La mode, reflet des réalités sociales

Gisele Bündchen dans Big Magazine en 1999, l'archétype du mannequin glamour exposé comme une marchandise et regardé avec avidité. © Vogue Italia / Peter Lindbergh

Comment les créateurs intègrent-ils les préoccupations sociétales dans leur travail? Quelle influence peuvent avoir les crises économiques ou des mouvements comme Black Lives Matter? L’émotion sincère est-elle encore possible dans la mode aujourd’hui? Le ModeMuseum d’Anvers, qui rouvre ce 4 septembre, se penche sur ces questions dans une expo passionnante.

La mode n’a pas son pareil pour exalter les émotions brutes qui s’emparent de la société. C’est en tout cas l’avis d’Elisa De Wyngaert, co-autrice du livre E/MOTION. Mode en transition et curatrice de l’exposition du même nom , qui marque la réouverture du MoMu d’Anvers. « La mode a ce pouvoir parce que nous y sommes tous continuellement liés, explique-t-elle. Tout le monde doit s’habiller, tous les jours. Les vêtements sont aussi très proches de nous, de notre identité, de la manière dont nous nous projetons dans la société ainsi que de la façon dont nous communiquons entre nous. Certains le font plus consciemment que d’autres, mais personne n’échappe complètement à ce phénomène. »

E/MOTION démontre ainsi comment, ces trente dernières années, les créateurs ont pu traduire, volontairement ou non, certaines réalités sociales dans leurs collections. « La crise migratoire des années 2000 en est un bon exemple, poursuit Elisa De Wyngaert. Certains ont abordé le sujet de façon très engagée, alors que d’autres ont réagi de manière plus inconsciente face aux images des bateaux de fortune et des camps surpeuplés. Souvent, ce n’est d’ailleurs que plusieurs années plus tard que les créateurs se rendent compte qu’une collection constituait une réaction à une de leurs préoccupations d’alors. »

Peter Lindbergh shoote Amber Valetta dans un accident grave, pour Vogue, un exemple des photos de catastrophes, populaires au début des années 2000.
Peter Lindbergh shoote Amber Valetta dans un accident grave, pour Vogue, un exemple des photos de catastrophes, populaires au début des années 2000.© Vogue Italia / Peter Lindbergh

L’exposition, comme le livre qui y est attaché, donne la parole aux jeunes créateurs et aux étudiants en mode, qui considèrent souvent leurs créations comme un outil de communication et prennent conscience que le système actuel est devenu intenable. « Quand on discute avec eux, on sent bien qu’ils veulent repenser la mode. Comment considérer la production et la collaboration dans le futur? Comment puis-je trouver de la satisfaction? Quelle est ma plus-value, ma contribution? Les étudiants s’interrogent beaucoup là-dessus. Nous vivons aussi dans un climat d’activisme et d’expression de ses opinions et les créateurs d’aujourd’hui peuvent s’exprimer de façon bien plus directe qu’auparavant. Ceci étant, dès les années 90, quelqu’un comme Walter Van Beirendonck a créé des collections militantes autour de la crise du sida et du safe sex, et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. » Futile, la mode?

L'été 20 de la Londonienne aux racines indiennes Supriya Lele: féministe et inspiré de ses souvenirs.
L’été 20 de la Londonienne aux racines indiennes Supriya Lele: féministe et inspiré de ses souvenirs.© Jamie Hawkesworth

E/MOTION. Mode en transition, au MoMu, à 2000 Anvers. momu.be Du 4 septembre au 23 janvier 2022. Le livre est publié en anglais et en néerlandais chez Lannoo.

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