Elfique, cow-boy ou silhouette difforme: ils ont un look rebelle et l’assument

© Ringo Gomez-Jorge

Il n’a que faire des règles et des tendances et considère ses vêtements comme l’ultime exutoire. Le rebelle de la mode de l’an 2022? Il se fiche du regard des autres, met ses écouteurs et défile en rue comme sur un catwalk.

Niki Seurinck (22 ans), travailleuse dans l’Horeca

« Mon style? Gothique, cyberpunk et elfique. J’ai commencé mes expériences vestimentaires vers 2013 ; je puisais mon inspiration sur Tumblr où je repérais beaucoup de silhouettes grunge et gothiques. Aujourd’hui, j’associe ces styles avec le Y2K, l’atmosphère du début des années 2000. Des films de cette période, comme Matrix et Lolita malgré moi, m’inspirent . J’aime les cheveux en pointes, les colliers ras-de-cou et les lèvres maquillées en noir. La plupart du temps, j’achète des marques présentes sur Instagram comme Judassime. Quand je me prépare, j’essaye de créer chaque fois une sorte de personnage féminin de jeu vidéo, presque toujours intimidant mais sexy (rires). Enfant, j’étais extrêmement timide et je tombais dans les pommes si je devais parler devant un groupe. Maintenant mes tenues me donnent la force nécessaire. Parce qu’en fait je ne suis pas une gentille petite fille. J’aime aussi me dénuder. Je n’ai plus envie de me mettre la pression au sujet de mon corps. Dans une fête, je suis la première à retirer mon tee-shirt. Hors de chez moi, je ne reçois pas toujours de chouettes réactions. Alors, je mets mes écouteurs et je prends la rue pour un catwalk. Comme ça je vis dans une autre réalité. Ça aide… Les oreilles d’elfe? Ça fait partie de mes fantasmes. Et je peux le vivre beaucoup plus facilement aujourd’hui qu’avant. Je trouve qu’être adulte est en fait libérateur. Je travaille, je paie mon loyer et pour le reste je suis complètement libre. »

Elfique, cow-boy ou silhouette difforme: ils ont un look rebelle et l'assument
© Ringo Gomez-Jorge

Ella Schöning (21 ans), étudiante en art

« Mon look est un mélange de motard et de cow-boy avec une petite touche sexy. La plupart du temps, ma tenue combine de la lingerie, des hauts moulants, un legging et des bottes. J’achète mes sous-vêtements chez Ali Express. Chaque article coûte à peine quelques euros ; c’est de qualité très douteuse mais pour mettre en couche supplémentaire, ça a de l’allure. Pour le reste, je préfère la seconde main. Dans mes vêtements, je me sens toujours prête à danser. Je vais souvent à des soirées queer où on passe de la dark techno. On pourrait comparer mes tenues à l’hyperpop: de la pop music déconstruite, complètement déformée par les effets sonores. Sur Instagram, je suis des petites marques spécialisées qui proposent des modèles presque impossibles à porter, comme Avavav ou l’étudiante en mode à Anvers Izzy Du… En fait, toutes ces fringues sont très liées à mon identité et font qui je suis. Je ne m’habille pas pour me rebeller contre la société. Pour moi, les gens avec des vêtements normaux ne dégagent pas de personnalité, c’est pourquoi je veux me démarquer. Ce que les autres portent ne m’intéresse pas vraiment. Mais je m’énerve quand je me fais insulter par une personne avec un look banal. Je reçois parfois des compliments, surtout de la part de jeunes filles. La réaction la plus rude est venue d’un homme qui me suivait et me demandait si j’allais à une fête costumée. »

