Comment le mouvement #MeToo est étouffé en Chine

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Une censure très réactive sur internet et les nombreux obstacles légaux auxquels se heurtent les plaignantes ont considérablement freiné le mouvement #MeToo en Chine, qui demeure un pays profondément patriarcal.

Début novembre, pour la première fois, les hautes sphères du pouvoir politique ont été visées par ce phénomène. Peng Shuai, 35 ans, ancienne N.1 mondiale de tennis en double et star dans son pays, affirme avoir eu un rapport sexuel forcé et une relation extraconjugale avec un puissant ex-responsable du Parti communiste.

Son message, publié sur son compte officiel Weibo et qui n’a pu être authentifié par l’AFP, est rapidement censuré sur l’internet chinois et la joueuse n’avait plus fait aucune apparition publique officielle avant de revenir avec des images qui sèment le trouble.

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Beaucoup de Chinoises qui, comme la championne, ont osé dénoncer de tels agissements, ont vu les faits se retourner contre elles.

C’est en 2018 que le mouvement mondial contre les violences faites aux femmes #MeToo est apparu en Chine. Des femmes affirment alors publiquement avoir été harcelées sexuellement par des professeurs d’université.

Redoutant un mouvement de grande ampleur incontrôlé, les autorités bloquent dans la foulée sur les réseaux sociaux le hashtag #MeToo et d’autres mots-clés relatifs au mouvement de libération de la parole des femmes.

Des militantes féministes connues sont régulièrement harcelées et interpellées par la police.

C’est le cas de Sophia Huang Xueqin, arrêtée en septembre pour « incitation à la subversion de l’Etat », selon Reporters sans frontières.

Même si le numéro un chinois Xi Jinping a déclaré que les femmes « contribuent fortement au développement et au progrès social », l’absence de femmes aux postes clés au sein du gouvernement chinois reste criante.

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– Obstacles immenses –

Le Politburo du Parti communiste ne compte qu’une seule femme sur 25 membres.

Une nouvelle loi précisant la notion de harcèlement sexuel a été adoptée l’an passé mais les plaignantes continuent de se heurter à d’immenses obstacles.

« Vous devez constamment prouver que vous êtes honnête (…) et que vous n’utilisez pas ce problème pour vous mettre en avant », a affirmé à l’AFP, sous couvert d’anonymat, une femme qui a porté plainte suite à des comportements sexuels répréhensibles à son égard.

A l’inverse, pour l’accusé « c’est vraiment très simple » car « il peut simplement nier et n’a pas besoin de prouver son innocence », selon elle.

Les affaires portées devant les tribunaux sont souvent rejetées et, dans la grande majorité des cas, l’accusé porte plainte pour harcèlement sexuel et diffamation.

Wang Qi, une employée du WWF qui a accusé sur internet son supérieur de l’avoir embrassée de force et harcelée à plusieurs reprises, a fait l’objet de poursuites pour diffamation de la part de ce dernier en 2018.

Elle a été condamnée à présenter des excuses par un tribunal qui a conclu qu’elle n’avait pas de preuves suffisantes et qu’elle avait « répandu des mensonges » à son sujet.

Cet année, un tribunal de Pékin a rejeté la plainte de Zhou Xiaoxuan, qui accusait le présentateur de la télévision publique Zhu Jun de l’avoir touchée sans son consentement quand elle était stagiaire. Le tribunal a estimé que Mme Zhou n’avait pas fourni suffisamment de preuves. M. Zhu l’a ensuite poursuivie pour diffamation.

Les tribunaux exigent des victimes présumées qu’elles présentent des preuves bien plus solides que celles fournies par l’accusé. Ils écartent les témoignages de leurs proches, amis et collègues, selon une étude de la Yale Law School publiée en mai.

– Attaques personnelles –

Cela décourage « les employeurs ou les victimes (…) car ils savent qu’ils risquent d’être poursuivis et d’avoir à faire une lourde charge de la preuve », ont écrit les chercheurs.

Les femmes qui se font l’écho de faits de harcèlement et d’agression font l’objet d’attaques personnelles.

Le célèbre journaliste Zhang Wen a été accusé de viol par une écrivaine anonyme en 2018. D’autres femmes l’ont accusé de harcèlement sexuel.

M. Zhang a tenté de les discréditer en ligne, en les accusant notamment de boire et de fréquenter de nombreux hommes.

Mais quand cela sert son propre intérêt, Pékin laisse ses allégations circuler.

Cet été, une employée du géant du e-commerce Alibaba a accusé son directeur et un client d’agression sexuelle, une affaire alors largement couverte et commentée par les médias chinois.

L’entreprise, qui faisait l’objet d’une vindicte des autorités, a licencié le directeur et s’est engagée à lutter contre ce phénomène.

Cependant, une fois le scandale passé, la police a finalement abandonné l’affaire, affirmant que l’acte d' »indécence forcée » du manager n’était pas un crime.

Des fonctionnaires déchus du Parti communiste pour corruption sont fréquemment accusés de comportements sexuels inappropriés. Mais cela « n’est révélé qu’après leur chute, écrit la féministe chinoise Lu Pin au sujet de la joueuse Peng Shuai.

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