La lingerie se réinvente, loin des campagnes publicitaires trop sexualisées

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Katrien Huysentruyt Journaliste

Il y a du neuf au rayon lingerie. Alors que l’offre classique s’élargit, les collections lounge et balnéaires s’invitent en boutique… toute l’année!

Voici dix ans, quand on cherchait un Bikini hors-saison, il fallait souvent se contenter d’un deux-pièces dépareillé, invendu du printemps passé, ou d’un maillot de sport. Désormais, la donne a changé et le beachwear a pris une place nettement plus importante dans les boutiques de lingerie. Et ce grâce au succès grandissant du secteur des loisirs et voyages qui, selon le bureau d’étude McKinsey, croîtrait quatre fois plus vite que le segment des autres biens de consommation. Alors que la vente de vêtements se tasse dans le monde entier, maillots, valises et autres articles de tourisme tirent leur épingle du jeu.

Autre conséquence du boom des escapades en avion : la disparition de la saisonnalité. Le climat à l’autre bout de la planète n’est pas forcément en phase avec la grisaille de notre petit pays. Raison suffisante pour s’acheter tenues légères et crème solaire en décembre. Avec en prime l’envie, pour les Millennials – ils seraient 97%, selon une étude américaine, à partager leurs vacances sur les réseaux sociaux – de privilégier des lieux et des looks instagrammables. La gamme de swimwear s’est donc considérablement élargie, avec de nouvelles marques hype, pour tous les budgets. Et pour ces petites griffes, Instagram reste l’outil de promotion le plus efficace, grâce aux publicités sponsorisées mais aussi aux tags des (micro)influenceurs.

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Bain de soleil

Et cela ne concerne pas que les lignes de bain proprement dites. Ainsi, Three Graces London a été lancée en 2015 dans l’optique de proposer des chemises de nuit. Mais très vite, ces robes en coton, distribuées notamment chez Selfridges, ont séduit des clientes à la recherche de robettes à arborer en bord de mer. Aujourd’hui, la marque se concentre sur les caftans, les Bikinis et les robes de plage, et voit son chiffre d’affaires doubler d’année en année. Sur Net-A-Porter, 60% des ventes concernent le segment des lignes « resort » et le webshop a lancé 39 nouvelles marques pour répondre à une demande grandissante. Toujours en ligne, depuis 2016, Farfetch a accru son offre de 349 %, et Matchesfashion de 288%. Le label Eres, quant à lui, a développé un vestiaire pour partir se dorer au soleil, et Chanel, propriétaire d’Eres, s’est offert la griffe britannique Orlebar Brown. Leur ligne beach Homme fait partie du top-5 des ventes sur le site de luxe Mr Porter.

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De Coachella à Tomorrowland, les festivals font, eux aussi, partie des expériences qui contribuent à la popularité de ces gammes aux accents estivaux… Plus globalement, de nombreuses pièces de ces collections se révèlent idéales par temps chaud, en ville ou à la campagne également. Un maillot pourra se porter en top sous un tailleur-pantalon, alors que, bien accessoirisée, une robette de plage convient très bien à une soirée de mariage, par exemple. Ce qui fait de cette garde-robe de plage un investissement intéressant au final, d’autant que les prix peu élevés contribuent à son succès. Une robe fleurie en crêpe Faithfull The Brand, sur Net-A-Porter, coûtera 172 euros, soit nettement moins cher que le caftan en soie zébrée griffé Oscar De La Renta, affiché à 3 125 euros.

Pyjama party

Mais une autre catégorie de vêtements s’impose doucement au rayon lingerie aujourd’hui: le loungewear, soit le jogging anobli, en quelque sorte. Il n’y a pas si longtemps, personne n’aurait osé ne serait-ce qu’ouvrir la porte en pyjama. Désormais, on se rend chez le boulanger vêtu d’un ensemble en maille cachemire… Car la mode confortable a conquis les médias sociaux grâce à des créations signées Celine, Chloé ou Brunello Cucinelli, mais aussi au travers de défilés – début des années 2010 déjà, Dolce & Gabbana invitait le pyjama sur le catwalk. Les peoples en voyage et les hommes et femmes d’affaires, demandeurs de tenues aussi élégantes que douillettes pour les vols long-courrier, ont également contribué à l’explosion du phénomène. Ces apparats de cocooning collent parfaitement à la tendance bien-être qui met en avant détente et pleine conscience. Les clients n’ont plus envie de logos, ils aspirent à des produits capables de leur faciliter la vie, leur offrant du confort malgré le rythme fou des journées de travail… sans rien céder au style pour autant.

Jael & Jacotte
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Le must de ce dressing nocturne? Les pièces en cachemire. En 2016, leurs ventes sur MatchesFashion.com ont augmenté de 300%. Selfridges avait lancé cette année-là Body Studio, un département spécial lingerie, tenues de nuit, active wear et loungewear. Le grand magasin londonien a vu ses ventes de loungewear premium augmenter de 30%, et celles de cachemire doubler.

Libération du buste

Le mode de vie hyperactif des femmes et leur besoin de confort influencent aussi l’offre de soutiens-gorge. Le push-up est tombé de son piédestal au profit de modèles sportswear et de « bralettes », ces modèles préformés mais sans armatures. Les soutiens de sport ont aussi perdu leur image anti-glamour, grâce à un choix beaucoup plus vaste de coupes et de coloris, inspirés par les influenceuses qui s’exhibent en version athlétique sur Instagram. Kim Kardashian s’est ainsi servie du réseau social pour une promo ultra-efficace de sa nouvelle ligne lingerie « shapewear » Skims, qui a battu tous les records de vente: plus de deux millions de dollars en moins de deux minutes – suivie un mois plus tard d’une collection homewear. Sur son compte Instagram: des mannequins de toutes les morphologies, toutes les carnations, dans des tenues seconde peau, entre lingerie et tenues en coton à porter chez soi.

Love Stories
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Une modification du marché qui est aussi à mettre en relation avec l’évolution de l’image de la femme. Après le mouvement #metoo, les campagnes publicitaires trop sexualisées, avec leurs mannequins collant à un pseudo idéal de beauté, sont devenues hors sujet. De jeunes marques de lingerie opèrent une percée intéressante, souvent menées de main de maître par des femmes (comme les griffes belges Judith Lingerie et Ophelia). Elles secouent le cocotier: au diable les valeurs d’antan, bonjour le body positivism ! Ces petits labels créent une lingerie désirable – belle et confortable – que les clientes achètent pour se faire plaisir. Cette nouvelle image du corps annonce sans doute d’autres évolutions. On voit ainsi s’élargir nettement la palette des dessous nude et des tailles de bonnets. Car il n’y a rien de plus sexy que se sentir bien dans sa peau et pouvoir s’affirmer telle que l’on est. #wellness

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