Ella Schöning
Ella Schöning© Ringo Gomez-Jorge

Lars Mertens (20 ans), étudiant en mode

« L’été dernier, j’ai acheté chez Christian Wijnants un pantalon drapé dont les jambes semblaient ne faire qu’un tout. Et je me suis dit: pourquoi ne pas acheter une jupe finalement? Quelques mois plus tard, j’ai franchi le pas, dans la même boutique. La différence entre un pantalon et une jupe – et par conséquent entre un homme et une femme – tient finalement à une seule couture. N’est-ce pas absurde? D’un autre côté, je ne suis pas fan de la neutralité des genres. Il y aura toujours une différence entre les sexes. Il n’y a rien de mal si une femme s’habille de manière très féminine et si un homme porte des vêtements très masculins. 90% de mes vêtements viennent des rayons pour femmes mais je suis un homme à 100%. En matière de style, j’en ai deux en réalité: d’un côté, j’aime les tons et les imprimés sobres et romantiques, mais de l’autre, j’apprécie les couleurs vives et acides, le plastique et les paillettes. C’est le yin et le yang de ma garde-robe et de ma personnalité. J’essaie souvent de réunir les deux aspects dans une seule tenue. C’est le cas avec cette robe. Je peux lire dans le langage corporel des gens qu’ils sont réticents par rapport à ma manière de m’habiller. Mais je n’ai jamais eu de commentaires violents. La réaction qui m’a le plus touché, c’est celle de mon père. Mes vêtements ont creusé un fossé entre lui et moi et ça fait mal. Mais je sais qu’avec le temps et avec de la compréhension ça changera. »

Lars Mertens
Lars Mertens© Ringo Gomez-Jorge

Liv Lismonde (20 ans), étudiante en design graphique

« J’aime défier ma silhouette. J’associe par exemple un pull large en laine de style militaire et une combinaison très fine, ou des vêtements extra-larges avec des tee-shirts que je trouve dans les rayons enfant. Souvent ma silhouette a quelque chose d’absurde. Quand je porte un bomber ou un blazer beaucoup trop grand sur une minijupe dont dépassent mes fines jambes, je ressemble à un petit pois sur pattes (rires) . Depuis que je suis enfant, je n’ai pas confiance dans mon corps, ce qui explique que je veux le déformer. Je ne porterai jamais une tenue complètement moulante. Quand je me balade en rue avec des copines aussi excentriques que moi, on nous critique beaucoup, mais on laisse couler. Nous nous habillons souvent pour le fun. Un jour, nous avons peint notre visage en rouge et bleu pour faire des photos en ville avant de revenir chez nous. Ma mode, c’est un exutoire. Ça peut paraître cliché, mais quand je me laisse aller complètement dans une tenue, je ressens alors une immense liberté: je m’oppose aux règles et je prends moi-même le contrôle. Pourtant, je suis très timide et ces tenues extravagantes sont ma manière de m’affirmer. On pourrait penser que c’est contradictoire, que je préfèrerais ne pas me faire remarquer… Mais en réalité, quand les gens regardent mes fringues, ils ne me voient pas vraiment. Si je devais parler devant un groupe, je serais jugée sur ma personnalité. Ce serait tout à fait différent. »

Liv Lismonde
Liv Lismonde© Ringo Gomez-Jorge

Leo Van (20 ans), étudiante en art

« Tout ce que je porte est extrêmement large. Même mes chaussures font quelques tailles en plus. Récemment, j’ai découvert que mes chemises et mes pantalons étaient de la même longueur, comme si le haut et le bas de mon corps étaient proportionnés de la même façon! A part ça, j’aime me dissimuler. Je dévoile peu de moi-même, au propre comme au figuré. Pourtant je me présente comme quelqu’un d’ouvert: je parle facilement et je m’entends bien avec tout le monde. Mais je ne partage pas les sujets vraiment personnels. Les personnes extraverties sont souvent plus fermées qu’on ne le pense: elles parlent beaucoup mais choisissent consciemment ce qu’elles abordent. Mes vêtements forment une armure et créent la distance nécessaire entre moi et le monde. J’achète uniquement en seconde main: dans les magasins, sur Vinted et à des amis. Les pièces que je porte ont une apparence banale. C’est la manière dont elles tombent sur moi qui détermine ma silhouette. J’ai essayé un jour ma garde-robe sur une amie aussi mince que moi et ça ne ressemblait à rien (rires). Mes piercings et les tatouages dans mon cou forment le contraste nécessaire avec mon visage très jeune. Je viens d’un milieu conservateur et ma mère a un jour dit que si je me faisais tatouer, elle me mettrait dehors. Mais ça n’est pas arrivé. Elle trouve toujours mon style horrible mais elle s’en est accommodée. D’ailleurs, c’est elle qui raccourcit mes pantalons. »

Leo Van
Leo Van© Ringo Gomez-Jorge

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