loic prigent
Loïc Prigent, à l'oeuvre derrière sa caméra

Rencontre avec Loïc Prigent, l’impertinent décodeur de la mode

Depuis vingt-sept ans, le célèbre documentariste Loïc Prigent s’invite dans les coulisses des défilés et des maisons de luxe. Dans son essai Mille milliards de rubans, il déroule avec piquant l’histoire de la crinoline comme ancêtre du prêt-à-porter.

Avec un enthousiasme contagieux, dans un flot d’adjectifs qui font mouche, Loïc Prigent se lance dans l’essai. Dans son Mille milliards de rubans, il conte «la vraie histoire de la mode», de la crinoline (1855) à la petite robe noire de Gabrielle Chanel (1926). On comprend d’emblée qu’un deuxième tome est sur le feu, tant mieux.

Il est entré dans le monde du luxe et de la mode il y a vingt-sept ans, en foulant la moquette verte forcément épaisse des salons de la maison de couture Yves Saint Laurent. Depuis, l’ex-jeune pigiste pour Libération est devenu l’homme qui révolutionna la manière de parler d’un univers qui a des airs de cour de Versailles. Et où la comédie humaine se joue à grand renfort de drama, de coups bas, d’excès et de beauté vestimentaire éphémère mais cependant éternelle.

Dans les coulisses des défilés

Au bout de tout ce temps passé à le décrypter pour la télé (TMC, France Télévisions), sur son compte Instagram @loicprigent, sur sa chaîne YouTube Moodboard, sur papier, chez Grasset, avec ses deux premiers bouquins apéritifs J’adore la mode mais c’est tout ce que je déteste et Passe-moi le champagne, j’ai un chat dans la gorge, il analyse les origines très luxe du prêt-à-porter, «né avec la robe la moins prête à porter de tous les temps», la crinoline.

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C’est savant et joyeux, c’est enlevé et enchanté. A son image, lui qui ne boude jamais son plaisir au premier rang des défilés. Le dernier en date, c’était cette vague de frissons ressentie au show de Nicolas Di Felice pour Courrèges. «Je me suis senti vivre», lâche-t-il. Il n’en finit pas de savourer sa chance de découvrir les coulisses des savoir-faire ancestraux et les backstages d’une planète où tout n’est pas que calme, luxe et volupté.

Avec Mille milliards de rubans, vous vous lancez dans l’essai. Et d’emblée vous confiez votre sentiment d’imposture. Dès la première phrase, vous décrivez votre arrivée à Paris, en 1997, de Plouescat, en Bretagne, en vous demandant si «un village qui commence par Plou, cela fait de vous un plouc»…

Loïc Prigent. Oui et non en réalité, parce que c’est une fierté de savoir d’où on vient et c’est aussi une humilité, par moments. J’écris d’ailleurs que si ça veut dire que l’on vient de l’extérieur avec un regard différent, et d’un village avec les plus belles plages, ça ne me dérange pas. Par contre, je me méfie du sentiment d’imposture. Je l’ai trop souvent vu utilisé notamment contre des femmes dans le travail, et je n’aime pas ça.

Du coup, je m’en méfie beaucoup, pour les autres et pour moi, je préfère donc ne pas me l’imposer ni le subir. D’autant que tout le monde a sa place: personne n’est une imposture. Surtout pas dans la mode. Il existe plein de bonnes inventions de mode qui ont été faites par des gens qui n’étaient pas des couturières ou des couturiers.

Vous rêviez de ce monde-là, adolescent?

Loïc Prigent. Oui, mais plutôt la mode et son champ visuel comme expression d’une époque. Je l’aimais vraiment dans l’idée d’une urgence et de l’expression d’une modernité, plus que dans les savoir-faire, je ne savais même pas que cela existait et je m’en fichais complètement. La mode me plaisait pour son artifice… J’adorais regarder les constructions des images, comprendre comment on pouvait en créer qui ressemblaient à celles du vieil Hollywood. Je trouvais ça dingue.

Loïc Prigent en uniforme workwear avec Yseult en chanteuse VIP.

