Décès de Trisha Brown, pionnière de la danse américaine contemporaine

© capture d'écran

Grande dame de la danse américaine, Trisha Brown, 80 ans, s’est éteinte samedi: elle a influencé des dizaines de chorégraphes au fil de plus de cent pièces, marquées par la fluidité exceptionnelle de son style.

Cette pionnière de la « post-modern dance » née aux Etats-Unis dans les années 60 était malade depuis plusieurs années, mais son aura restait intacte.

Une tournée majeure de la compagnie Trisha Brown, fondée en 1970, ces deux dernières années à Paris, Lisbonne, Francfort, New York et Seattle avait attiré un vaste public.

Sa troupe a salué lundi « une des chorégraphes les plus acclamées et influentes de son époque », dont le travail « avant-gardiste a changé pour toujours le paysage artistique ».

A Paris, le Théâtre national de Chaillot a rendu hommage à un « parcours considérable, fait de chefs d’oeuvre et de démarches originales ».

Trisha Brown avait créé pour l’Opéra de Paris « O Composite », en 2004, pour les étoiles du ballet Nicolas Le Riche, Manuel Legris et Aurélie Dupont. Cette dernière, devenue directrice du ballet de l’Opéra, se souvient qu’elle « avait beaucoup d’humour et était fascinée par la danse classique ».

« Elle m’avait demandé de lui montrer mes pointes. Elle n’avait jamais vu ça de sa vie, elle avait éclaté de rire quand je lui avait montré toutes les possibilités » qu’elles offraient. La pièce comportera plusieurs passages sur pointes, une nouveauté pour Trisha Brown.

« Fluide » était l’adjectif qui revenait le plus souvent à propos de ses pièces. « Je me souviens qu’elle disait tout le temps +release+, il faut lâcher. Ce n’est pas une chorégraphie qui contrarie le corps ni les muscles, c’est une danse naturelle, ou qui le parait, car c’est très travaillé, très graphique », témoigne Aurélie Dupont.

Elle a aussi été parmi les premiers chorégraphes à sortir de la « boîte noire » du théâtre, dansant aussi bien dans des galeries et musées que sur les toits (« Roof Piece », redonnée en 2015 sur les toits de Pantin en banlieue parisienne).

Née le 25 novembre 1936 à Aberdeen, dans l’Etat du Washington (nord-ouest), Trisha Brown, arrive à New York en 1961 et rejoint rapidement le Judson Danse Theater, qui tire son nom d’une ancienne église à New York où s’épanouit la créativité d’une foule d’artistes (les chorégraphes Yvonne Rainer, Steve Paxton, les musiciens Terry Riley, La Monte Young).

Ce collectif de danseurs, compositeurs et plasticiens, situé dans le quartier de Greenwich Village, cherche à rompre avec les règles traditionnelles de la danse moderne, qu’il juge trop codifiée.

Mouvement de l’eau

Il introduit notamment les mouvements du quotidien, comme la marche, dans ses chorégraphies.

En 1970, Trisha Brown crée sa propre compagnie, la Trisha Brown Dance Company, interprétant elle-même plusieurs des chorégraphies.

Sa danse exigeante est faite d’un enchaînement rapide de mouvements des bras et des jambes, mais aussi du cou et de la tête. Beaucoup ont comparé sa danse au mouvement de l’eau ou d’une onde, qui se répercuterait continuellement dans tout le corps.

« En vérité, je ne savais pas comment je dansais », expliquait-elle, en 2013, lors d’un entretien avec Philip Bither du Walker Art Center de Minneapolis (Minnesota, centre-nord).

« J’utilisais tellement l’improvisation. J’avais mis de côté la conscience, l’appréhension de ce que j’étais en train de faire pour avoir l’esprit libre », décrivait cette femme à la voix douce et au charisme indéniable.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Radicale, Trisha Brown fait danser sa compagnie sans musique durant dix ans avant de s’ouvrir à des compositeurs.

Elle pousse ses recherches toujours plus loin, à la manière de l’autre grand pionnier de la danse contemporaine, l’Américain Merce Cunningham, en collaborant notamment avec le plasticien américain Robert Rauschenberg ou le danseur russe, naturalisé américain, Mikhaïl Baryshnikov.

Elle s’aventure également dans le monde de l’opéra et du jazz, de même que celui de la capture de mouvements par ordinateur.

Elle dansera elle-même jusqu’à 71 ans, en 2008, tirant sa révérence à l’occasion du spectacle « I love my robots ».

En 2013, Trisha Brown avait annoncé que les deux oeuvres créées en 2011, « Les Yeux et l’âme » et « I’m going to toss my arms – if you catch them they’re yours », seraient ses dernières et qu’elle n’assurerait plus la direction artistique de sa compagnie.

Sa mort suit de quelques mois celle de son mari, l’artiste vidéaste Burt Barr, décédé le 7 novembre.

Elle laisse un fils et quatre petits-enfants.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content