Maison Margiela Bruxelles ferme ses portes

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Isabelle Willot

Le propriétaire de la boutique historique de la rue de Flandre, à Bruxelles, a rendu son tablier. La faute au piétonnier, assure-t-il, mais aussi à la concurrence sans pitié du commerce en ligne.

« Nous avons tout essayé pour garder la boutique ouverte mais nous avons été contraints de fermer nos portes ce lundi 12 août ». Pour le propriétaire de la toute première boutique Maison Martin Margiela, ouverte en 2002, rue de Flandre, à Bruxelles, c’est une page qui se tourne, hélas, définitivement. Les attentats de 2016, les travaux du piétonnier et le commerce en ligne ont eu raison de cette enseigne pourtant appréciée par une clientèle fidèle, trop peu nombreuse hélas pour assurer sa survie.

Ce n’est pas la première fois dans son histoire que ce quartier historique du centre de Bruxelles change de visage. Avant d’être une boutique de mode, la petite maison blanche accueillait un magasin de musique réputé pour ses partitions rares. Début des années 2000, la rue Dansaert et ses environs s’est peu à peu gentrifiée, les anciens commerces cédant peu à peu la place à des restaurants branchés et à des enseignes de créateurs, pour devenir progressivement un haut lieu de la mode belge.

Avant d'être une boutique de luxe, la maison accueillait un magasin de musique.
Avant d’être une boutique de luxe, la maison accueillait un magasin de musique.

Il semble qu’il soit en train de subir, bien malgré lui, une nouvelle mutation, poussé dans le dos par le projet du piétonnier voisin dont se plaignent depuis des années maintenant les commerçants des environs. « Trop de bouleversements sur un laps de temps très court ont eu un impact important, assure Nicola Vercraeye, actuel propriétaire de la boutique Maison Margiela. Le fameux piétonnier, zone piétonne qui relie l’axe Nord / Midi, a littéralement coupé la ville en deux, sans parler de la propreté qui fait tellement défaut. Nous voyons de plus en plus de tourisme de masse qui a pris la place d’un tourisme plus haut de gamme. Il en va de même pour les restaurants, progressivement remplacés par des fast food. »

La politique d’aménagement du territoire n’est toutefois pas seule en cause pour expliquer la déroute de l’enseigne de luxe. Celle-ci propose des vêtements certes durables et intemporels – donc meilleurs à long terme pour notre planète… – mais sans doute trop chers pour les visiteurs d’un quartier déserté par une clientèle plus aisée qui peine désormais à s’y retrouver. Quand une boutique devient trop difficile d’accès, il est plus que jamais tentant de céder aux sirènes du commerce en ligne… « Ce type de pratique ne cesse d’augmenter, reconnaît Nicola Vercraeye. Le client commande, hésite quelques semaines et renvoie. L’argent est soigneusement remboursé. Une boutique indépendante comme la mienne ne peut se permettre cela. Le problème n’est pas que local, la preuve, regardez ce qui se passe à New-York où même Barneys, grand magasin tellement réputé, est aujourd’hui en difficulté. »

L'oeuvre du graffeur Kidult n'a pas fait long feu.
L’oeuvre du graffeur Kidult n’a pas fait long feu.

Il est bien loin le temps où les curieux se pressaient devant la devanture taguée par le graffeur Kidult. C’était en 2012, l’année où H&M décidait de rééditer les pièces cultes du créateur anversois. Depuis lors, la marque rabaptisée Maison Margiela comme pour gommer en supprimant le prénom une référence trop directe à son fondateur est passée sous la direction artistique du créateur britannique John Galliano en 2014. Un nouveau tournant qui n’aura pas permis à la petite boutique indépendante, la dernière du genre, à garder la tête hors de l’eau. « Le contact avec mes clients fidèles va me manquer, regrette Nicola Vercraeye. Ils venaient voir les collections et me faisaient entière confiance pour les habiller. Jusqu’au bout, ils m’ont soutenu dans mon projet. »

Nul ne sait encore à ce jour par quoi la marque de mode sera remplacée.

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