Edito | Recherche Birkin désespérément

Isabelle Willot © Damon De Backer
Isabelle Willot

Le 18 septembre dernier, Jamie Chua, 1,5 million de followers sur Instagram, s’est offert une séance de «color therapy». Sur son feed qui ne cache rien de son obsession pour les accessoires de luxe, l’entrepreneuse de Singapour a pris la pose au milieu d’un arc-en-ciel de Birkin. De quoi faire pâlir d’envie celles et ceux qui rêvent, depuis plusieurs années parfois, de mettre la main sur le sac siglé Hermès qui reste à ce jour l’un des plus désirables au monde en dépit de l’envolée exponentielle de son prix. 

Si l’influenceuse expose sans vergogne une collection dont la valeur doit se chiffrer en millions d’euros, pas un mot en revanche sur la manière dont ces trophées sont arrivés en sa possession. Depuis sa création il y a tout juste quarante ans, les conditions d’achat de ce qui se voulait à l’origine un fourre-tout chic imaginé pour Jane Birkin sont toujours restées nébuleuses. La demande pour ces modèles, dont la fabrication manuelle nécessite 18 heures de travail et dont la version la moins chère coûte au bas mot 10.000 euros, excède encore et de loin l’offre. Et ce malgré l’ouverture cette année d’une nouvelle usine de cuir, la vingt-troisième, à Riom, en Auvergne. 

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Face à cette pénurie constante qui n’a pas empêché Hermès de voir ses ventes de maroquinerie croître de 17% au troisième semestre par rapport à l’an dernier, un nouveau type de «trader» a vu le jour. Dans le viseur de ces chasseurs de sacs rares, une seconde main très convoitée qui n’en est pas vraiment une: à savoir des sacs jamais utilisés, tout juste arrivés chez leurs heureux propriétaires pressés de s’en défaire avec une belle plus-value à la clé. Michael Tonello, styliste devenu revendeur, a ainsi servi directement d’intermédiaire pour l’écoulement de 130 sacs Birkin. Un «exploit» – impossible à réitérer aujourd’hui – qu’il a d’ailleurs relaté dans un livre (Bringing Home the Birkin) que se sont arraché les fans du précieux sac.

Ces pratiques ont poussé le maroquinier français à mettre en place un véritable «background check» des personnes désireuses d’acquérir un Birkin. Et ce afin d’éviter l’explosion d’un second marché sur lequel il n’a aucun contrôle. Désormais, selon le site de la maison de ventes aux enchères Sotheby’s, s’ils souhaitent s’offrir un Birkin directement chez Hermès, les clients doivent être connus de la marque. Chaque boutique aurait donc son quota qu’elle ne réserverait qu’à ses «vrais» clients.

Le flou autour de l’adjectif laisse la porte ouverte à toutes les conjonctures. Pour Tina Cavalleri et Mark Glinoga, deux résidents californiens aujourd’hui en procès avec Hermès, le droit de posséder un jour un sac Birkin serait conditionné à un «historique d’achats suffisant». Une pratique illégale que dément formellement le sellier qui préfère parler de «relation de confiance». 

Dans le microcosme de la mode, il se murmure que les chasseurs de sacs de luxe, souvent mandatés par de riches particuliers pressés, n’hésiteraient pas à proposer des deals aux «amis de la maison» encouragés à servir de prête-noms. A la clé, quelques milliers d’euros d’argent cash. Et le risque – loin d’être négligeable – de finir, comme Michael Tonello, banni à vie.

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