L’acte 2 de Virgil Abloh pour Louis Vuitton

© Mondadori
Isabelle Willot

Virgil Abloh est un homme de chiffres. Cette manière qu’il a de les afficher rigoureusement sur ses invitation et ses notes d’intention – comme pour mieux scander chaque acte d’un parcours qu’on lui souhaite long chez Louis Vuitton -, rappelle son passé d’ingénieur en génie civil. Cette vie d’avant que la mode n’en fasse la star qu’il est aujourd’hui. Alors que le créateur américain, ami de Kanye West, s’apprête à dérouler en 65 silhouettes sa vision de l’homme pour l’automne-hiver 19-20, il y avait quelque chose de rassurant pour les invités à retrouver sur leur siège, une version actualisée de son abécédaire en fiches, sorte de « Virgil pour les Nuls » proprement rangé dans une pochette de carton noire perforée.

Contrairement à certains de ses pairs qui répugnent à se justifier, Virgil Abloh ne fait mystère de rien, lui qui partage au quotidien sa créativité sur son compte Instagram avec sa communauté de fans, et semble même prêt à expliquer chacun de ses choix, à décoder souvent avec humour les néologismes dont il est le premier propagateur. Car la mode de ce siècle, il entend bien en définir les codes, ils percolent déjà dans d’autres collections que les siennes, c’est à cela que se reconnaissent les vrais génies et les précurseurs.

Et de nouvelles formes, il y en avait sur ce podium que l’on aurait pu craindre empreint de nostalgie, il n’en a rien été, l’hommage annoncé à Michael Jackson n’avait rien de textuel ni de rétro. C’est par petites touches que son histoire – et surtout la manière dont elle a pu entrer en résonance avec celle de Virgil Abloh -, a infusé la collection. Cette capacité unique qu’il avait de « rendre extraordinaires » des pièces aussi anodines en apparence qu’une veste, un gant, un paire de chaussettes ou un chapeau. Un style qui a évolué au fur et à mesure que l’artiste a grandi lui qui fut l’un des rares à passer sur scène de l’enfance à l’adolescence puis à l’âge adulte.

Dans le dressing proposé par Virgil Abloh, on retrouve le goût de la star pour les paillettes qui recouvraient ses costumes, jusqu’à ce gant porté à la main droite devenu mythique et offert à chaque participant au défilé en guise d’invitation. On devine aussi sur un tee-shirt déjà collector l’un des plus célèbres pas de danse du chanteur chaussé de ses iconiques mocassins. Quant aux autres silhouettes, elles faisait surtout la part belle aux obsessions nouvelles ou récurrentes du directeur artistique de Louis Vuitton: sa passion pour les volumes hors norme, en particulier ce qu’il appelle le « blanketing » autrement dit la manière qu’il a de gonfler un vêtement ou un accessoire pour lui donner un effet « marshmallow », la « flagification« , soit l’utilisation des motifs de drapeaux en guise de patchwork, en l’occurrence ici, ceux des pays dont proviennent les collaborateurs de son studio, l’usage du plissé, longtemps associé uniquement à l’univers féminin, le tout dans un spectre de noir, gris, pourpre, argent et taupe, la couleur préférée de Virgil Abloh depuis les années 80.

Du côté du décor, enfin, il fallait réussir à faire oublier l’interminable catwalk arc-en-ciel du premier show de Virgil Abloh en juin dernier. Cette fois, c’est devant une reconstitution des rues de New-York digne d’un studio de cinéma comme ceux dans lesquels Michael Jackson a tourné ces clips les plus célèbres que les modèles ont défilé sur une bande son originale toute en impro jazz jouée live par Devonté Hynes.

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