Delphine Kindermans
Fil prodigue
On le sait, mode et art sont perméables et c’est tant mieux. Sans ces affinités sélectives, pas de chapeau-escarpin ni d’imprimé homard signés Dalí pour Elsa Schiaparelli, pas de tenues de scène de Coco Chanel ou Pablo Picasso pour les Ballets russes, pas non plus de robe Mondrian pour Yves Saint Laurent une trentaine d’années plus tard…
Puis ce fut Jean-Charles de Castelbajac qui rendit hommage à Keith Haring, Ben ou Andy Warhol dans ses défilés. Mais c’est sans doute à Marc Jacobs que revient la palme de ces crossovers à haute valeur ajoutée. Dès son arrivée chez Vuitton, dont il a assuré la direction artistique durant seize ans, l’Américain a sérieusement dépoussiéré les codes de la maison en multipliant les collaborations avec des plasticiens d’envergure comme Richard Prince, Takashi Murakami ou Stephen Sprouse.
Les préparatifs ont duré deux ans. C’est long pour quelqu’un qui travaille normalement avec des délais de six mois. Avec mon équipe, nous avons parcouru trente ans d’archives
Mais les créateurs de chez nous ne sont pas en reste quand il s’agit de bâtir des ponts entre le vêtement et les arts. Démonstration magistrale avec l’expo de Dries Van Noten qui, après avoir battu des records de fréquentation à Paris l’an dernier – 160 000 visiteurs, pas moins – vient de prendre ses quartiers dans la cité portuaire, où le MoMu en présente une version revisitée. Au fil des vingt-cinq salles de ce temple de la fashion, on assiste à un dialogue constant entre les collections du Belge et les oeuvres qui l’ont inspiré, de Damien Hirst à Victor Vasarely en passant par Rothko ou Rubens. « Les préparatifs ont duré deux ans. C’est long pour quelqu’un qui travaille normalement avec des délais de six mois. Avec mon équipe, nous avons parcouru trente ans d’archives », nous a expliqué le styliste, qui se défend pourtant de toute intention rétrospective. Rien de figé dans la scénographie non plus, puisque la danse, avec Pina Bausch ou Anne Teresa De Keersmaeker, ainsi que le cinéma, sont également à l’honneur de ces Inspirations. Et pour prouver s’il le fallait encore que la création peut décidément emprunter bien des voies d’expression, peut-être sous nos latitudes plus qu’ailleurs, Walter Van Beirendonck, un autre des fameux Six d’Anvers, a dessiné les costumes d’Akhnaten, qui se joue depuis le 13 février dernier à l’Opéra flamand. Une fois de plus, aucune fausse note pour la mode noir-jaune-rouge.
Edito de Delphine Kindermans, pour le Vif Weekend spécial Mode c’est belge, en kiosque le 27 février 2015
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