Mathieu Nguyen

1917 au cinéma et la Troisième Guerre mondiale à l’horizon

Un événement récent remis en perspective à l’aide de références historiques ou pop culture, de mauvaise foi occasionnelle et d’une bonne dose de désinvolture.

Première cérémonie majeure de l’année, les Golden Globes 2020 ont consacré le long-métrage 1917, grand gagnant de la soirée avec le prix du Meilleur film et le titre de Meilleur réalisateur pour son auteur, Sam Mendes. Comme le suggère son intitulé, l’action se déroule durant la Grande Guerre, et suit les déboires de soldats en mission suicide derrière les lignes ennemies. Au-delà des mérites intrinsèques du film, on remarquera que Hollywood a souvent prisé et primé les thématiques martiales – qui, reconnaissons-le, constituent un terreau particulièrement fertile à toutes sortes d’intrigues, aux effusions de violence comme d’émotion et aux destins bigger than life en général.

C’est sans doute pourquoi, après des années à servir la propagande interventionniste de Roosevelt, l’industrie du ciné s’est montrée friande de conflits armés. Un coup d’oeil au palmarès des Golden Globes nous enseigne que, dès 1947, les GI démobilisés des Plus belles années de notre vie ont décroché la récompense suprême, bientôt imités par une tripotée de classiques, Le pont de la rivière Kwaï, Les canons de Navarone, voire encore l’élégant Lawrence d’Arabie, qui donna des allures péplumesques à la bataille d’Aqaba. Plus proche de nous, on se rappelle évidemment des plébiscites de Platoon, Né un 4 juillet, La Liste de Schindler ou Il faut sauver le soldat Ryan, autant de productions lauréates où il n’est plus seulement question de magnifier la bravoure et l’héroïsme, mais aussi d’appréhender l’incompréhensible, d’exorciser la douleur et, somme toute, de faire oeuvre de pédagogie – avec succès, d’ailleurs, puisqu’elles semblent avoir vacciné toute une génération contre les débordements va-t-en-guerre. Et depuis ? Pénurie de trophées dorés : plus de vingt ans séparent ce 1917 du Soldat Ryan. Qu’en déduire ? Pas grand-chose, sans doute.

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Le hasard a tout de même voulu que, le même week-end, dans les tendances les plus discutées sur Twitter, 1917 a côtoyé le hashtag #WWIII, soit World War III, spectre d’une Troisième Guerre mondiale apparu suite au regain d’instabilité au Moyen-Orient. Or, malgré ce sinistre mot-clé, ça a bien lolé dans les chaumières, entre une minorité belliciste fantasmant ses futurs exploits militaires, testostérone en bandoulière, et le reste de l’hypothétique contingent, partagé entre mèmes, détournements, vannes pourries et préoccupations pratiques –  » ‘Y a du Wi-Fi dans un tank ? Je pourrai mettre ma playlist ?  »

Tant d’irrévérence face à la plus tragique des perspectives, ça a fait grincer quelques dents, souvent dans les rangs de ceux qui n’ont jamais combattu non plus, mais restent néanmoins persuadés qu’une bonne guerre apprendrait la vie à ces clampins ricanant derrière leur écran. En étant un poil moins extrême, on pourrait espérer que les jeunes d’aujourd’hui prennent du plomb dans la cervelle, au sens figuré du moins, par le biais d’édifiants films de guerre, dont 1917 inaugure peut-être une nouvelle ère. Ou alors, on peut aussi se dire qu’avoir 20 ans dans cette ambiance pré-apocalyptique, c’est pas hyperfolichon, et que la dernière arme disponible dans un contexte peu propice à l’optimisme, c’est l’humour, la  » politesse du désespoir  » chère à Chris Marker. Bref, entre réalisme anxieux, viriles bravades ou résignation par rigolade, reste plus qu’à choisir ton camp, camarade.

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