Poiret renaît de ses cendres

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Il a libéré le corps des femmes. Paul Poiret (1879-1944), plus communément appelé Poiret Le Magnifique, a jeté leur corset aux orties, c’était en 1906, elles lui en seront éternellement reconnaissantes.

D’autant que le couturier a eu l’élégance d’inventer une garde-robe qui avait de l’audace, l’histoire a retenu qu’il dessina une jupe-culotte qui fit scandale. A sa façon, il se plaisait à réinterpréter l’orientalisme et les exotismes venus d’ailleurs, de Russie ou d’Afrique, dans des tons qui se disputaient le vif et l’acide. La flamboyance lui était naturelle – ses fêtes hollywoodiennes laissèrent quelques souvenirs non périssables. Ce qui ne l’empêcha pas de mourir seul et ruiné. Mais c’est de l’histoire ancienne.

En ce dimanche 4 mars, dans la nef du Musée des Arts décoratifs à Paris, la griffe, l’une des premières maisons de mode françaises (après Lanvin mais avant Chanel), renaît de ses cendres, presque 90 ans plus tard. Elle est désormais passée sous pavillon sud-coréen, rachetée en 2015 par le géant de la distribution Shinsegae, confiée à Yiqing Yin, jeune créatrice française d’origine chinoise épaulée par l’Anversoise Anne Chapelle, propriétaire d’Ann Demeulemeester et Haider Ackermann, « un peu nerveuse » en ce grand jour. Les fumigènes ont plongé le lieu majestueux dans une atmosphère forcément embrumée, l’imaginaire peut se débrider – Paul Poiret aimait ça.

Yiqing Yin travaille sur ce projet depuis un an déjà, tentant de relire les archives et de réinventer une maison et un langage qui ont marqué les esprits. Formée à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, passée par la haute couture sous son nom et par la maison Leonard, la jeune femme (32 ans) a conservé l’esprit de ses antécédents. En 40 silhouettes, elle pose les bases d’un vocabulaire fait de doudounes oversize que l’on ferme d’une main, façon contemporaine, de parkas portées sur jupe plissée, de jumpsuit en lamé, de volumes basculés, de drapés libérés, de manteaux kimonos, de vêtements à porter de différentes manières, dos devant et inversement, d’esprit kimono et de ceinture à nouer avec emphase.

Il y a là une certaine nonchalance dans l’attitude, de l’exotisme dans les formes, des réminiscences dans les chromatismes acidulés. Si l’exercice est réussi, reste pourtant l’avenir à construire, sur ces bases historiques qui n’ont pas la puissance et l’aura d’autres maisons. Avec pour atout, l’engouement de cette Asie consumériste fan d’un Paris couture fantasmé.

Anne-Françoise Moyson

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