Rencontre chez Valentino, le dernier empereur

© Reuters

Bien qu’il ait fait un pas de côté, le couturier italien, aujourd’hui âgé de 82 ans, reste l’une des figures mythiques de ces dernières décennies. Son intérieur illustre parfaitement sa philosophie de création : une quête perpétuelle de perfection et d’exclusivité.

Bien qu’il ait fait un pas de côté, le couturier italien, aujourd’hui âgé de 82 ans, reste l’une des figures mythiques de ces dernières décennies. Son intérieur illustre parfaitement sa philosophie de création : une quête perpétuelle de perfection et d’exclusivité.

Situé à Holland Park, un quartier chic de Londres, l’hôtel particulier de Valentino Garavani est certainement la demeure la plus impeccable de la rue. Façade immaculée, marches en marbre noir et blanc et topiaires bien taillées éclipsent les résidences voisines. Passée la lourde grille en fer noir de l’entrée, on pénètre dans un hall grandiose, tapissé de toiles de l’Américain Philip Taaffe. Deux symboles  » dollar « , peints par Andy Warhol, y sont entourés d’une foule d’objets précieux. C’est que le créateur italien, qui a donné son nom à la griffe Valentino, est un collectionneur averti doublé d’un maître du raffinement. Tout ici, des coussins en soie aux lourds verres en cristal, respire l’élégance et l’excellence. L’homme ne fait pas dans le shabby chic… Pour preuve, son dernier livre, At the Emperor’s Table, dans lequel le couturier illustre sa conception extravagante de l’art de la table dans cinq de ses résidences. Il y a tout d’abord la bâtisse londonienne, avec sa fameuse chambre bleue, ornée de porcelaines chinoises du XVIIIe siècle.  » Elles ont une valeur inestimable « , confie le propriétaire. Les pièces les plus importantes, de la période Qianlong, sont conservées dans cette maison ou dans son château de la banlieue parisienne. Le chalet de Gstaad, en Suisse, abrite quant à lui des soupières en forme de fruits et légumes, dessinées par Meissen et Sceaux ; et l’appartement new-yorkais, qui donne sur Central Park, recèle la plupart de ses assiettes impériales russes, ainsi que des verres ciselés. Le yacht, enfin, avec ses cinquante membres d’équipage, renferme des choses plus modernes.  » Le bateau est un monde à part, plus simple, tout en bleu et en blanc. Pas de quoi s’extasier « , précise-t-il.

Tenue de circonstance

Ce véritable trésor, le styliste, âgé aujourd’hui de 82 ans mais toujours aussi bronzé et tiré à quatre épingles, l’a constitué au fil des décennies.  » Je suis un acheteur compulsif, je ne peux m’en empêcher. Mais c’est aussi un plaisir pour moi « , affirme-t-il. Valentino utilise ses carafes Fabergé, ses assiettes impériales, ses couverts en or ou encore ses serviettes faites sur mesure pour composer des tables somptueuses, dignes du dernier empereur de la mode.  » Pourquoi ne pas viser la perfection ? Je suis très à l’aise pour créer des robes et divertir. Je pense visuellement. J’apprécie le beau, les proportions harmonieuses. J’aime manger et voir de jolies femmes se vêtir pour les grandes occasions « , énumère-t-il.

Ses critères sont à ce point sévères qu’il préfère encore recevoir qu’être invité. Et pour cause, il n’est vraiment détendu que lorsqu’il peut contrôler tous les détails afin qu’ils comblent ses attentes.  » Je suis parfois pénible, tout doit être parfait. Et je tiens à ce que chacun soit bien habillé. Désolé, mais ici, vous êtes chez Valentino « , lance-t-il sans vergogne. Tout ce qu’il désire, c’est que ses invités soient  » élégants et éblouissants. Et que les femmes fassent un effort pour être attirantes. Elles doivent savoir qu’elles ne seront pas les seules, qu’il y aura de la compétition.  » Même lorsqu’il dîne en solitaire, le gentleman soigne la décoration, ce qui lui rappelle sa réussite personnelle.  » Quand je regarde tout ce qui m’entoure, j’en suis fier, parce que je vois ce que j’ai réalisé dans ma vie. Je sais que j’ai accompli de belles choses. Et je n’ai aucun regret car j’y suis arrivé par mes propres moyens, sans l’aide de personne. « 

Cygne de reconnaissance

Corollaire de cet amour pour son propre intérieur : le maître des lieux est très exigeant et tient à ce que son personnel de maison change constamment l’aménagement. Et d’épingler une série d’acquisitions méritant une mention spéciale, comme un jeu d’assiettes chinoises, superbement peintes de fleurs colorées –  » Je n’en possède que neuf  » – ou ses cygnes Meissen –  » Je pense en avoir près de trente. J’aime cet oiseau, il est très décoratif  » – qui ne sortent des armoires que pour les hôtes de marque. Un invité peut ainsi évaluer l’importance qu’on lui accorde en comptant les volatiles exposés. Valentino se rappelle d’un repas au cours duquel vingt spécimens semblaient nager sur une mer de minuscules orchidées jaunes –  » Certaines avaient la taille d’un ongle. On aurait dit des nuages. « 

Ce passionné a toutefois cessé, pour l’heure, d’emmagasiner les objets.  » Je ne sais plus où les mettre. J’ai décidé d’arrêter complètement ! L’autre jour, je consultais le catalogue de Sotheby’s. J’ai vu de jolies pièces, mais je n’ai plus besoin d’agrandir ce patrimoine.  » Cela dit, l’idée de vendre le rebute.  » Il n’en est pas question « , réplique-t-il avec une grimace de dégoût. Mais il rappelle toutefois qu' » on peut imaginer une table charmante avec trois articles dénichés au marché, et même en faire quelque chose d’exceptionnel, à condition d’avoir du goût « . Son secret pour un dîner réussi ?  » La lumière dans la salle à manger ! Il est important de bien la doser pour mettre en valeur chacun de ses convives.  »

5 choses à savoir sur Valentino

Né en 1932 à Voghera, en Italie, Valentine Garavani gagne Paris à 17 ans à peine pour étudier la mode à la Chambre syndicale de la couture.

En 1960, il crée sa maison, à Rome, avec un associé, l’architecte Giancarlo Giammetti. Dès le départ, le rouge fait son entrée dans les collections. Une couleur qu’il n’abandonnera jamais.

Il signe en 1968 la robe de Jackie Kennedy pour son mariage avec Aristote Onassis.

Dès 1975, il présente sa ligne prêt-à-porter à Paris et, en 1989, il fait son entrée dans le cercle fermé de la haute couture.

Sa marque est rachetée en 1998, puis à nouveau en 2002, mais il en reste encore directeur artistique quelques années, avant de prendre sa retraite en 2008. Aujourd’hui, c’est Maria Grazia Chiuri et Pierpaolo Piccioli qui assurent la création au sein de la griffe.

F.BY.

Valentino : At the Emperor’s Table, par André Léon Talley, photos d’Oberto Gili, Assouline. www.assouline.com

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