Bart Raeymaekers, directeur général du Centre de crise: « Ce qui effraie les gens, c’est l’ignorance »

© JORIS CASAER

Bart Raeymaekers (53 ans) a été successivement chef de cabinet adjoint pour la police et la gestion des crises et conseiller en sécurité auprès du ministre de l’Intérieur. Depuis 2017, il est à la tête du Centre de crise National (NCCN), qui est aussi actif dans la gestion de la crise sanitaire.

En cherchant, on trouve toujours un peu de lumière dans l’obscurité. L’année passée, beaucoup de nos certitudes ont été ébranlées et nous avons traversé des journées d’horreur, marquées par des centaines de décès, mais à ce moment-là aussi, j’essayais de penser que tout n’est jamais tout noir ou tout blanc. Le ralentissement de la société et la façon dont les gens ont redécouvert leur propre quartier et leur communauté, le télétravail qui s’est installé en quelques mois: j’y accorde peut-être plus d’importance que d’autres en raison de mon travail, mais ce genre de choses me remontent.

J’ai plus peur de passer à côté de quelque chose que d’échouer. J’ai travaillé comme kinésithérapeute pendant six ans avant de réaliser mon rêve de toujours et de devenir officier de la gendarmerie. Ensuite, même au sein de la police locale ou fédérale, j’ai toujours opté pour les postes les plus complexes et stimulants. Echouer une fois, ce n’est pas grave, le prochain essai sera peut-être plus concluant. Ne rien faire parce que vous n’osez pas: pour moi, cela vous suivra jusqu’à votre lit de mort.

Pour moi, tout dépend de la façon dont vous vous comportez envers les autres. Mes parents nous répétaient sans cesse qu’il fallait respecter les autres, et c’est devenu une qualité essentielle pour moi. Si vous êtes désagréable avec votre entourage, si vous n’avez aucun respect pour vos rendez-vous avec les autres ou pour leurs affaires, alors le courant ne passera probablement pas entre nous.

La question n’est pas de savoir si je suis stressé ou pas. En tant que directeur d’un centre de crise, ne pas être stressé, c’est un peu comme être médecin et ne pas s’inquiéter pour ses patients. Hormis la crise sanitaire, il existe énormément d’autres menaces et situations à risque qui demandent une supervision permanente. L’important est de savoir si vous pouvez supporter ce stress et si vous connaissez vos limites. Savoir comment prendre du recul de temps en temps aide également. Personnellement, je profite du soir pour faire une petite promenade, un podcast dans les oreilles. Pour l’instant, j’écoute la série de Johan Op de Beeck consacrée à Napoléon: quand je rentre à la maison, c’est comme si je revenais d’un voyage dans le temps.

‘La plus grande erreur que l’on puisse commettre est de ne pas mentionner les risques qui font peur: ce qui effraie les gens, c’est l’ignorance.’

Les gens oublient parfois ce qu’ils ont eux-mêmes en main. En situation de crise, vous gagnez un temps précieux si vous savez où se situent les raccordements au gaz et à l’eau ou quelles sont les issues de secours. Ainsi, rendre les citoyens à nouveau autonomes est une priorité. Prenez notre site Internet monplandurgence.be, par exemple, ou notre kit pédagogique pour les écoles primaires, mais également toutes nos sessions d’information concernant les incidents nucléaires organisées l’an passé. La plus grande erreur que l’on puisse commettre est de ne pas mentionner les risques qui font peur: ce qui effraie les gens, c’est l’ignorance et le sentiment de n’avoir aucun contrôle sur quoi que ce soit, et non les informations et les conseils qui les rendent capables de gérer une situation d’urgence.

Si je ne peux pas dire que c’en est assez pour un moment, mes collaborateurs ne le peuvent pas non plus. Je suis disponible jour et nuit, et depuis 2017, je n’ai pas eu de vacances normales, mais si je sens que je dois prendre une heure pour moi, je le dis aussi. Un patron qui se présente comme invincible force son équipe entière à se taire.

L’approche « belge » par excellence n’existe pas. En tant que fondateur du réseau des directeurs généraux des centres de crise européens, je sais que les différences culturelles ont également une influence sur la gestion des crises et les plans d’urgence, mais de nombreux pays ont un profil plus statique que le nôtre: certains sont explicitement centralisateurs et formalistes, d’autres pas du tout. Notre approche est plutôt souple et pragmatique, elle dépend des circonstances: nous adaptons notre stratégie. Cela me fait regarder notre pays avec la nuance nécessaire: nous combinons les visions et les styles. Ce n’est pas toujours facile, mais ce mélange fait aussi notre force.

Prendre soin des autres commence par savoir les écouter. Chez nous, chacun doit savoir qu’il ou elle sera aidé.e si les choses vont trop loin ou en cas de difficultés privées, et il nous faut donc garder l’oeil ouvert. Pouvoir s’exprimer, raconter son histoire: cela fait une grande différence pour les personnes concernées. Notre équipe analyse tous les risques possibles 24 heures sur 24 et doit parfois réaliser l’impossible dans les moments compliqués: nous ne pouvons pas nous permettre d’abandonner qui que ce soit.

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