L’habit fait leur force: quatre personnalités belges nous parlent de leurs vêtements

© JORIS CASAER

Par-delà les tendances, nos vêtements traduisent clairement notre personnalité et notre état d’esprit du moment. Tenue de combat ou réconfortante : ils nous ont ouvert leur dressing pour y piocher leurs indispensables.

Fanny Ruwet (25 ans)

Humoriste, chroniqueuse sur Pure FM et France Inter, elle oscille entre Bruxelles et Paris, où elle présente son spectacle Bon anniversaire Jean.

 » Mon type d’humour est très sobre, donc ça me semble logique que ma tenue le soit aussi – si j’étais Président, je serais sans doute François Hollande (rires). J’utilise peu d’artifices de mise en scène et je n’attire pas l’attention sur mes vêtements ; mes efforts, je les mets dans mes blagues, dans leur écriture, la façon dont je les raconte. Du coup, niveau vestimentaire, quand on me demande mon style, je réponds  » négligé « . Propre, mais négligé (rires). Concrètement, le matin, je prends le premier tee-shirt de la pile. Pour ne pas avoir à réfléchir chaque jour, je n’achète que des pièces faciles à combiner : il faut que tout aille avec tout, comme ça je peux mélanger n’importe comment.

Parfois, j’expérimente : l’autre jour, j’ai acheté pour 400 balles de fringues – parce que j’ovulais. Des trucs que je n’aurais jamais choisis d’habitude

J’aime bien ce qui fait un peu  » hipster classique « , à la Bellerose, où tu vas payer ton article beaucoup trop cher mais bon, c’est joli. Et pour les jeans, comme je suis minuscule mais que j’ai un tour de taille d’adulte, si j’en trouve un qui convient, je le garde le plus longtemps possible – celui que je porte a déjà été reprisé trois fois. Et puis, parfois, j’expérimente : l’autre jour, j’ai acheté pour 400 balles de fringues – parce que j’ovulais. Des trucs que je n’aurais jamais choisis d’habitude, notamment plein de robes alors que je n’en ai jamais mis de ma vie. Je me suis dit :  » Mais c’est pas moi, ça !  » Et puis, finalement, j’aime bien.

Sur scène, je n’ai jamais eu envie de me créer un personnage, avec un costume et tout, parce que je veux me montrer au plus proche de ce que je suis en vrai. Maintenant, je suis consciente de l’image que je renvoie, et je sais que des fois, ça m’infantilise un peu ; je ne joue pas sur l’aspect féminin parce que je ne le maîtrise pas, ni dans la vie, ni dans les vêtements. Cet été, j’ai trouvé une veste longue chez Marks & Spencer et, depuis que je l’ai achetée, je la mets tous les soirs, même si elle est beaucoup trop froide pour cette saison. Je l’ai achetée à Londres, j’avais hésité en la voyant – souvent je me dis :  » C’est beaucoup trop joli pour moi.  » Je trouvais qu’elle faisait à la fois classe et artiste maudit. Elle n’est pas dingue, la coupe longue me rapetisse un peu, mais dès que je l’ai enfilée, je me suis sentie bien. En plus, le côté costume me fait penser à Phoebe Waller-Bridge de la série Fleabag : dans beaucoup de shooting, elle a un look un peu masculin et je trouve ça très, très beau. Je pense que ce mélange entre  » distingué  » et  » artistique « , ça m’a plu parce que c’est ce que j’ai envie d’être. Et on se sape toujours pour devenir la personne qu’on veut être, non ?  »

à écouter : sur Pure FM et sur France Inter dans La drôle d’humeur de Fanny Ruwet

Élodie Ouédraogo (38 ans)

Créatrice de mode et ancienne athlète. Elle a lancé avec Olivia Borlée la marque sportswear 42/54.

Elodie porte un pull de sa propre collection 42/54 et un pantalon griffé Y/Project.
Elodie porte un pull de sa propre collection 42/54 et un pantalon griffé Y/Project.© JORIS CASAER

 » Pendant des années, je n’ai porté quasi que des tenues pour l’athlétisme mais j’essayais, de temps en temps, hors de la piste, de montrer une autre facette de ma personnalité. Par contre, je ne mettais jamais de hauts talons. Quand on doit s’entraîner deux fois par jour, on ne peut pas se permettre d’arriver au stade avec les pieds en compote. Après ma carrière, je suis passée par une phase de surcompensation – j’allais carrément au bureau avec mes platform shoes Saint Laurent Tribute, que j’avais achetées après les J.O. Résultat : je manquais régulièrement de me tordre la cheville, en traversant le parking, sur mes compensées de treize centimètres (rires).

