Visite chez Barbour, la marque tradi dans l’air du temps

Stagiaire Le Vif

Du haut de ses 120 ans, la veste en coton huilé Barbour a su conserver son cachet old-school tout en gagnant en coolitude. Passage à l’heure anglaise et visite à Newcastle, berceau de la vénérable « jacket ».

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Dans le port de South Shields, bourgade de la banlieue de Newcastle au charme médiéval, des midinettes s’affairent sous les cliquetis, les clapotis, les clappements et les crissements de diverses machines. À ce brouhaha assourdissant se superposent quelques voix féminines qui fredonnent gaiement les tubes du printemps qui passent à la radio. Au bout de cette chaîne aux 36 maillons, on découvre une veste en coton huilé couleur vert olive et coiffée d’un col en velours côtelé. De ce vêtement aux revers Tartan s’échappe un parfum aussi reconnaissable qu’addictif : l’odeur Barbour. The Bedale, The Beaufort, et The Beadnell, trois modèles iconiques des vestes enduites, sont toujours et depuis 120 ans fabriqués ici. Ce ne sont pas moins de 3.000 vestes qui sont façonnées chaque semaine par ce petit monde majoritairement féminin.


Opération à col ouvert

À quelques mètres de cette frénésie créatrice, des patients venus des quatre coins du globe font la queue en silence pour se faire soigner dans une clinique particulière. Leurs symptômes sont variés, parfois surprenants : poche arrachée par un chien, col abîmé par un fil barbelé ou parka défigurée par un passage à la machine à laver, erreur fatale ! Les médecins font de leur possible pour redonner vie aux vestes inanimées, n’hésitant pas à les « rewaxer » pour leur redonner des couleurs ou à y enfoncer leurs aiguilles pour les rafistoler

Les fonds des poches des malades cachent parfois une véritable caverne d’Ali Baba pour tous les rêveurs et conteurs d’histoire : livres sterling, douilles de fusil, préservatifs, dessous féminins ou mots doux. Ces objets dignes des collections les plus loufoques sont toutefois rendus à leurs propriétaires. Ni vus ni connus.

Tant de zèle pour un vêtement really ? C’est que chaque Barbour revêt une valeur sentimentale pour son propriétaire et suscite un attachement presque irrationnel, tel celui d’un enfant pour son doudou. On raconte que la reine d’Angleterre fit elle aussi envoyer sa veste de toile enduite au service après-vente des ateliers Barbour et qu’elle préféra récupérer sa veste chérie plutôt qu’une nouvelle offerte révérencieusement en échange. Patriotique et souveraine est la griffe, bénéficiaire de trois brevets royaux : celui du duc d’Édimbourg, du prince de Galles et de Sa Majesté la reine Élisabeth II.

Une histoire de météo

Ses lettres de noblesse, Barbour les doit à sa pérennité, à son ancrage dans le temps qui passe et dans le temps qu’il fait. « Le meilleur de l’habillement anglais pour le pire de la météo anglaise » clamait une publicité Barbour des années 90. Mise au point dès 1894 par John Barbour, un représentant en tissus originaire d’Écosse, la veste du même nom permet de sautiller sous la pluie en toute insouciance et de braver les intempéries grâce à sa matière imperméable et fluide inspirée des pêcheurs qui s’enduisaient autrefois de graisse de poisson pour se préserver du froid. Une plus-value miraculeuse au pays du ciel inconsolable qui fit rapidement des adeptes parmi les marins, les écuyers, les pêcheurs, les fermiers ou les chasseurs.

Dans les années 30, la marque connut un succès fulgurant grâce à sa ligne d’accessoires et d’uniformes destinés à la moto. L’acteur américain Steve McQueen fut l’un des plus célèbres porte-drapeaux de l’International Jacket, qu’il porta lors de l’International Six Day Trials, une course mythique. Ce vêtement de course était équipé de protection pour les parties intimes et se transformait grâce à quelques pressions en pantalon. Pratique. C’est que « Sir » Barbour visait l’ergonomie avant tout: le col en velours permettait à l’eau de s’écouler, les emmanchures souples assuraient aux motards une aisance pour signaler leur direction. Tout était et est toujours réfléchi.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, c’est Barbour qui fournira les uniformes à la Royal Navy. En 2014, Barbour reste une entreprise 100% familiale, dirigée par Margaret Barbour et sa fille Helen, cinquième génération du nom. Cet héritage, la griffe y reste profondément attachée et conserve dans son musée officieux des vestes centenaires aux histoires passionnantes.

De la penderie du chasseur à celle du hipster

Ancien symbole d’appartenance bourgeoise, le manteau était encore associé il n’y pas si longtemps aux promenades de beagles en campagne, à la famille royale en vacances à Windsor ou aux chasseurs du dimanche. Puis sonna le glas de cette période peut être un peu trop tranquille. Le Barbour connaît depuis quelque temps un regain de coolitude qu’on peut sans doute attribuer à un relai médiatique stylé. La veste au charme anglais s’est affichée sur les épaules de starlettes en vogue ou de hipsters prescripteurs : Alexa Chung, Lily Allen, Coco Sumner (fille de Sting et chanteuse d’I Blame coco) ou encore Alex Turner (chanteur des Arctic Monkeys). La Barbour s’est décoincée et a fui son palais pour aller se salir dans le gazon – ou ce qu’il en reste- de Glastonbury. « Ouh la Gadoue, la gadoue », la Barbour. Sous ses allures rock’n’roll, la Barbour est décidemment britannique jusqu’au bout des manches.

Les people ne portent cependant pas seuls sur leurs épaules cette renaissance hype. La griffe a su se dépoussiérer à coup de collaborations ponctuelles avec des designers tels que Paul Smith, Alice Temperley, Tokihito Yoshida ainsi que des labels comme Nortons & Sons ou Pantone. En octobre prochain, on découvrira le partenariat de Barbour avec Adidas Original. La marque a réussi avec brio à garder son ADN old-school tout en épousant des éléments modernistes. Dans la collection Heritage, des imprimés répétitifs de chasseurs ou de gibiers ornent les pulls traditionnels et leur donnent un sacré twist fashion. Un vintage progressiste que la marque doit à son regard incessant vers son passé pour tracer son avenir.

La crise financière n’y est pas pour rien dans ce revival. Les consommateurs ont pris le goût de l’authenticité et recherchent la qualité et la pérennité comme valeur refuge. Par sa régularité, sa cohérence, et sa qualité, Barbour a su séduire les amoureux du durable. Tel un repère dans un monde en perpétuel changement, la bonne vieille veste Barbour imprégnée de l’odeur réconfortante qui est la nôtre (on ne peut pas la laver) rassure. Le vêtement vieillit avec nous, se raidit et se ride au fil du temps. Le textile même raconte une histoire : à observer ses décolorations et ses cicatrices, on pourrait écrire des romans sur son propriétaire. Se détachant tout à fait de la fash-fashion, la Barbour a su fasciner grâce à son allure passéiste et sa beauté imparfaite.

La griffe so british peut se targuer d’avoir dépassé le siècle d’existence en assumant ses rides, et d’avoir charmé tant un rustre agriculteur qu’un hipster de SoHo. Au royaume de Barbour, la mode est fédératrice, pratico-chic et, last but not least, authentique.

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