L’archi-couture de Felipe Oliveira Baptista

Le créateur portugais, qui est membre invité des défilés de haute couture, le 26 janvier, à Paris, lance sa première ligne de sacs. Portrait.

Le créateur portugais, qui est membre invité des défilés de haute couture, le 26 janvier, à Paris, lance sa première ligne de sacs. Portrait.

Sur l’un des murs de son showroom parisien, des photos d’avions supersoniques en côtoient d’autres, toutes au format A 4: des Indiens et leurs coiffes de plumes d’aigle, des squelettes de serpent formant de splendides colimaçons dentelés (qui inspireront peut-être des bijoux pour la prochaine collection couture), un portrait de l’aviatrice Amelia Earhart, première femme à traverser l’océan Atlantique en 1928… « Je suis descendant de navigateurs qui ont découvert les Açores », livre Felipe Oliveira Baptista devant ce « mur d’inspiration » de sa collection automne-hiver 2009-2010, qu’il dévoilera le 26 janvier, pendant les défilés haute couture, dont il est membre invité. « Cinq cents ans après, mon père a « découvert » ma mère aux Açores. Il était aviateur et ses tenues m’ont inspiré cette saison, autant l’aspect technique des vêtements de l’armée que l’aventure en général… », poursuit le créateur, né il y a trente-trois ans aux Açores et grandi à Lisbonne, lauréat du grand prix du Festival international de mode et de photographie d’Hyères dès sa première collection, en 2002, et de celui de l’Andam (Association nationale pour le développement des arts de la mode) en 2003.

Comme toujours avec Baptista, la collection à venir embrasse subtilement l’époque, telle une « métaphore abstraite de l’air du temps », dit-il. Face à un tempo anxiogène, il traduit en mode un instinct de protection (d’où les visières en Plexiglas et les casques en cuir) mais trace aussi des chemins de traverse, des « envies de s’échapper », dit-il, voire de revenir en arrière, à un environnement primitif et à des temps plus conquérants. Pour l’heure, les mécaniciennes s’activent sur des robes encore en devenir, dont on aperçoit des motifs « plumes », pas encore définitifs…

Son processus créatif est toujours le même: passionné par les jeux de construction et par l’architecture, « FOB » collectionne des photos de formes qui l’ont interpellé (des « chocs visuels », qu’il shoote avec son argentique: un menhir en Bretagne, une création aux rondeurs sensuelles de Zaha Hadid…), les déconstruit et les digère, jusqu’à aboutir à ses vêtements. Entre-temps, il esquisse des silhouettes en 3 D à partir de collages sur des cahiers d’écolier. Les premiers essayages se font sur sa femme, Séverine, directrice de la griffe, jolie blonde évanescente.

Justement, et la femme, Baptista, dans tout ça? Une créature à la féminité exacerbée, mais surtout pas girly, conquérante façon catcheuse, thème d’une de ses collections passées (été 2008), où les créatures, puissantes et énergiques, étaient autant de « White Terminator » ou « Goldorak » en robes bustiers à trompe-l’oeil et hanches parées d’excroissances avant-gardistes… Baptista sait aussi s’amuser: en témoigne sa collection été 2009, les Barbapapas, vestiaire seventies sexy-strict de tenues d’hôtesse « twisté » par une palette de couleurs limite fluo. « La séduction dentelle ne m’intéresse pas: je préfère troubler le jeu avec des codes masculins comme le blazer. »

Futuriste, il a souvent un temps d’avance. Se dit lassé par les années 1980, dont il a, bien avant leur retour en mode, traité l’esthétique outrancière (épaules hyperboliques, féminité de superhéroïne). Son univers très fort et personnel gagne en maturité, ses silhouettes épurées devenant plus portables à mesure qu’il s’éloigne des pièces de show très « sculpture » des débuts. En somme, il peaufine un style « couture dans la vraie vie », comme il le définit lui-même. Soit une qualité de fabrication exceptionnelle, due au travail artisanal, mais des pièces qui descendent dans la rue. « Couture dans la vraie vie »: une bonne définition de son positionnement personnel, loin des extravagances modeuses. A la fin de chaque show, un petit gars haut comme trois pommes accourt pour saluer le styliste. Son fils, Ulysse, 5 ans et lecteur assidu de…Barbapapa.

Katell Pouliquen,Lexpress.fr Styles

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content