Frédéric du Bus: « Le dessin, c’est ma manière d’évacuer l’angoisse du monde »

© AARON LAPEIRRE
Mathieu Nguyen

Illustrateur, auteur et humoriste, celui qui se fait surnommer duBus croque l’actu depuis plus de vingt ans. Il revient avec la rétrospective un peu particulière d’une année qui ne le fut pas moins: Le monde d’après.

Pour moi, cette année n’a pas été un grand bouleversement: je suis confiné depuis trente ans. Je fais tout de chez moi, je vois très peu de gens, je fais mes dessins, je les envoie et voilà. J’ai continué à travailler, sans doute même plus qu’avant, donc je n’ai pas à me plaindre. Le plus dur, ce sont les quinze premières années ; après, ça va. Je peux donner des cours.

Illustrer la Covid pendant neuf mois, c’est comme cuisiner cinquante plats avec trois ingrédients. Ça ferait une bonne épreuve à Top Chef, même si à la fin, on en a quand même ras-le-bol. Mais je ne vais pas pleurnicher, il y a des gens qui vivent des situations autrement plus compliquées. Et puis, il y a de nouvelles têtes qui émergent – comme Van Laethem, lui, je le tiens bien – et que je peux utiliser. Pour moi, les personnages sont comme des marionnettes, ou des outils.

Certains font du squash ou du parapente, moi je dessine. C’est ma maniu0026#xE8;re d’u0026#xE9;vacuer l’angoisse du monde.

Tout me désespère, c’est pour ça que je fais ce métier. C’est ma manière d’évacuer l’angoisse du monde. Certains font du squash ou du parapente, moi je dessine. Quand on parvient à dessiner quelque chose, c’est qu’on l’a comprise, et donc ça fait moins peur. J’ai toujours plus de mal avec les guerres, les famines, les attentats terroristes, mais ça fait partie du job, je suis bien obligé d’y aller. S’il n’y avait pas toutes ces sources de désespoir, je ferais de la peinture, ou de la sculpture sur bois.

Je n’essaye même plus de trouver une idée le matin, j’attends l’après-midi (NDLR: il croque l’actu chaque jour dans La Dernière Heure/Les Sports). Il y a trente ans, on lisait le journal, on trouvait un sujet et on savait ce qu’on allait faire pour le lendemain. Maintenant, avant 17 heures, je ne sais toujours pas ce que je vais faire. L’actu change tout le temps. Ou quand j’ai une bonne idée, je la vois passer mille fois sur Facebook, mal faite par des amateurs qui gâchent le métier, et tout le monde a fait la même blague, tout est grillé.

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Trouver un gag, ce n’est pas la partie que j’aime le plus. Je visualise d’abord l’image de mon dessin, avant de savoir ce que sera le texte. Souvent, je ne sais pas ce qu’il y aura dans la bulle, ça vient en dessinant. Ce que je préfère, c’est de mettre les personnages en scène, de rendre une ambiance, trouver une métaphore, soigner un détail.

La liberté n’existe qu’à partir du moment où il y a des limites. Et ce ne sont pas des murs infranchissables, on peut les frôler, les repousser; ça fait partie du jeu de s’y adapter. Etre libre consiste justement à décider de pouvoir franchir les limites – c’est ce que fait Charlie Hebdo chaque semaine en y allant à fond. En tant que caricaturiste, on travaille avec des produits explosifs. Moi, je fais de la flûte, eux, ce sont des punks.

Le public était prêt pour les blagues sur la monarchie, ce sont les rédactions qui étaient frileuses. Il y a vingt ans, personne n’osait. Puis, avec l’émission de radio Votez pour moi (Bel RTL), on l’a fait, on a mis en scène le roi, qui arrive en disant quinze fois « Nondedjeu ». On a très vite vu que ça fonctionnait, que les auditeurs répondaient présent, et c’était parti. Après, tout le monde l’a fait. Si j’ai une médaille à m’accorder, c’est d’avoir ouvert cette porte-là.

Je n’ai aucune leçon à donner, je ne suis militant de rien. Je ne me lève pas le matin en me disant qu’un de mes dessins va sauver le monde. Quand je suis touché par quelque chose et que je veux transmettre un message, je me plante, je fais un mauvais dessin. Je préfère être lâche, rester à la fenêtre et rigoler de loin. Mon humour n’est pas un glaive, mais un bouclier. S’il y a parfois une charge politique, elle n’est jamais idéologique. Et si des gens de gauche me pensent de droite, et que les gens de droite pensent le contraire, c’est que j’ai un peu réussi ce que je voulais faire.

J’aimerais bien laisser une trace, mais je crois que j’ai la trouille. Je fais un métier très volatile: un dessin de presse, c’est dans l’instant. Or, j’adorerais sortir de l’actu, mais je n’arrive pas à m’atteler à un projet personnel – pourtant j’ai des propositions, plein d’idées et un truc en tête depuis cinq ans. Le drame de ma vie, c’est de ne pas avoir quelque chose qui tienne encore dans vingt ans. Mon rêve serait de faire un beau livre pour enfants. Peut-être qu’un jour, le déclic se fera.

Le monde d’après, par duBus, La Renaissance du Livre.

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