Retro 2021: Le 24 avril, le monde de la mode perdait Alber Elbaz, créateur de génie

Le créateur Alber Elbaz à la fin d'un défilé Lanvin, à Paris, en 2009. © GETTY IMAGES

Trois mois après le lancement de son label AZ Factory, le créateur Alber Elbaz a tiré sa révérence, à Paris, victime du Covid-19. Il avait 59 ans.

L’homme d’affaires Paul Deneve (60 ans) a été PDG de Lanvin de 2006 à 2009 et est resté un ami proche d’Alber Elbaz, qui fut directeur de cette maison de mode durant des années.

« Son partenaire, Alex ( NDLR: Koo, ancien directeur du merchandising de Lanvin), m’a envoyé un SMS vers 2 heures du matin ce jour-là: « Alber is gone. » J’ai eu du mal à le croire: depuis son hospitalisation trois semaines plus tôt, la situation semblait stable. De plus, Alber était un battant, il pouvait surmonter n’importe quel obstacle. Un mois plus tôt, nous avions déjeuné sur le toit-terrasse de la Fondation Cartier. Comme moi, il était hypocondriaque, nous nous étions assis à des mètres l’un de l’autre, cachés derrière nos masques. Mais il était heureux. Il avait développé AZ Factory et mis sur pied une équipe, la première collection en janvier avait été bien accueillie, la vie lui souriait.

Il a rarement évoqué son départ de Lanvin en 2015 ; l’avenir, il n’y avait que ça qui l’intéressait. Pourtant, cette séparation l’avait fortement marqué. Il a fallu remettre sur le devant de la scène une maison de mode alors totalement insignifiante, dont le propriétaire de l’époque refusait les investissements: Alber avait fait l’impossible avec Lanvin. De plus, je savais tout ce que son travail lui demandait. Il vivait pour la mode et était toujours absorbé par la création d’une nouvelle collection, mais il était difficilement satisfait. Il devait toujours tout reprendre à zéro.

Paul Deneve
Paul Deneve© RENAUD CALLEBAUT

Après notre collaboration chez Lanvin, nous nous sommes retrouvés pendant nos vacances et nous nous sommes rapprochés. Au printemps 2016, il m’a rendu visite à San Francisco, où je vivais alors et où j’étais vice-président d’Apple. J’ai organisé quelques dîners pour lui avec des entrepreneurs de la Silicon Valley. Il m’a expliqué que ces repas avec des gens comme Kevin Systrom, le cofondateur d’Instagram, avaient contribué à la création d’AZ Factory. Offrir des solutions à des problèmes concrets par la technologie: c’est ainsi qu’il voulait l’appliquer à la mode, un monde qui, à ses yeux, était figé dans le temps.

Ce dont je me souviens le plus, c’est de son énorme amour pour les gens. Alber était exigeant et avait le coeur sur la main même lorsqu’il était ennuyé. Il lui était difficile de se mettre en colère. Il voulait toujours que les gens se sentent bien. On peut également remarquer ça dans ses collections, qu’il a conçues pour toutes les femmes, indépendamment des idéaux de beauté et des critères d’âge. Il ne cherchait pas à attirer l’attention ou à susciter la controverse: il travaillait pour un client ayant des besoins spécifiques pour des moments spécifiques, et c’était sa mission. Il voulait que les femmes s’aiment, c’était l’essence de son travail. Rien que pour ça, je le compte parmi les grands de tous les temps, aux côtés de créateurs tels que Coco Chanel, Yves Saint Laurent et Christian Dior. »

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