Balenciaga loves Paris : « Volumes, coupes et matières » soulignent l’inventivité de la ville

© Catwalkpictures

Quand Demna Gvasalia pour Balenciaga rend un hommage à Paris, cela sent le bitume. Et l’élégance ultra contemporaine.

La mode pour lui a toujours été un miroir de ce qui se passe autour de lui, autour de nous. Demna Gvasalia a beau être depuis 2015 le directeur artistique d’une maison à l’héritage qui pèse lourd – monsieur Cristobal Balenciaga était quelqu’un et sa mode architecturée loin d’être quelconque -, il a les deux doigts dans la prise. Et mieux que personne le don de narrer, en vêtements, une contemporanéité inquiète et inquiétante – qui demande à être réconfortée.

Balenciaga loves Paris :
© Catwalkpictures
Balenciaga loves Paris :
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Pour l’occasion, il fait entrer les rues de Paris dans le studio 5 de la Cité du Cinéma, dans le 17 ème arrondissement. Ça sent le bitume, cela fait des jours que les bétonnières tournent sans fin pour malaxer cet asphalte noir qu’il a plu au créateur géorgien d’étaler sur le sol. Il est encore chaud ou presque, exhale ses odeurs de ville et prend les couleurs urbaines d’un plafond lumineux rouge incendiaire virant au rose, au bleu ou au jaune et se parant même de blanc scalpel. C’est puissant, estomaquant. Alors quand les mannequins, filles et garçons, toujours des gueules, des vraies, déboulent à marche forcée et arpentent ce catwalk de bitume en marquant les coins, on en a le souffle court. Le jour et le soir se superposent et s’additionnent, comme dans la vie réelle, en une garde-robe  » imprégnée du style parisien d’aujourd’hui « , c’est ainsi que Demna Gvasalia a pris soin de la décrire :  » volumes, coupes et matières expriment l’inventivité et la constance de l’esprit typique de Paris « . Du moins, ce Paris qu’il voit désormais d’un autre oeil, serein, depuis qu’il s’est installé en partie à Zurich où il travaille sur son label Vetements.

Il n’a pas changé de processus de création, il déconstruit à sa manière pour créer un Balenciaga nouveau, voire de demain. Mais il n’a pas non plus oublié ses années d’apprentissage dans la Maison Martin Margiela, qui lui firent découvrir le champ des possibles en matière d’épaules renouvelées. A lui donc les lignes pincées, les têtes de manches qui s’élèvent au-dessus des épaules. A lui aussi les cols hauts dans lesquels on peut s’enfouir, les capuches dans lesquelles on peut se cacher, les décolletés anneaux dans lesquels on peut se montrer, encerclé volontairement – une redéfinition de la silhouette, selon les heures du cadran, solaire et lunaire. Les vestes croisées avec boutonnage apparent se portent en robe, c’est évident. Le moiré se colore de fluo, les traînes, de franges et de paillettes. Les matières atypiques bousculent le vocabulaire, sans renier les formes : un faux shearling pour un manteau Cocoon, du faux cuir pour la jupe Kick, de la maille pour des chemises rayées classiques qui aiment les blasons. Des graffitis montent à l’assaut d’une robe, comme si à la fin d’une nuit de fête, on avait osé sortir les feutres indélébiles et marquer le tissu de ces tags tracés librement, joyeusement. Les logos antiques répètent leurs dix belles lettres sur un tailoring sage et les logos nouveaux sur des tee-shirts ajustés qui revendiquent une même appartenance. Les sacs, enfin, on sait que Demna Gvasalia a toujours eu le génie du détournement, ils sont en cuir, aspect papier kraft avec smiley triste ou simplement blanc et siglé, façon retour d’un samedi de shopping, c’est chic, mais toujours fonctionnel, il y tient. Assurément, le créateur prolifique aime à nouveau Paris. Et la mode. Tant mieux.

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