Le textile fait de la résistance

Poupées palestiniennes en habits de fête traditionnels créées dans le camp libanais d'Ein El-Hilweh, où 64 femmes se forment à la broderie afin de préserver cet héritage. © mashid Mohadjerin

« Anvers et la Flandre sont connectées au reste du monde par l’asile et la migration, Anvers abrite plus de 170 nationalités et on y parle 183 langues différentes », tient à préciser Kaat Debo, directrice du MoMu, le musée de la Mode de la ville portuaire.

« L’exposition Textile as resistance entre dans le cadre de notre mission, qui est de donner au MoMu un rôle qui fait sens pour tous et de permettre le changement social, esthétique et personnel. Nous entendons continuer à créer l’inspiration à l’aide d’une foule d’initiatives s’inscrivant dans la lignée de cette exposition… » Dont acte.

Le temps d’une rénovation en profondeur, l’institution a quitté son fief de la Nationalestraat pour s’installer à Courtrai, hors les murs, et confier le soin à deux curatrices extérieures d’explorer le textile comme puissant symbole de résistances. Samira Bendadi est née au Maroc en 1966 et aujourd’hui journaliste au MO Magazine, spécialiste de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient tandis que Mashid Mohadjerin (photo) est née en Iran en 1976, photographe, exploratrice inaltérée de l’identité et des migrations et auteure en 2017 de Lipstick and Gas Masks: Women and Resistance in Egypt and Tunisia. A deux, elles ont arpenté des territoires qu’elles connaissent, où s’agglomèrent l’activisme, le rôle des femmes qui résistent, les migrations et l’exil, l’aliénation culturelle et sociale, la recherche d’identité. Une manière de faire entendre la voix de ceux – il se fait que c’est surtout celles – qui se taisent, luttent pour survivre, portent leur famille à bout de bras et, par la même occasion, leur communauté, sauver ce qui reste du lien social malmené par les guerres et les déplacements toujours forcés.

Elles ont ainsi assemblé des témoignages qui s’ancrent à Anvers, Paris, Beyrouth, Alep, Kaboul ou ailleurs dans le monde, avec le textile comme langage commun qui n’a guère besoin de traduction, ni de traducteurs et qui révèle, si on prend la peine de s’arrêter à le contempler, ceux, celles, qui cousirent ces étoffes, les brodèrent et les portent encore fièrement comme reliquats de ce qui fut, de ce qui les constitue, rassemble et concentre mieux que tous les lambeaux de leur histoire. On y lit entre les lignes, entre les trames, la tristesse et la douleur, la force et la résilience. A l’image de ces trois poupées palestiniennes en habits de fête traditionnels, nées des mains de femmes qui n’ont jamais connu que les ruelles défoncées de leur camp libanais à Ein El-Hilweh, si proche et si loin de leur terre ancestrale.

Textile as resistance, MoMu Fashion Museum Antwerp et Texture Kortrijk, 28, Noordsraat, à 8500 Courtrai. www.momu.be et www.texturekortrijk.be Jusqu’au 16 février prochain.

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