Le retour polémique de la fourrure

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Stagiaire Le Vif

La campagne de l’association Peta, « Plutôt à poil qu’en fourrure », a beau avoir contribué à rendre la fourrure politiquement incorrecte dans les années 1990, force est de constater qu’aujourd’hui les peaux animales ont encore et toujours la côte sur les podiums des grandes capitales de la mode, mais aussi dans les rues commerçantes et populaires.

Les grandes marques la bannissent de leurs collections les unes après les autres, comme en témoigne encore la récente décision du groupe de mode Inditex (qui possède les chaînes Zara, Bershka et Massimo Dutti) de cesser la vente de fourrure dans le monde. Au total, plus de 300 entreprises ont signé la déclaration de la FFA (Fur Free Alliance), une coalition internationale d’une quarantaine d’organisations de défense des droits des animaux qui proteste contre l’utilisation de fourrure dans l’industrie de la mode.

Malgré cela, les chiffres de ces dernières années indiquent que l’industrie de la fourrure et les élevages d’animaux de fourrure, en particulier le vison et le renard, se portent à merveille et sont en croissance constante depuis la fin des années 1990.

Chaque année, 50 millions d’animaux sont tués pour le commerce de la fourrure, dont 45 millions sont issus de l’élevage, qui se situe principalement dans les pays scandinaves, en Russie, au Canada, aux États-Unis et de plus en plus en Chine (voir les chiffres).

En dix ans, la production mondiale de vison a doublé pour atteindre 66 millions de peaux l’an dernier, et l’Europe reste le premier producteur de fourrure, le Danemark en tête: les 1.400 élevages danois ont exporté pour 1,7 milliard d’euros de peaux de vison l’an dernier, ce qui en fait le principal produit d’exportation vers la Chine où les peaux sont travaillées et commercialisées.

Le commerce florissant du vison a eu pour résultat de faire grimper les prix en flèche ces dernières années, suscitant des vocations.

La Suède voit ainsi, pour la première fois depuis 20 ans, de jeunes agronomes appâtés par des marges généreuses ou des fermiers traditionnels en quête de revenus supplémentaires démarrer leurs propres élevages.

Selon les professionnels, ce retour de grâce pourrait être une conséquence de la crise de 2008.

Quand l’économie souffre, tout ce qui compte c’est de relancer la croissance et le luxe du politiquement correct a tendance à se volatiliser, explique Bo Manderup, chef du lobby européen Fur Europe.

Côté mode, 70% des designers auraient utilisé de la fourrure dans leurs collections d’hiver l’an dernier, et la tendance semble se confirmer aux Fashion Weeks cette année. Jean-Paul Gaultier, Giambattista Valli, BCBG Max Azria, Fendi, Versace, Paul Smith, Gucci, Ralph Lauren, Marni, Roberto Cavalli, Tom Ford, Vivienne Westwood, Jason Wu, … tous les grands de la mode semblent avoir adopté la tendance.

De quoi faire bondir les militants de la cause animale, pour qui l’élevage et la mise à mort des bêtes, dans des conditions qui souvent relèvent de la torture, pour se parer de leur fourrure n’est tout simplement pas éthiquement justifiable en 2014.

En dépit du travail acharné des associations de défense des animaux, qui ont réussi à faire de la fourrure un produit politiquement incorrect et à pousser le Conseil de l’Europe a émettre des recommandations censées au moins garantir l’origine des animaux et leur bien-être, les militants continuent à dénoncer les pratiques inhumaines de cette industrie, où les animaux sont souvent élevés dans des conditions abominables et dépecés alors qu’ils sont encore conscients.

L’association autrichienne Vier Pfoten (Quatre Pattes) vient par exemple de diffuser des images tournées dans un élevage de Finlande, pays qui détient la palme européenne de la peau de renard.

On y voit des renards obèses par manque d’activité physique, d’autres privés de queue – possible signe de cannibalisme – ou vivant au-dessus de piles d’excréments. Pourtant, cet élevage détient le label « Saga Furs », censé garantir des « pratiques responsables ».

Pour Thomas Pietsch, expert en animaux sauvages auprès de Vier Pfoten, cela prouve qu’il n’y a pas d’élevage d’animaux de fourrure respectueux des bêtes.

D’innombrables photos et vidéos du même genre sont sans cesse diffusées par les associations, qui refusent que l’on ferme les yeux sur la souffrance animale générée par cette industrie et continuent à se battre pour son abolition.

Certains pays ont d’ailleurs déjà emprunté cette voie. C’est le cas de l’Autriche et du Royaume-Uni, où l’élevage des animaux à fourrure est interdit ; des Pays-Bas, troisième producteur mondial de vison, qui bannira totalement cette pratique à partir de 2024 et de la Norvège, produisant respectivement 1 et 4% de la production mondiale de peau de vison et de renard, qui s’est donnée jusqu’à la fin 2014 pour réfléchir au démantèlement contrôlé de son industrie ou à son développement durable.

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