Paris Haute Couture, jour J+1

Où, quand, comment, pourquoi… La suite. Ou quand le Jour J+1 brode une définition polyphonique de la Haute Couture et de ses trois jours siglés HC.

La Haute Couture, c’est rêver la nuit précédente d’un jupon de tulle, griffé Christian Dior, tellement luxuriant, tellement vaporeux, tellement trop, qu’il vous effleure la main quand celle qui le porte passe devant vous dans les salons de la maison Dior. Et voilà que ce frisson vous réveille. Non, ce n’était pas un rêve. Pincez-moi.

La Haute Couture, c’est entamer une journée de défilés avec les 21 silhouettes architecturées mais féminines en diable de Gustavo Lins. Ce créateur brésilien, qui n’a pas grand-chose d’un Brésilien, travaille les kimonos, le vestiaire d’homme, les matières étranges (porcelaine et crin de cheval) et transforme l’agneau plongé comme par magie en une robe tablier que l’on croirait de mousseline. Ne pas oublier de prendre rendez-vous avec lui, pour plus tard. Parce que c’est drôlement bien, sa « collection 013 ».

La Haute Couture, c’est faire le grand écart et filer au Trocadéro, applaudir Monsieur Giorgio Armani , cravaté, venu saluer à la fin de son défilé. S’esbaudir devant tant de rutilance, de cristaux Swarovski, de zip bijoux, de gros colliers à boule, de laques platine et or pâle, de bleu encre, de robes du soir glamour. Craquer pour un petit bibi porté crânement de guingois, tout strass dehors. Ne rien trouver à redire de cette collection Giorgio Armani Prive faite de « basiques au style masculin et sportif » qui magnifie le genre. Penser enfin que Kate Blanchett, guest star en front row, est drôlement belle de près. Elle aurait pas un peu maigri ?



La Haute Couture, c’est sentir la nouvelle Idole de Giorgio Armani. Rose Loukoum, safran et styrax. C’est l’algèbre mystérieux de ce nouveau parfum qui a mis cinq ans avant de voir le jour (c’est long, pour une fragrance). Sur l’écran, en gros plan, Kasia Smutniak – actrice mutine, venue de Pologne et vivant à Rome pour cause de mariage d’amour avec un bel Italien. La bande-son de la pub cinéma dit à peu près ceci : Lui – « J’ai cherché toute la vie une femme comme toi. Tu es mon idole ». Elle, qui n’en croit pas un mot : « c’est lui mon idole ». Et tac.

La Haute Couture, c’est voir passer Inès de La Fressange et Marie Seznec, ex-mannequins reconverties dans la mode (respectivement, Roger Vivier et Christian Lacroix) qui portent leur âge comme un trophée. Ne pas pouvoir les suivre dans les salons du Musée des Arts décoratifs. Elles vont rejoindre Christian Lacroix, pour un défilé presque privé (200 invités) qui sent la débâcle. Et le miracle. Avec trois fois rien (15.000 euros), une maison en redressement judiciaire et 23 passages comme un chant d’adieu.

La Haute Couture, c’est découvrir comment sublimer l’ordinaire. Et en prendre de la graine. Dans la suite ELLE Décoration et sa carte blanche à Maison Martin Margiela, avoir droit à une présentation privée de la collection Artisanale du plus invisible des Belges. Comprendre désormais à quoi servent les catadioptres – orner une veste ou le dessus d’un robe avec impression cachemire. Calculer qu’il a fallu 35 heures et entre 150 à 300 catadioptres pour finaliser ce vêtement décalé, mais pas tant que ça. Magistral.

La Haute Couture, c’est se rendre à la Halle aux Chevaux, ne pas y croiser de bestiaux, mais des guerrières mystérieuses dessinées par Riccardo Tisci pour Givenchy. Se demander ce que signifient les prénoms de ces silhouettes drapées, noires ou rose poudré – Lamta, Elkhoras, Mechbouh ou Khamsa… Laisser tomber. Se dessiller les yeux devant tant de puissance créative. Prendre le temps de tout digérer.

La Haute Couture, c’est méditer l’un des derniers twitters de Karl Lagerfeld (« The most important thing is to do things, not to have done them ») tandis que l’on pénètre sous la verrière du Grand Palais à la nuit tombante. 4 flacons de N°5, blancs, gigantesques sur un podium virginal quadrillé de noir. On est bien chez Chanel. Des mannequins avec chignon-queue de cheval en cascade et camélias de cheveux à foison. Petit chapeau cloche en tulle enfoncé jusqu’au menton, tailleur tweed réinterprété avec pan de tissu dans le dos, asymétrie, flashes de couleur (du rose, des cocardes pailletées, du bleu marine) et micro mitaines de doigts. Tout ça, sur une bande-son sortie tout droit de l’oreille de Michel Gaubert. Penser à lui dire merci – les basses puissantes font des chatouillis au creux du ventre, émotions décuplées. Final à la hauteur : glissement de paroi d’un flacon de N°5, apparition de la mariée, qui n’est pas seule, Karl a pensé à l’accessoiriser d’un fiancé. Le charmant tableau.

La Haute Couture, c’est finalement décider de méditer (bis) un autre twitter de Karl Lagerfeld : « Guilty feelings about clothes are totally unnecessary. A lot of people earn their living by making clothes, so you should never feel bad. » Amen.

Anne-Françoise Moyson

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