de mode une fois détourné.

« Un retour à des choses plus simples »

Tamara Payne n’est, elle, pas du même avis que Frédéric Godart. « Le succès de tels produits low-cost sur les réseaux sociaux montrent plutôt à quel point on met en avant aujourd’hui la culture des « pauvres », des personnes qui ont moins d’argent, qui n’ont pas fait d’études. Si auparavant, on se moquait d’eux, maintenant, on les valorise de cette manière. Pour moi, ce n’est pas du vol de la culture des classes sociales moins favorisées mais plutôt un retour à des choses plus simples. »

Elle ajoute: « Au début, mon personnage de Stacy Star, la « Barakie de Charleroi », c’était de la pure moquerie mais maintenant, je me rends compte à quel point les gens qui la suivent l’aiment, dans son rôle de parasite au chômage qui vit au crochet de la société. »

L’héritage de Lacoste et Fred Perry

Et qu’en pense Stacy Star de cette paire de chaussures vendues 100 fois son prix initial? « Elle trouverait cela vraiment trop injuste, de voir que les vêtements qu’elle aime sont vendus à des prix fous et que bientôt elle ne pourra même plus s’habiller dans les magasins de seconde main. Jusqu’à peut-être devoir aller voler ?« , répond la comédienne, avec humour.

Voir aussi la réaction désopilante de Stacy Star en exclusivité pour LeVifWeekend:

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Le phénomène n’est pas neuf. Dans les années 90, le polo Lacoste était très à la mode dans les banlieues. La marque au crocodile était devenue une des marques fétiches des rappeurs, au point que Lacoste s’était plaint d’une baisse de ses ventes. Lacoste considérait qu’en les portant, les jeunes moins favorisés dégradaient son image de marque proprette avant que le label ne revienne sur le devant de la scène dans les années 2010 avec le succès du Hip Hop. Idem pour le label sportif Fred Perry, à l’origine créé pour habiller les joueurs de tennis dans les années 40 et récupéré au fil des ans par des sous-cultures britanniques comme les skinheads ou les hooligans.

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