Jour 3: Le grand écart

Un moodboard Celui de Guillaume Henry pour Carven. Au centre, une photo de Georgia Engelhard (1906-1986), alpiniste, photographe, écrivain, prise par son oncle le peintre moderniste Alfred Stieglitz en 1921. Elle porte un bermuda, un chemisier large, des socquettes blanches et des boots à lacets ; elle a l’air de vouloir conquérir le monde, mais sans arrogance aucune.

Sur ce moodboard, il y a aussi un cliché d’Isabelle Adjani, un autre du film « The African Queen », des dessins de dentelle qui ne ressemble pas à de la dentelle, des envies de silhouettes structurées, de broderies, d’un vestiaire élégant pour une jolie femme imaginaire qui serait celle d’un général ou d’un diplomate en poste loin, très loin de la métropole, en Inde ou ailleurs. Forcément, tout cela donne une collection printemps-été 2013 qui ose un côté « jolie madame » libérée des carcans, infiniment Carven.

Un parti-pris Celui de Ann Demeulemeester. Jouer avec les ceintures harnais, superposer les transparences, aimer les longueurs, le noir, les boots compensées, empiler les vestes, allonger les manches, privilégier les étoffes légèrement froissées, trancher la somme de toutes les couleurs en choisissant du mauve brillant, du gris perle, du vert d’eau très pâle. Depuis ses débuts en 1987, comme une obsession, la créatrice belge creuse son sillon. Sans jamais déroger à la règle. Label pugnacité et total respect.

Un joyeux mélange Celui d’Olivier Rousteing, 27 ans, troisième saison chez Balmain. Avec cette touche sexy qui a fait les beaux jours de la maison, il ose marier les techniques de la couture, les influences des années 90 – street rap, mouvements artistiques cubains et artisanat local. Puis il en rajoute avec une couche strassée, rebrodée et perfecto à carrures oversize sur pantalons affûtés. Et ça a de la gueule. Un décor Celui de Rick Owens, à Bercy, salle Marcel Cerdan. Après le feu, la mousse. La saison dernière, il avait enflammé la salle. Cette fois-ci, il s’offre un mur vitré sur lequel glisse des flocons de mousse qui couvrent lentement le sol du catwalk bétonné pour former un amas silencieux que l’on croirait ouaté et qui fait écho à ses étoffes irisées.

Le roi de la non couleur la décline dans des presque nude tirant parfois vers le rose pâle, avec des noirs profonds évidemment et des blancs rehaussés de plumes dans des silhouettes que seul lui peut imaginer. La poésie à l’état brut. Un grand prix Celui de Julien David, appelé ANDAM Fashion Award 2012, pour Association nationale de développement des arts de la mode. Soit un encouragement, un adoubement, un coup de pouce non négligeable (300.000 euros) à un jeune créateur prometteur. Ce qui lui permet de voir venir sans trop d’angoisse, de créer dans la liberté (toujours toute relative), de se construire un chemin personnel et un entourage solide.

Pour autant, le jeune créateur n’a pas oublié son humour, son sens du vêtement différent et son amour des imprimés matchés. Il est question de dinosaure et de Mondrian dans son printemps-été 2013. Ses écolières pas vraiment sages et carrément décoiffées sont pleine d’allant, quelle fraîcheur.

A.F.M

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content