Quand je vais chercher mon fils avec mon pantalon Y/Project, par exemple, je sais que les parents, à la sortie de l’école, vont me dévisager. Certains apprécieront, d’autres pas, mais ils se retourneront

Je suis en réalité une  » mood dresser  » : j’aime m’habiller selon mon humeur. Du coup, je n’ai pas un style défini… Parfois, pour une fête ou une sortie, j’opte pour un style chic et élégant : une pièce de chez Dries Van Noten ou Christian Wijnants, classe mais qui n’attire pas tous les regards ! Cela dit, il m’arrive aussi d’avoir envie qu’on me remarque, y compris un jour comme les autres. Quand je vais chercher mon fils avec mon pantalon Y/Project, par exemple, je sais que les parents, à la sortie de l’école, vont me dévisager. Certains apprécieront, d’autres pas, mais ils se retourneront (rires). Ma mère était couturière, elle cousait tous mes vêtements. C’est avec elle que j’ai dessiné mon premier survêt’. Déjà à l’époque, j’avais envie de ne pas ressembler aux autres. Très tôt, je me suis rendu compte qu’une tenue pouvait avoir un impact énorme sur la façon dont on se sent, et donc probablement sur ce qu’on dégage. L’effet  » waouh  » donne de la force. Quand on s’habille, on raconte une histoire, on dit quelque chose de soi. Quand on se sent bien dans un vêtement, cela se voit : on rayonne.

Néanmoins, mon passé de sportive continue d’influencer mon style et les jours où tout roule, je fais nettement moins attention à ce que je porte. Je peux me sentir bien avec un simple legging et des vieilles Ugg de 2001, que je n’ai pas le coeur de jeter. L’un des mes vêtements préférés en ce moment : un pull à manches extrêmement longues de notre collection. Il est si confortable que je ne résiste pas à la tentation de le porter tous les jours, d’autant que je peux le marier avec un simple legging et des baskets, mais aussi avec un pantalon de chez Y/Project et mes cuissardes Saint Laurent. Avec cette pièce, tout est possible : un look casual comme plus déjanté, sans jamais se sentir overdressed ou underdressed. Je me sens toujours parfaitement juste.  »

Baudouin Galler (39 ans)

Restaurateur, fondateur de la table d’amis Les coudes sur la table, à Embourg, journaliste mode dans une autre vie.

L'habit fait leur force: quatre personnalités belges nous parlent de leurs vêtements
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 » Le vêtement idéal, à mes yeux, c’est celui que j’oublie dès que je l’ai enfilé. Je sens tout de suite si je suis déguisé. Dans mon dressing, tout va avec tout : le matin, je pourrais presque m’habiller les yeux fermés. La base colorielle est assez simple : du bleu marine, du blanc, du noir. Ma pièce fétiche, une veste de bûcheron, est la seule touche de couleur de tout mon vestiaire.

J’ai besoin de m’entourer de matières solides et feel good dans lesquelles je me sens protégé et confortable

Je n’achète que des basiques : une fois que j’ai trouvé ce qui me va, je m’y tiens. Pour mes jeans, je ne porte plus que du denim japonais, un modèle de chez Filippa K, fuselé, tonique sans être slim, j’en achète deux par an et c’est bon pour toute l’année. Je privilégie avant tout les matières : le feutre, le tweed, le cachemire en hiver, l’été du coton et un peu de lin. L’important pour moi, c’est que cela se tienne bien : le côté quand même physique de mon boulot – je peux passer ma journée à porter des caisses de vin – fait que j’ai besoin de m’entourer de matières solides et feel good dans lesquelles je me sens protégé et confortable.

Dans ce métier où l’on sert des vins nature, où l’on se fournit chez les petits producteurs locaux, il y a toujours une envie d’être un peu rock mais avec une certaine élégance face au client. Aux pieds, je ne quitte jamais mes bottines Church’s : un bon cuir qui me tient la malléole mais qui rappelle mon adolescence grunge, l’époque où je portais des Dr. Martens. Elles sont mises à rude épreuve avec moi qui suis 10 heures par jour debout au minimum.

