Fashion week Paris Jour 2: Bravo, bravissimo

A Paris, tout est toujours plus beau, plus fort, plus grand qu’ailleurs. La preuve avec Dries van Noten, Léa Peckre et Azzedine Alaïa.

Oui, à Paris, tout prend une autre dimension. Surtout dans l’atmosphère électrique d’une Fashion week qui annonce le printemps. Prenez Dries Van Noten, créateur belge, qui n’hésite pas à convoquer l’émotion quand il fait défiler sa collection. A la Halle Freyssinet, immense hangar de béton brut et de tôles, il installe son public face à un mur de claustras en bois recouverts de feuille d’or, entre un espace sans fin qui servira de catwalk, et au milieu, une basse avec ampli qui attend son propriétaire.

C’est Colin (Radiohead) qui arrive, s’en saisit et lance un premier accord saturé, le sol, l’atmosphère, comme en osmose, se mettent à vibrer. Puis le printemps est là, avec une première silhouette qui pose le sujet du jour – les volants, mais en ruché. La robe est si simple, un long Marcel, mais l’embellissement est si conceptuel, un arc de volants de chaque côté des hanches, que l’on comprend combien l’Anversois a poussé loin l’envie de signer une collection qui ne fait pas dans la demi-teinte. La preuve, avec ce tissu-tapisserie qui ressemble à celui que l’on glisse sous la selle des chevaux dans les pays où les métiers à tisser n’ont pas déserté les maisons, il y a fait broder des coquillages blancs et le décline en top, en jupe, en sac, en liens pour ses colliers avec étoiles strassées. Il y a aussi de la dentelle, de l’or, un imprimé léopard mais rouge et noir, des fleurs, de la transparence et une vraie idée de style.

Quand les mannequins ont fini d’arpenter le long, très long catwalk, elles s’installent l’une à côté de l’autre le long du mur-paravent, la basse monte crescendo, le foule se lève comme un seul homme, traverse la halle et s’approche tout près des jeunes filles figées, on peut regarder, mais pas toucher, pourtant on en brûle d’envie : ici, ce voile transparent sur brassière dorée, là ce manteau rebrodé de fils lâches dans un dégradé de jaune et d’orange, et ce blouson en lin blanc, et ce bijou, et cette ligne à la feuille d’or qui souligne la raie des cheveux de chaque mannequin, le roi des mélanges a frappé fort.

Prenez Léa Peckre, qui défile dans une galerie d’art de la rue Quincampoix, près du Centre Pompidou. Elle accueille ses invités sur le trottoir, on s’installe dans ce minuscule endroit tout en longueur, qu’elle a fait décorer par des amis architectes, fidèles d’entre les fidèles, pour  » zéro budget « . Car Léa, lauréate du Weekend Fashion Award, jeune créatrice diplômée de La Cambre mode(s), vit et travaille à Paris, dans son salon, avec trois francs six sous (plus appel à l’équipe, aux amis, au crowdfunding) et un vrai talent en guise de viatique. Ajouté à cela son sens de la recherche : elle pratique les matières thermocollées, une technique qu’elle a mise au point à l’école et qu’elle développe depuis. Il y a donc des tulles, qui suivent les lignes du corps et s’offrent des découpes, un jeu de brillance et de contraste avec du mat, car il y a du jeans et un très beau gris pierre. Elle n’a pas oublié ses premières amours, le tailoring, ses robes avec volumes devant sont désirables et ses ensembles veste-pantalon aussi. Léa va droit au but, et c’est bien.

Prenez Azzedine Alaïa, qui a les honneurs du Palais Galliera, pour sa réouverture. Le couturier, qui quitta sa Tunisie natale à la fin des années cinquante, est là, en personne, dans son sempiternel costume chinois, pour inaugurer cet hommage qui lui va droit au coeur et qu’il a construit avec Olivier Saillard, le directeur du musée, dans une vraie et farouche volonté de ne pas faire comme tout le monde. Ne pas enfermer les oeuvres dans des vitrines. Ne pas inonder le visiteur d’écrans plasma, de sons intempestifs, de flots d’images. Ici, seuls comptent le temps et les vêtements. Simplement posés sur buste, sans colifichets, dans leur extrême perfection. On peut tourner autour, car ils sont aussi beaux devant que derrière.  » Le couturier connaît l’académie du corps, la mécanique vestimentaire qui le flatte et le corrige « , écrit Olivier Saillard. Naomi Campbell qui fend la foule sous les flashes ne démentira pas, même s’il n’est pas question de correction avec elle, toujours aussi sculpturale. Dans le jardin de ce palais désormais bien vivant, la Tour Eiffel se dresse et clignote dans la nuit comme jamais.

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