(In)volontairement sans enfants: « La maternité me semble très restrictive »

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Mare Hotterbeekx
Mare Hotterbeekx Journaliste Knack Weekend

« Les vraies femmes ont un enfant ». Le titre du dernier livre de Liesbeth Smit est un cliché qui pèse lourd. Mais que faire si vous ne voulez pas avoir d’enfant ou que votre souhait d’enfanter ne s’est pas réalisé ? Trois femmes témoignent.

Le 12 mai, c’est la fête des Mères. Ma boîte mail déborde d’idées cadeaux les plus folles. Voyages, visites au sauna, parfums ou fleurs: rien n’est trop beau. Personnellement, je regarde cette déferlante d’e-mail(s) avec une certaine indifférence. Agrandir la famille n’est pas à l’ordre du jour et la date limite pour prendre une telle décision est encore loin. Mais que les choses doivent être différentes pour les femmes qui doutent de leur désir de maternité ou qui ne veulent pas d’enfant. Quelle est leur place dans cette société orientée vers la famille ? Et qu’en est-il de ceux qui auraient bien voulu, mais qui n’ont pas pu ?

Trois femmes sans enfants racontent les idées fausses, les critiques souvent entendues et le manque de compréhension dans leur entourage.

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Loes (28) : « La maternité me semble très restrictive »

Dans notre société, l’idée qu’il faut commencer à avoir des enfants vers l’âge de 30 ans est bien ancrée. Depuis votre enfance, on vous prépare à une vie toute tracée: étudier, travailler, faire connaissance avec un partenaire, acheter une maison et enfin avoir des enfants. J’approche la trentaine et j’ai récemment décidé de changer de vie. Mes parents ont encore du mal à se remettre du choc.

J’adore travailler avec les enfants, mais je n’ai pas besoin de transmettre ma chair et mon sang. Je pense même que c’est un peu égoïste d’avoir des enfants quand on sait qu’ailleurs dans le monde des enfants meurent de faim. Sans parler de la surpopulation. Par contre, l’idée d’adopter des enfants qui viennent de famille d’accueil ou adoptés me séduit plus. Pour cela, nul besoin de s’y mettre vers l’âge de 30 ans. Mon ambition joue certainement un rôle dans ma décision. Je ne veux pas être coincé dans un rôle ou ma seule tâche serait d’élever des enfants. À mon avis, la maternité est très restrictive. Pendant la grossesse, vous mettez votre vie sur pause. Votre corps subit d’énormes changements. Une fois que l’enfant est là, il dépendra de vous pour les mois à venir, surtout si vous allaitez. Il faut en tenir compte tout le temps, même lorsque l’on va travailler. C’est trop de sacrifices pour moi.

Je n’ai pas pu compter sur beaucoup de compréhension de la part de mon entourage. Souvent, je dois défendre ma décision où les gens essayent de me convaincre d’avoir des enfants. Par exemple, mes parents pensent que je suis trop concentrée sur ma carrière. Ils craignent que je passe ma vie d’adulte en compagnie de sept chats, comme une sorte de vieille folle aux chats. Cela ne ferait pas de mal de regarder les avantages d’une existence célibataire et sans enfants. En dix ans de célibat et sans enfants, j’ai déjà vécu cinq fois plus que la moyenne de mes pairs. « J’ai le temps pour ça, parce que je ne dois tenir compte de rien. »

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Liesbeth Smit, écrivaine (45 ans): J’ai longtemps eu le sentiment d’avoir échoué car je n’avais pas d’enfants »

Beaucoup de gens supposent que le fait d’avoir ou de ne pas avoir d’enfants est le résultat d’une décision mûrement réfléchie. Les chiffres prouvent le contraire. Seulement 10 pour cent des femmes sans enfants l’ont voulu et pour 10 pour cent elles ne peuvent en avoir pour des raisons médicales. Cela signifie que pour 80% de cette population, l’histoire est beaucoup plus complexe. Peut-être qu’elles n’ont pas trouvé le bon partenaire, que le désir d’avoir des enfants est arrivé trop tard ou que le partenaire n’en avait pas envie. Vous n’avez que peu d’influence sur ces facteurs, mais nous continuons en masse à prétendre que c’est le cas. Aux yeux de beaucoup de gens, le fait de ne pas avoir d’enfants est de votre faute ou le fruit de votre propre décision. Je veux mettre un terme à ce genre de raisonnement peu contrasté et j’espère que mon livre y aidera.

Pendant longtemps, j’ai eu moi-même le sentiment d’avoir échoué parce que je n’avais pas d’enfants. Entre 38 et 41 ans, j’ai été prise de nombreux doutes. Je ne voulais pas être une mère célibataire, mais je ne voulais pas non plus procréer avec le premier venu. J’avais en tête l’image idéale d’une famille unie, dans laquelle vous élevez un enfant avec votre mari. Il m’a fallu des années pour lâcher prise. C’était un processus de deuil, même si je ne m’en rendais pas compte à l’époque.