Vous avez eu la chance d’entrer dans la mode par la grande porte, puisque votre première fois, c’est un défilé Saint Laurent. Vous décrivez le Saint des Saints, Yves Saint Laurent en statue de commandeur, Pierre Bergé en Méphisto, et vous, un peu méfiant, avec votre petit carnet à spirales de journaliste pigiste à Libération. Avez-vous enjolivé ce souvenir ou l’analysez-vous de la même manière, vingt-sept ans plus tard?

Loïc Prigent. Je me dis que j’avais raison de me méfier et que c’était même plutôt sain. J’ai revu dernièrement les images de ce défilé Saint Laurent, quand j’ai été accueilli sur Quotidien, la documentaliste me l’a montré. Je ne l’avais pas regardé avant d’écrire Mille milliards de rubans mais cela ressemble à mon souvenir: il y a des tailleurs gris qui sont sublimes mais soporifiques, des bottes marron qui sont sûrement extrêmement bien faites mais qui étaient à côté de la plaque à ce moment-là et Pierre Bergé qui fait vachement de bruit et qui est «contre» la mode d’alors…

C’est dommage d’ailleurs, parce qu’il a tellement fait pour elle. Bref, je n’ai rien enjolivé. J’aurais aussi pu relire mon vieux carnet à spirales… Je les ai tous gardés, rien que pour le logo Libé, c’était chic… J’étais fier de mon carnet, parfois, il suffit de ça, de ce petit rien qui vous investit de quelque chose…

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On vous avait prévenu alors que ce monde, c’est «la planète zinzin». Vous le qualifiiez d’hystérique. Aujourd’hui encore?

Loïc Prigent. Oui, il n’a pas changé tant que ça. Il y a certes eu un renouvellement générationnel mais je ne pense pas que cela ait beaucoup changé, ni les emballements, ni ce qui se joue… Cela ressemble sans doute à la cour de Versailles. Plein de choses y sont immuables, j’imagine que c’est parce que cela comporte des ressorts psychologiques: l’attrait de la nouveauté, qui est qui, qui domine, qui va dominer, qui domine moins, la mémoire courte… Je n’ai pas rematé le film Prêt-à-porter de Robert Altman qui avait emballé tout le monde au début des années 90, mais je suis sûr que c’est la même chose, sauf que ce n’est plus Julia Roberts au centre de cet échiquier-là.

La mode n’est-elle pas excessive dans son essence?

Loïc Prigent. Oui, même quand elle fait semblant de ne pas l’être! Il faut qu’elle y croie pour exister. Il faut qu’on ait la sensation que c’est radical, que cela vieillit tout ce qu’il y a eu avant, que cela rende absolument tout désuet… Les modes définissent dès lors l’époque. En un coup d’œil, on la repère, quasiment à l’année près. On voit tout de suite si c’est un vêtement des années 20 ou des années 30, si c’est 1980 ou 1993, si c’est un hippie ou un yuppie. Ce sont des archétypes faciles à reconnaître. Sauf peut-être pour quelques hurluberlus ou quand c’est entre du Louis XV et du Louis XVI, parce que les cycles de la mode n’étaient pas aussi rapides.

L’univers luxueux d’un salon de haute couture vu dans la série Cristobal Balenciaga.

Votre documentaire Signé Chanel a fait date parce que vous y pratiquez pour la première fois cette inversion des perspectives où vous filmez et ébruitez tout ce qui se passe en coulisses. Etait-ce réfléchi ou instinctif?

Loïc Prigent. C’était réfléchi, c’était une demande de Pierrette Ominetti, la productrice en charge du projet chez Arte. Elle avait vraiment pris le temps de me dire: «Ne vous laissez pas éblouir par Karl Lagerfeld. Filmez. Filmez les mains.» J’avais regardé à nouveau les films d’Alain Cavalier sur les mains et les savoir-faire, et d’autres sur des gens qui jouent aux jeux vidéo, parce que je me posais la question de comment filmer quelque chose de lent et dont le côté palpitant est évident quand on le vit mais pas facile à restituer. J’avais donc une espèce de moodboard. Et j’avais aussi eu dix ou quinze jours de tournage dans la maison, avant même que Karl ait commencé à faire la collection. J’avais donc déjà une esquisse de complicité avec les premières d’atelier.

Vous avez vite appris à maîtriser les codes?