Dans mon rapport au vêtement, je préfère mettre un peu plus d’argent, peu de fois, que d’acheter tout le temps. Cela doit faire au moins cinq ans que je n’ai plus mis les pieds dans une chaîne de fast fashion. Je regarde bien sûr les étiquettes, la provenance des vêtements, la manière dont ils sont fabriqués. Cette conscience face à ce que je porte, je l’ai acquise pendant les années où j’étais journaliste mode homme pour Le Vif Weekend. Ce que je préférais alors, c’était passer dans les showrooms, chez Stephan Schneider, Hermès, Bottega Venetta, découvrir les pièces sur cintre, pouvoir les toucher, regarder la finition.

Je n’oublierai jamais cette interview avec Paul Smith, je portais une veste Hackett en cachemire, il l’a touchée aux emmanchures et il m’a dit en hochant la tête :  » good « . Comme lui, j’aime que l’on sente qu’il y a eu du travail derrière, que c’est réfléchi pour que le client se sente bien, pour la durabilité du vêtement. Le côté show-off de la mode en revanche ne m’intéresse pas. Mon idéal stylistique, à moi, ce serait Eddie Vedder, le chanteur de Pearl Jam, profitant à Rome de la dolce vita.  »

lescoudessurlatable.com

Valérie Bauchau (52 ans)

Comédienne, fidèle à un théâtre  » qui fait débat « , à l’affiche de Sylvia de Fabrice Murgia.

L'habit fait leur force: quatre personnalités belges nous parlent de leurs vêtements
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 » J’ai toujours eu un rapport assez amoureux avec le vêtement, très vite, je l’ai appréhendé comme un costume. Cela présageait sans doute de mon engagement futur dans le théâtre. Le costume est essentiel dans mon métier : il m’aide à trouver une démarche, une posture, un décalque de moi. Il m’amène ailleurs, il ouvre des portes dans mon imaginaire. Dans ma vie de tous les jours aussi, j’ai un côté caméléon : en fonction de l’endroit où je vais, des gens que je rencontre, je sais exactement comment je dois m’habiller pour être dans le même dress code que les autres ou au contraire… sortir du lot et prendre de la distance !

J’aime les mélanges, surtout ne répondre à aucun diktat. Mes filles font la même chose, ensemble, nous nous partageons une garde-robe assez monumentale

J’ai toujours la même base : un pantalon noir, un pull noir. J’aime cette idée de fond neutre auquel on ajoute une paire de chaussures – je suis une véritable shoes addict, il n’y a rien de plus théâtral ou de plus érotique à mes yeux que des escarpins rouges – une veste ou un bijou qui tout de suite prendra une autre densité et signera ma silhouette. Je les enfile et je deviens la Valérie que j’ai envie d’être à ce moment-là. Je sais précisément ce qui me va. Je n’ai presque plus besoin d’essayer. J’aime les mélanges, surtout ne répondre à aucun diktat. Mes filles font la même chose, ensemble, nous nous partageons une garde-robe assez monumentale.

Je garde tout, même des vêtements qui me viennent de ma mère – elle a 93 ans – et je les porte encore avec plaisir. Il y a vingt ans, j’ai joué dans Le partage de Midi de Claudel. Les costumes étaient magnifiques : ces robes taille basse et longues jusqu’à mi-mollet, je les trouvais terriblement sensuelles et sexy. Aujourd’hui encore, il m’arrive d’en acheter dans les boutiques vintage. Je chine un peu partout, je passe régulièrement chez Gabriele à Bruxelles, j’ai la chance d’habiter à deux pas. Je suis toujours à la recherche d’une pièce originale, quelque chose que personne d’autre n’aura, ce qui est de plus en plus difficile à trouver de nos jours. J’adore bien sûr Dries Van Noten mais c’est impayable, alors j’attends les grandes soldes.

Dans quelques semaines, je vais reprendre Sylvia (NDLR : la pièce met en scène la vie de l’auteure Sylvia Plath), retrouver ces robes des années 50 à la taille fine et marquée qui obligeaient les femmes à se tenir droite, à rentrer le ventre, à porter une gaine. Une preuve parmi d’autres de l’incontestable portée politique du vêtement.  »

En tournée en Belgique et en France à partir du 17 mars. theatrenational.be

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