Même sans enfants, vous pouvez donner un sens à votre vie

Historiquement et biologiquement, il est logique que les femmes aient des enfants. Notre société est ainsi organisée depuis des siècles et on n’y changera rien, même après 150 ans d’émancipation. Pour parler franchement, il y a deux sortes de réactions lorsque vous dites que vous n’avez pas d’enfants. D’un côté, les gens trouvent cela pathétique et essayent de trouver des solutions du type : « tu peux toujours adopter ». De l’autre côté, vous vous heurtez à de l’agressivité avec des remarques du type « qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? ». On ne vous demande pratiquement jamais comment vous vous sentez vraiment. Par conséquent, la plupart des femmes se taisent et il est difficile d’aborder le sujet.

En ce moment, je suis heureuse. J’aime la tournure que prend ma vie. La beauté de l’existence réside là où vous la placez. Même sans enfants, vous pouvez donner un sens à votre vie.

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Nathalie (49 ans) : « Quand j’ai découvert que je ne pouvais pas avoir d’enfants, j’ai surtout pensé à tous les préservatifs que je n’aurais pas dû acheter »

« L’absence d’enfant n’est pas un choix conscient, c’est arrivé comme ça. Certaines personnes sont vraiment dévastées quand leur désir d’enfants n’est pas comblé, mais ça n’a pas été le cas pour moi. J’aurais été heureuse avec les enfants, mais je suis maintenant aussi très heureuse sans »

« Ma mère s’inquiétait depuis un moment de ne pas avoir de petits-enfants. Elle m’a alors dit que si je voulais me lancer en solo, je pouvais compter sur elle. Quand j’ai eu 30 ans, j’y ai pensé, mais j’ai aussi réalisé toute la charge que cela représentait. C’est très lourd. Quand ma mère est morte, j’avais 36 ans et cette option s’est définitivement envolée: mon désir d’avoir des enfants n’était pas si grand.

Il y a trois ans, au cours d’une intervention chirurgicale on a découvert que j’avais une endométriose, ce qui signifie que, d’un point de vue médical, je ne peux probablement pas avoir d’enfants. A ce moment-là, je n’ai ressenti aucun regret ni aucune déception. J’ai surtout pensé à tous les préservatifs que j’avais achetés pour rien.

Quand on me demande pourquoi je n’ai pas d’enfants, c’est ma réponse : je ne peux pas en avoir. Apparemment, c’est facile à accepter. Nous sommes la première génération à disposer de contraceptifs vraiment efficaces. Cela signifie aussi que vous devez faire un choix très conscient, ce qui représente beaucoup de pression. « Si les femmes peuvent décider, elles n’oseront peut-être jamais s’y mettre « , disait souvent ma mère.

J’ai eu une vie bien remplie, je crois. J’ai voyagé, j’ai aimé travailler dur et j’ai écrit un certain nombre de livres. Les chances de faire tout cela quand on a des enfants sont moindres, tout simplement parce que vous avez moins de temps. Tout cela est entièrement compensé par la joie et l’amour que vous recevez de vos enfants. Malgré le fait que je n’ai pas d’enfants, j’ai pourtant l’impression de vivre une vie riche et utile. J’aurais eu aussi beaucoup plus de soucis si j’avais eu des enfants. J’ai eu des périodes de ma vie où c’était financièrement difficile. En soi, c’est stressant, mais les enfants ne font qu’empirer les choses. Je pense qu’une vie sans enfants est une vie plus simple. »

Petra De Sutter, experte en fertilité, remarque dans sa pratique qu’il y a beaucoup d’idées fausses sur le fait d’avoir ou non des enfants. Il n’existe pas toujours une nette préférence pour avoir ou non des enfants. Certains couples en voudront peut-être, mais abandonneront si la procédure pour tomber enceinte s’avère trop complexe. De plus, les partenaires ne sont souvent pas sur la même longueur d’onde, ou ne sont pas prêts à faire les mêmes sacrifices.

La société met une énorme pression pour avoir des enfants. Cette attente sociale est profondément ancrée dans notre société et remonte à des millénaires. Aristote nous a appris qu’un corps féminin est fait pour la reproduction. Quand quelqu’un décide d’aller à l’encontre de cette attente, les gens réagissent parfois avec peu de sensibilité et de nuance. Pour les femmes, ou les couples, sans enfants, c’est très fatigant. Dans ma pratique, je remarque que rapidement ils n’abordent plus le sujet ou refusent d’en discuter, car, à chaque fois, ils sont stigmatisés. Je pense qu’il est grand temps d’ouvrir le débat.

Real women have a child : The silent revolution of the nonmother de Liesbeth Smit, édition Nijgh & van Ditmar.

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