Loïc Prigent. En tout cas, j’avais commencé à comprendre la hiérarchie, le ton, quels escaliers emprunter dans ce dédale! Au bout de quinze jours, on circulait sans badge dans la maison de couture, on nous faisait confiance. On était les parasites acceptés dans cette espèce de microcosme Chanel. Et ça, c’était génial. Ce tournage et ce montage ont été une chance, une parenthèse enchantée pour moi. Karl n’avait pas trop aimé le docu la première fois qu’il l’avait vu. Je crois qu’il était frustré d’avoir été autant filmé pour si peu de temps d’antenne, je peux comprendre. C’est après qu’il a pigé: on montre qu’il fait partie d’un tout, ce n’est pas un film sur Karl mais sur Chanel et sur la haute couture.

Les films et les séries sur les maisons de luxe ont du succès, de Cristobal Balenciaga à Becoming Karl, de Phantom Thread à La Maison. Comment expliquez-vous cette appétence?

Loïc Prigent. Parce qu’on se fait matraquer chaque jour par des images sur Balenciaga, Dior ou Chanel et que du coup, ils sont devenus des personnages de conte: Cristobal Balenciaga ou Cendrillon, Christian Dior ou les frères Grimm, Gabrielle Chanel ou La Petite fille aux allumettes! Les maisons nous racontent leur ADN à longueur de journée et nous narrent des histoires pour vendre des sacs à main ou des cardigans, cela me paraît donc logique qu’on en fasse des séries télé et des produits dérivés.

On pourrait d’ailleurs faire un parc d’attractions Balenciaga, ce serait marrant, je monte dans le Super huit de la ligne Tonneau de 1946 sans hésiter! Et je pense qu’on pourrait encore tourner des séries sur Gabrielle Chanel – une hyper intello, une télénovela, une sitcom… Le terrain est loin d’être labouré en entier, pour faire une métaphore qui plairait à mon père agriculteur.

Loïc Prigent, sa caméra et Aya Nakamura.

Avez-vous le sentiment de faire œuvre utile à dévoiler les à-côtés, les en-dessous de cet univers luxueux?

Loïc Prigent. Je n’ai pas la sensation que ce que je fais soit très grave… Quand on vient me voir et qu’on me dit: «J’ai été inspiré par telle vidéo» ou «J’ai eu mon job chez Jacquemus grâce à une anecdote d’un de vos films que j’ai ressortie à l’entretien d’embauche…», ça me fait marrer et je me sens utile. Virgil Abloh m’avait confié qu’il avait beaucoup apprécié le documentaire que j’avais réalisé sur Marc Jacobs et Louis Vuitton et que ça lui avait vraiment été utile créativement et humainement aussi.

Ça fait plaisir. Et c’est cool de se dire que ça sert de montrer le travail des ateliers pour que des gens réalisent que ces métiers de la main sont importants – la transmission, cela compte… Et j’aime aussi montrer que l’on peut créer soi-même sans avoir suivi les règles de l’art et avoir compris les modes d’emploi. Mais je ne monte pas la colline tous les matins avec un bâton!

Une fois que vous suivez les tendances, faut surtout pas s’arrêter. Sinon ça vous date très vite, pas besoin de Carbone14

Paris est-elle toujours la capitale du luxe, de l’élégance et de la mode, comme au temps des crinolines?

Loïc Prigent. J’ai l’impression qu’elle l’est de plus en plus. L’outil industriel est là, l’outil marketing, aussi. C’est tout de même à Paris que Chanel a construit un énorme bâtiment pour rassembler ses métiers d’art, le 19M. Et la porosité de la ville à la proposition de mode étrangère fait que c’est aussi pour cette raison qu’elle est la capitale de la mode. A Londres, on ne voit que des créateurs londoniens; à Milan, on ne voit que des Milanais ou, limite, des Romains; à New York, on voit des New-Yorkais mais à Paris, on voit le monde entier défiler.

