Mathieu Nguyen

La guerre des boutons

Un événement récent remis en perspective à l’aide de références historiques ou pop culture, de mauvaise foi occasionnelle et d’une bonne dose de désinvolture.

La troisième fois sera peut-être la bonne. Après deux tentatives infructueuses en 2004 et 2017, la firme japonaise Bandai s’apprête à relancer son fameux Tamagotchi, bidule ovoïde abritant un animal de compagnie virtuel, qui connut son petit succès au milieu des années 90. Dans le même ordre d’idées, et quinze ans après un premier come-back loupé, les Flippos sont annoncés de retour dans nos paquets de chips pour l’été, et dans ce cas-ci aussi, il y a des chances que l’initiative rencontre plus de succès qu’il y a quelques années; sans doute parce qu’aujourd’hui, les fans de la première heure ont enfin des enfants en âge d’être intéressés – ou de servir d’alibi à la caisse du supermarché quand Papa n’assume pas. Il suffit d’y ajouter un certain pouvoir d’achat, dont cette cible trentenaire ne disposait pas jusque-là, et voilà le combo gagnant d’un marketing éprouvé, celui qui fait de l’oeil au portefeuille à grand renfort de nostalgie régressive.

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Ce retour des Flippos (ou Pogs, Hoppies, Topshots, ne soyons pas sectaires), c’est l’occasion de revoir le souriant Hans Zandvliet, citoyen néerlandais autrefois connu sous le nom de Flippokoning. Si des torrents de pastilles colorées se sont déversés dans les cours de récré il y a vingt-cinq ans, c’est de sa faute: c’est lui qui érigea en phénomène mondial un vieux jeu hawaïen, remis au goût du jour par une institutrice locale, Blossom Galbiso. Au départ, ces rondelles empilées que l’on doit faire tomber du bon côté, on ne les trouvait pas dans le commerce, et pour cause: il s’agissait en fait de l’opercule cartonné d’une boisson tropicale, dont provient d’ailleurs le mot « pog », acronyme de « Passion, Orange, Goyave ». A mille lieues du petit upcycling de Miss Galbiso, Zandvliet transforma le concept en raz-de-marée mondial, en imaginant une version plastique qui le rendit propre à la surconsommation, et lui ouvrit une faste carrière de support publicitaire à collectionner. Hélas pour lui, s’il empocha des dizaines de millions d’euros dans l’affaire, le Flippokoning perdit sa fortune suite à de mauvais placements, une mésaventure qui l’amène à retenter sa chance aujourd’hui. Bon, pour à nouveau toucher le jackpot, il faudra refaire la promo des chips et des babioles en plastique auprès du jeune public, ce qui est moins bien vu qu’en 1995, et accessoirement composer avec un lancement estival loin d’être optimal, puisque les écoles sont fermées – et on ne parle pas des mesures anti-Covid. Une chance, finalement, que ce revival soit moins destiné aux mômes qu’à leurs parents.

Reste à savoir ce qu’il adviendra de tous ces nouveaux pogs, une fois la mini-hype passée. Une piste à explorer: le recyclage, avec le concours de l’armée. Il semblerait, en effet, qu’une fois passée la pog-mania, les seuls à encore leur témoigner un intérêt furent les collectionneurs et, assez étonnamment, certains soldats d’Irak et d’Afghanistan, qui les utiliseraient comme monnaie d’échange dans les bases militaires. La raison invoquée est d’abord pratique, liée à leur poids nettement plus léger que du métal, mais il est aussi permis de croire que les bidasses s’autorisent parfois une petite partie comme au bon vieux temps, histoire de s’occuper entre deux missions. Après tout, on ne sait pas vous, mais l’idée saugrenue que des gros durs en treillis jouent un peu plus aux Flippos et un peu moins à la guerre, à y réfléchir deux secondes, elle aurait quasi de quoi nous plaire.

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