Les gens viennent de partout pour profiter de la lumière de la ville et pour rajouter de la lumière à ce phare, parce que s’il n’y avait que des lumières françaises dans Paris, ce ne serait pas du tout la capitale de la mode. C’est évident. C’est grâce à Comme des Garçons qu’on l’aime, c’est grâce à Rick Owens qu’on l’aime, c’est grâce aux premiers défilés qu’on a vus cette saison, par des créateurs et créatrices qui viennent de Suède comme Hodakova ou des Pays-Bas, comme Duran Lantink. Ce sont ces gens-là qui font que son cœur bat encore et qu’on n’a pas de pacemaker…

En bref Loïc Prigent

  • Il naît le 15 juillet 1973 à Plouescat, en Bretagne.
  • En 1997, jeune pigiste à Libération, il assiste à son premier défilé chez Yves Saint Laurent.
  • En 2005, il réalise pour la chaîne franco-allemande Arte un documentaire sur la maison Chanel, titré Signé Chanel.
  • Le jour d’avant, série de documentaires sur les maisons de couture, démarre en 2008, suivie de la série Habillé(e)s pour… sur Canal+ dès 2012.
  • Il publie chez Grasset J’adore la mode mais c’est tout ce que je déteste en 2016 et Passe-moi le champagne j’ai un chat dans la gorge en 2019.
  • Il signe le documentaire sur Jacquemus, Le prince soleil, en 2023.
  • En 2024, il raconte la vraie histoire de la mode 1850-1912, dans Mille milliards de rubans paru chez Grasset, la suite arrive…

Quelle est votre définition du luxe?

Loïc Prigent. Je parlais un jour avec Serge Brunswick, qui était alors CEO de Fendi, et qui évoquait le fait de bouger ou de briser quelque chose. Et j’ai trouvé ça assez intelligent parce que c’est vrai que le luxe, c’est quand il y a du jeu, du mouvement. Cela signifie que le luxe n’est pas la chose installée, il n’est pas forcément là où on attend qu’il soit. Souvent, je trouve les promesses d’expériences de luxe ou d’objets de luxe vraiment conventionnelles… Quand il est devenu académique, le luxe n’est plus vraiment du luxe, c’est autre chose, c’est du statut, un signe extérieur de richesse.

On confond beaucoup les deux et ce n’est pas du tout pareil selon moi. Le luxe doit provoquer un frisson intime. Même si on peut en avoir aussi avec un signe extérieur de richesse – l’esprit de revanche est un énorme moteur pour la consommation du luxe. J’aime aussi l’idée d’inventivité dans le luxe, on pense tous trop souvent qu’il doit coûter 400, 5.000 ou 10.000 euros – et Dieu sait que l’inflation, nos amis du luxe la connaissent. Moi je trouve qu’il peut être gratuit. Ou coûter deux balles, cela n’a pas tout à voir avec l’argent. Même la paire de chaussettes qu’on a prise au fond de son tiroir le matin, c’est pour moi de l’ordre du luxe. Si on n’a pas froid aux pieds, c’est déjà un luxe, non?

On ne vous voit jamais dans des joggings siglés et coûteux. Vous vous êtes construit un style workwear – ou peut-être n’y a-t-il pas eu de construction mais une chose est sûre, vous n’êtes pas un portemanteau de maisons de luxe…

Loïc Prigent. Non, pas vraiment. J’ai effectivement adopté un style proche du vêtement de travail. Pour le confort et la discrétion, je ne voulais pas être flamboyant, parce qu’il ne faut pas trop attirer l’attention à soi quand vous filmez, la caméra est intimidante et elle peut avoir un effet repoussoir sur pas mal de gens. Mais j’ai aussi une volonté délibérée de ne pas céder aux sirènes des vêtements plus mode. J’aurais bien aimé m’habiller en Junya Watanabe, ses chemises à carreaux un peu compliquées sont si belles ou dans la ligne Comme des Garçons shirt, ça me plaît énormément. Mais sur un tournage, il vaut mieux s’habiller dans des couleurs éteintes plutôt qu’en multicolore.

Pour mieux se fondre dans le décor?

En front row au défilé Nina Ricci de l’hiver 19-20 lors de la Fashion Week parisienne. Bertrand Rindoff Petroff/Getty Images © Getty Images

Loïc Prigent. J’ai déjà demandé à des collaborateurs de mettre leur tee-shirt à l’envers pour qu’on voit moins le motif, pour être plus discret parce que je sentais que ce jour-là, il valait mieux être passe-partout. Cela change une garde-robe d’être vigilant ainsi. Et puis c’est une forme de liberté également de ne pas participer au jeu des tendances. Une fois que vous les suivez, c’est chaud, faut surtout pas s’arrêter.

Sinon, cela vous date très vite, pas besoin de Carbone 14. Bref, la chemise Prada avec les bananes, c’est pas mon truc. Mais j’adore les gens qui le font. Quand les influenceurs sont arrivés il y a quelques années, vraiment habillés et dans les codes de la saison, voire de la suivante, j’ai vraiment beaucoup apprécié. J’aime observer ce qu’ils portent, comment ils le portent… J’adore le côté portemanteau littéral, je trouve ça beau mais chez les autres.

La ringardise est un péché mortel dans ce monde-là. Comment faire pour l’éviter quand on vieillit?

Loïc Prigent. Je pense que c’est une histoire d’état d’esprit… Prenez Rick Owens, je le vois vieillir un peu avec moi… Mais je vois surtout comment il vit, comment il a laissé entrer la lumière, comment il a laissé entrer la couleur, comment il reste fidèle à ses principes de départ. Il répète des choses mais c’est pour être bien compris, pas parce qu’il radote. J’aime son approche et sa façon d’évoluer en restant fidèle à ses valeurs.

Mais pas tout le temps non plus. Il ne faut pas croire que ce sont des principes philosophiques, il vaut mieux se laisser contaminer par ce qui vous entoure. J’ai adopté ce principe-là pour tout. Je suis terrifié par les gens qui écoutent la même playlist que celles qu’ils écoutaient quand ils avaient 20 ans. Je comprends le côté madeleine de Proust mais c’est infernal de vivre dans une vieille cave musicale toute humide.

Mais la mode a toujours fait du recyclage…

Loïc Prigent. Oui, mais ce n’est jamais la même chose. Et je ne passe jamais de temps à analyser les recyclages, je m’en fiche complètement des citations d’époques, j’ai toujours trouvé que c’était un mauvais prisme, un prisme faux en plus. On vous dit: «C’est le retour des années 60.» Mais non, ce n’est jamais le retour des années 60, elles sont mortes, elles ne vont jamais revenir, les gars, c’est fini. Et puis c’est comme s’il n’y en avait eu qu’une, des années 60! C’est vrai que j’ai revu dans les années 80 des défilés assez littéraux, avec des vêtements hippies, c’était assez étonnant, presque de l’ordre du déguisement, mais ce n’est plus jamais le cas. A chaque fois, c’est toujours hybridé. Et ça, ça m’amuse, j’adore les hybridations.

«Quand il est devenu académique, le luxe n’est plus vraiment du luxe.»

Vous avez avoué avoir crié de joie et de jubilation dernièrement, à la fin du show des 10 ans de Nicolas Ghesquière chez Louis Vuitton. Après tout ce temps, ça vous fait encore un tel effet, un défilé?

Loïc Prigent. Oui, c’est tellement bien mis en scène parfois! Et puis si on n’est pas investi émotionnellement, on ne tient pas longtemps, enfin, ça vaut moins le coup. Je regarde les défilés comme des tableaux, je vais les voir comme je vais voir des expositions ou des films. Je les considère vraiment comme des entités artistiques, comme des œuvres, qui ont un but évidemment éminemment commercial. Ce sont aussi des moments d’émotion… Quand je découvre vraiment l’expression de tout un studio, qui essaie de nous transporter ou nous secouer, je me laisse transporter, secouer sans aucun problème, je ne me ménage pas, j’y vais à fond.

Comme mes camarades journalistes quand ils sont au Festival de Cannes… Je trouve ça hyper cool qu’ils s’emballent pour ce film thaïlandais de 8 heures. Vous les voyez, les collègues, à la veille du palmarès? Il faut les pincer pour les faire revenir à la réalité. Ils s’en fichent de la réalité. Et moi, j’aime ce côté bulle de la mode aussi. Je trouve que c’est vraiment agréable de pouvoir être dans cette bulle de mots, d’émotions, de frivolités. Mille milliards de rubans, La vraie histoire de la mode, par Loïc Prigent, Editions Grasset.


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